samedi 31 mars 2012

Amour du problème

Saint-Just pensait que la vertu ne pouvait s'exercer que dans un cadre institutionnel la favorisant. Je partage ce point de vue, relayé entre autre par Etienne Chouard dans son travail sur les conditions de la démocratie. Ce qui compte, c'est la puissance politique. On peut avoir les meilleures intentions du monde; si l'on est impuissant politiquement, le diable l'emporte.

Le cadre institutionnel est tout. Quiconque se désintéresse de cette question, restant sur le plan de la morale, de l'amour ou de la bonne volonté, loin de représenter une solution, fait parti du problème.

Adrien Royo

mardi 27 mars 2012

Terrorisme d'élevage

Tous les terroristes, d’où qu’ils viennent et de quelque cause qu’ils se réclament sont les supplétifs des armées et des polices d’État. Non pas parce qu’ils seraient des traitres par essence, mais parce qu’ils représentent le jusqu’auboutisme dont à besoin le pouvoir pour faire exécuter, sous faux drapeaux, toutes les basses besognes nécessaires à la manipulation psychologique des masses. Quoi qu’ils veuillent et quoi qu’ils fassent, les actions des terroristes servent toujours et d'abord ceux qu’ils croient combattre. En ce sens, il n’y a pas pire crétin politique qu’un terroriste convaincu. De même qu’il n’y a pas plus manipulable qu’un fanatique violent radical. Qu’il soit de gauche ou de droite, islamiste, fondamentaliste de toute obédience, chrétien ou juif, son destin est de servir toujours la soupe à ses ennemis. En retour, les États ont un intérêt vital à encourager, à radicaliser ou à créer purement et simplement, toute sorte de groupuscules utilisables à volonté. Évidemment, cela revient à jouer avec le feu. Et alors?

Guy Debord, dans ses Commentaires sur la Société du Spectacle, petit livre indispensable, analysant le terrorisme rouge des années 70 en Italie avait déjà tout dit là-dessus. Les groupuscules révolutionnaires armés servaient sans le savoir la cause des pouvoirs occidentaux les plus anti-communistes. Ils étaient les instruments d’une terreur d’État servant à justifier toutes les répressions, tous les coups tordus et tous les assassinats perpétrés au nom de la raison du même nom. Ce qui veut dire que tout terrorisme est en définitive une construction ou une manipulation étatique et policière.

A qui profite l’antisémitisme radical et violent d'aujourd'hui ? Principalement à Israël qui peut, sous le couvert d’une victimisation outrancière relayée par toute la classe politico-médiatique mondiale, commettre ses crimes d’État en toute tranquillité. Les terroristes islamistes seront les forces d’appoint idéales pour diffuser dans l’opinion internationale, et ainsi détourner son regard, l’idée d’une identité parfaite entre critique d’Israël et antisémitisme.

A qui profite, dans la même logique, l’anti-américanisme violent ? Principalement aux États-Unis, bien sûr. Et à qui profite l’islamisme fanatique en France ? Au pouvoir français. Car tout est bon pour éviter que les pauvres se réunissent jamais contre leurs véritables affameurs institutionnels. Transformer une menace sociale relative en une menace ethnico-confessionnelle absolue, est la principale activité des officines gouvernementales à travers le monde. Qui sait cela échappe déjà à toutes les manipulations terroristeuses du pouvoir. Avant de courir aveuglément et stupidement à l’ennemi désigné par nos maîtres, arrêtons-nous un instant pour réfléchir ensemble.

Adrien Royo

Cameron, le courage (bis).

Ne voyez aucun lien entre les connivences grassement rétribuées, peut-on appeler ça autrement que prostitution politique? des riches britanniques avec le gouvernement de David Cameron, et la baisse de la tranche supérieure de l'impôt outre-Manche. Par ailleurs, quiconque découvrirait entre les amitiés privilégiées de Nicolas Sarkozy et sa politique économique une articulation logique, pourrait bientôt rendre des comptes à la justice pour extrémisme sauvage. Conflit d'intérêts, dites-vous? Que nenni, voyons! simple dialogue bien naturel entre honnêtes gens, ou gens de "bien", comme disaient les traitres versaillais pendant la Commune. Les riches ne font jamais valoir leur intérêt particulier, c'est bien connu. Ils sont trop soucieux de l'intérêt général. Toute l'histoire le prouve.

Adrien Royo

jeudi 22 mars 2012

L'idiot utile et les victimes expiatoires

Si les intégristes islamistes n'existaient pas, il faudrait les inventer, tellement ils servent la cause des "sécuritaristes" démocratophages. A chacune des actions débiles et criminelles d'un pseudo-islamiste fraîchement converti, le gouvernement annonce à la population en peine de lynchage, son lot de mesures liberticides. Chaque meurtre d'un idiot utile de service, augmente la pression haineuse et les réflexes pulsionnels de vengeance, annihilant des années de pédagogie pacifique. S'il est musulman, c'est encore mieux. Chaque meurtre annonce la montée d'un degré dans la domination des esprits. Qui est capable de garder son sang froid, aujourd'hui, après la tuerie de Toulouse ? L'oligarchie surfera longtemps sur cette vague. La peur et l'effroi, sont les outils premiers de sa stratégie négative.

De l'action anti-terroriste, on passe allègrement, à la faveur d'évènements comme celui-ci, à des mesures anti-contestation. Ce qui se passe aux États-Unis est édifiant à cet égard. Les Occupy Wall Street sont presque logés à la même enseigne que les fanatiques d'Al Qaïda. A tel point qu'on arrivera bientôt, si le massacre continue, à mettre sur le même plan le meurtre d'un enfant et le fait d'avoir manifesté dans la rue pour les retraites.

Encore un effort et nous pourrons jeter les extrémistes les uns contre les autres, entraînant tout le corps social dans l'abîme.

Quand l'émotion remplace la réflexion, il n'y a plus rien à faire qu'à attendre qu'elle s'apaise. Mais si on en rajoute, alors toute réflexion est bannie jusqu'au bain de sang rituel.

Le meurtre sauvage est affolant. Mais le spectacle sauvage du meurtre ne l'est pas moins. Gardons-nous de plonger dans les labyrinthes de ce vampire que nous sommes tous parfois.

Adrien Royo
 

mercredi 21 mars 2012

David Cameron, le courage.

Le gouvernement britannique a une lecture très particulière des Évangiles. Je trouve le nôtre bien timide en comparaison.

Dieu abandonne les riches, il n'en veut pas dans son Paradis. Sa Terre Promise est un endroit ou l'intérêt n'existe pas (je parle de l'intérêt lié au remboursement des prêts). Très bien, lui répond David Cameron, haut parleur de la City, si Tu ne veux pas des riches, sache que les riches ne veulent pas de Toi. Tu as choisi les pauvres, cela veut dire que tu ne comprends rien à l'économie politique, puisque sans les riches les pauvres ne seraient rien, alors nous décidons de te licencier, Toi et ton Fils, pour faute professionnelle. Nous adorerons désormais Celui qui comprend les choses d'ici-bas: un moderne, un gagneur, un mec qui en a, Satan. Lui au moins a lu Ricardo et Adam Smith. Nous te laissons avec les pleureuses grecques, nous nous occuperons du vrai monde. Allez! Ciao!

Le taux d'imposition des plus riches, au Royaume-Uni, était insupportable, le gouvernement le baissera. Non seulement la richesse privée existe, mais c'est la seule richesse qui vaille. Les riches ne s'accaparent pas une part de la richesse sociale, c'est bien plutôt la richesse publique qui prend indûment sur la richesse individuelle. Les pauvres se porteraient mieux à enrichir les riches, plutôt qu'à réclamer toujours plus de ce qui ne leur appartient pas.

Je suggère à mes amis anglais de faire un pas de plus. Pourquoi ne pas abroger les lois injustes qui interdisent le travail des enfants et le recours à l'esclavage? Satan n'est pas bégueule.

On ne devrait pas tirer des conclusions trop rapides sur les écrits bibliques avant d'être allé consulter les oracles de la City. Eux ont des choses originales à dire. On n'entrera pas dans Ton paradis, disent-ils à Dieu, d'accord, mais alors Tes brebis, on va s'en occuper aux petits oignons.

Adrien Royo
  

dimanche 18 mars 2012

Fractale fatale

Une catastrophe est d'autant plus fort niée qu'elle est statistiquement proche.

Voilà ce que nous dit Jean-Pierre Dupuy dans son dernier livre : L'avenir de l’Économie, s'appuyant sur la théorie fractale de Benoît Mandelbrot.

Soit un bateau traversant une étendue d'eau aux dimensions inconnues, dans un brouillard épais ne permettant pas d'anticiper l'arrivée. Plus la distance déjà parcourue sera grande, plus la distance qui reste à parcourir paraîtra longue. Comme si le point d'arrivée s'éloignait à mesure que le bateau avance. Et ceci, pour une raison toute logique. Si j'ai parcouru une si grande distance sans rencontrer le terme, c'est que cette étendue est beaucoup plus vaste que je ne l'imaginais. Il est donc fort peu probable que j'arrive bientôt. Or, voilà que j'y suis. Quelle surprise!  Nous serons donc toujours surpris d'arriver si vite à une destination que nous imaginions toujours plus lointaine à mesure que nous avancions.

Ainsi en est-il, nous dit Dupuy, de la catastrophe économique. C'est au moment où nous croirons le plus y avoir échappé, qu'elle arrivera. C'est au moment de la plus grande euphorie que le ciel nous tombera sur la tête.

mercredi 14 mars 2012

T-shirts de la Valeur (emblèmes kuniques)


I comme individu (en question), S comme sujet (inconnu), C comme Capital, points d'interrogations, signes égal, plus, etc.


Créations Adrien Royo (2007)



dimanche 11 mars 2012

Quoi qu'on fasse - Paul Jorion

77 % d’entre vous, mes lecteurs (voir le blog de Jorion) êtes Français. Ça ne fait pas « tout le monde », mais c’est bien plus qu’une « majorité confortable ». Votre pays est entré dans une grande foire électorale : la presse, la radio, la télévision, ne parlent que de ça, vous disent que c’est « essentiel ! », que le « comment voter ? » est à l’ordre du jour.

Or vous savez sciemment que quelle que soit la manière dont vous voterez : pour l’un des candidats qui se retrouvera au second tour, ou pour un autre, dans un vote de protestation d’extrême-gauche, d’extrême-droite, ou par un vote blanc, ou même que vous vous absteniez entièrement de voter, tout ça n’a aucune importance parce que le résultat sera le même : vous aurez élu activement, en votant pour lui, ou passivement, en laissant quelqu’un d’autre être élu, un candidat qui, ou bien appliquera immédiatement le programme d’une « Troïka » quelconque (Union européenne, Fonds monétaire international, Banque centrale européenne) ayant oublié – pour autant qu’elle l’ait jamais su – ce que le mot « démocratie » veut dire, ou bien appliquera « à la Mitterrand », ce même programme six mois plus tard, après un « courageux » baroud d’honneur.

Ce baroud d’honneur sera en effet « courageux », je n’en doute pas une seconde, mais cela vous fera – à vous et une fois de plus – une belle jambe.

Votre lassitude, votre découragement, est perceptible dans les commentaires que vous faites (sur le blog de Paul Jorion, lien ci-contre) depuis le début de cette campagne électorale.

Au cours de l’histoire, et plus spécialement au XIXe siècle, le refus de ce genre de situations sans issue a conduit à des tentatives de changement de la réalité sociale par l’intérieur et par l’exemple : des « communautés » sont nées, fragilisées sans doute dès leurs débuts par une représentation exagérément idyllique de la nature humaine, mais surtout par l’hostilité du monde extérieur qui était lui resté identique. Combien de projets grandioses de coopératives, d’ateliers sociaux, de suppression de la monnaie, ou de monnaies « parallèles », n’ont-ils pas alors succombé aux assauts de ceux qui, en extériorité à ces projets, avaient conservé, comme on dit, le « sens des affaires » ? La vertu, Saint-Just l’avait compris, même si ce fut beaucoup trop tard, ne peut s’exercer que dans un cadre institutionnel qui la protège, sans quoi, des millénaires d’histoire le montrent à suffisance, elle est tout simplement piétinée.

Alors que faire ? Résoudre les questions qui restent à résoudre si l’on veut créer un monde de demain dans lequel on puisse vivre, et de préférence, vivre convenablement. Vivre dans un monde qui nous fera prendre conscience a posteriori du cauchemar que constitue celui dont nous nous satisfaisons actuellement.

Les questions qui restent à résoudre ont été bien posées au XIXe siècle par les associationnistes, les collectivistes, les socialistes, les communistes, les anarchistes, voire même par des libéraux éclairés comme Saint-Simon ou Auguste Comte. Les questions ont été posées mais n’ont pas été résolues. Le XXe siècle a connu lui la litanie des fausses solutions qui se terminent en massacres.

Quand éclate en France, en 1848, une révolution, la multitude de projets généreux qui naissent alors s’effondre rapidement, faute pour leurs initiateurs d’avoir analysé correctement leurs principes. Proudhon évoquera avec tristesse, une révolution « née avant terme ». Mais les Révolutions ne sont-elles pas toujours, et par définition, « nées avant terme », sans quoi elles n’auraient pas même été nécessaires ? L’excuse d’avoir été pris au dépourvu par un effondrement, alors que celui-ci était pourtant éminemment prévisible et avait d’ailleurs été prévu par certains, a déjà servi ad nauseam dans l’histoire humaine.

Dimanche dernier, j’ai lancé (sur mon blog) une série en cinq épisodes intitulée : « Questions qui restent à résoudre ». Je ne suis rentré qu’hier soir d’une tournée de conférences en Belgique et aux Pays-Bas et je n’ai pas encore lu toutes vos contributions au débat mais je m’apprête à le faire.

Les questions qui restent à résoudre sont quoi qu’il en soit déjà connues et j’attends de vous que vous preniez l’initiative à quelques-uns – la troupe vous rejoindra sans tarder – d’entreprendre de résoudre ces questions, dont la liste précise se construira en route mais dont quelques-unes peuvent déjà s’énoncer clairement : « Comment casser la machine à concentrer la richesse ? », « Comment mettre la spéculation hors d’état de nuire ? », « Comment redistribuer la richesse nouvellement créée ? », « Comment inventer un système économique qui ne repose ni sur la propriété privée, ni sur la « croissance », destructrices toutes deux de la vie sur notre planète ? », « Comment faire disparaître le travail, sans que soient réduits à la misère ceux qui vivaient de ce travail ? », etc. etc.

Le moment est venu de définir en de nouveaux termes ce monde de fous dont – par lassitude et par découragement – nous nous sommes contentés jusqu’ici.

Bon dimanche, et à vos plumes, vos mails, vos coups de téléphone, vos bras, vos jambes… et que sais-je encore ? 

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction numérique en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Kunisme sociéliste et maïeutique

Le constat kunique est le suivant : le développement techno-social conduit à une fracture existentielle entre corps (ou immunologie) social(e) et corps (ou immunologie) individuel(le). Le corps social ayant atteint une puissance critique à travers ses potentialités technologiques, se met à phagocyter les corps individuels dont il devrait être le garant, le soutien et la matrice ; un instrument de naissance et d’émancipation. L'être sociel (individuel et social à la fois), au lieu de fabriquer collectivement sa chrysalide, construit sa prison mondiale et le tombeau de ses espérances. C’est ainsi que la promesse originelle d’élévation se transforme en un cauchemar cynique.

L’économie, au lieu de se faire la monture docile des Hommes en travail, se replie sur elle-même et, jouissant de sa puissance artificielle, dompte les peuples et les consciences. Le Capital agit et les Hommes se taisent. Le Capital dicte ses valeurs. Le projet humain capital devient le projet inhumain du Capital qui se sert d’une petite élite financière internationale pour arriver à ses fins. Non qu’il soit tout à coup pourvu d’une conscience autonome, mais l’inertie de son mécanisme interne, considéré comme naturel, sécrète sa propre idéologie cybernétique. Il lui suffit de fonctionner sans contradiction selon ses automatismes pour susciter la classe de ses premiers esclaves, aveuglés sur leur condition véritable par le pouvoir et la richesse démesurés qu’il leur confère.

Et ce pouvoir et cette richesse, c’est par la monnaie (cette méconnue) qu’il l’autorise. Par l’une des formes de la monnaie en particulier : la monnaie scripturale, celle qui apparaît sur les livres de compte comme écriture. Cette monnaie proprement luciférienne remplace la lumière de la Bible. Au commencement était l’Ecriture. Le dieu de la banque écrivit : que la monnaie soit, et la monnaie fut. Le jour où les communautés humaines organisées laissèrent aux intérêts privés, c’est-à-dire à l’automatisme social, la prérogative régalienne de créer la monnaie, elles abandonnèrent toute chance de placer l’immunologie sociale au service de l’individuelle. Si l’exploitation ne commence pas là, tout espoir d’émancipation y finit.

Ceux qui détiennent le pouvoir quasi absolu de créer la monnaie à partir de rien, détiennent le pouvoir tout court. La monnaie dette, ou crédit, appelle la dette et la spéculation. La monnaie apparaît par le crédit et disparaît par le remboursement. Les intérêts accompagnent le remboursement et s’ajoutent au volume initial. Mais ces intérêts n’étant pas créés par le crédit, contrairement au principal, il faut le prélever sur la partie réelle de la richesse, celle qui naît du travail vivant. Ce prélèvement forme un vide qui sera comblé par un nouveau crédit, et ainsi de suite. Le maître du crédit, dans ces conditions, sera le maître de ce jeu de dupe dont les peuples aujourd’hui font les frais. Quelques banques seulement, appartenant à un petit groupe d’individus (les mêmes noms depuis plus d’un siècle), se trouvent à la tête de cet immense casino planétaire, ayant accaparé, par manœuvres et complots, la puissance monétaire. « Donnez-moi le contrôle de la monnaie d’une nation, disait Mayer Amschel Rothschild, et je me moque de qui fera les lois ». Cette phrase, connue depuis longtemps, ne fut pas suffisamment prise au sérieux.

Lors de la création, en 1913, à la suite d’un véritable coup d’Etat, de la banque centrale des États-Unis (Réserve Fédérale), dont le peuple ne voulait à aucun prix, un député clairvoyant de la Chambre des Représentants, Charles Lindbergh (cité dans le livre d'Eutace Mullins, Les Secrets de la Réserve Fédérale), disait dans le Times la chose suivante : « Cette loi (Federal Reserve Act) établit le trust le plus gigantesque de la terre. Lorsque le Président signera ce projet de loi, un gouvernement invisible, celui de la puissance monétaire, sera légalisé. Le peuple ne peut pas s’en rendre immédiatement compte, mais le jour du jugement n’est distant que de quelques années. Les trusts réaliseront bientôt qu’ils sont allés trop loin, même pour leur propre bien. Pour se délivrer de la puissance monétaire, le peuple devra faire une déclaration d’indépendance (…) Le plus grand crime du Congrès est son système monétaire. » En 1881 déjà, le Président James Garfield, peu avant son assassinat, avait déclaré que quiconque contrôle la masse monétaire contrôle les entreprises et les activités du peuple. Et un siècle auparavant, Thomas Jefferson avait prévenu le peuple américain qu’une banque centrale privée émettant la monnaie publique était une menace plus grande pour les libertés qu’une armée debout.

En 1964, un autre député, Wrigth Patman, lors d’une commission bancaire et monétaire de la Chambre, formule les choses ainsi : « Un dollar représente une dette d’un dollar due au système de la Réserve Fédérale. Les banques de la Réserve Fédérale créent la monnaie à partir du vent pour acheter au gouvernement des États-Unis des bons du Trésor, prêtant avec intérêt l’argent en circulation, en entrant dans les registres de la comptabilité nationale une ligne de crédit sur le compte du Trésor. Celui-ci rédige une obligation portant intérêt pour un milliard de dollars. La Réserve Fédérale lui accorde alors un crédit d’un milliard de dollars en échange de cette obligation et crée à partir de rien une dette d’un milliard de dollars que le peuple américain est obligé de payer avec les intérêts. » Alors que dans un document sénatorial de 1939, un certain Logan écrit : « Le gouvernement devrait créer et mettre en circulation toute la monnaie et le crédit nécessaires à la satisfaction des besoins de dépense du gouvernement et du pouvoir d’achat des consommateurs. Le privilège de battre monnaie et de la diffuser est non seulement une prérogative suprême du gouvernement, mais c’est de loin sa possibilité la plus créative. »

Ne croyons pas que ces privilèges accordés à une poignée de spéculateurs privés se limitent au cas des États-Unis et à son système de Réserve Fédérale. La plupart des banques centrales à travers le monde fonctionnent plus ou moins sur les mêmes principes. Il s’agit le plus souvent d’un conglomérat d’intérêts privés réunis fallacieusement sous l’appellation de banque centrale ou nationale. L’exemple de la Banque de France est édifiant. Elle fut créée par Bonaparte au tout début de l’année 1800, afin d’accorder à un groupe de financiers privés, dont il était l’obligé, les clés du crédit national.

Cette fonction se perpétue, et même s’accentue aujourd’hui, avec les lois Giscard-Pompidou de 1973, qui oblige l’Etat à faire appel aux banques privées pour financer ses investissements ; avec le Traité de Maastricht de 1992, qui institutionnalise l’abandon de souveraineté, et avec celui de Lisbonne en 2007, qui confirme le passage au supra-national et par la même occasion au supra-démocratique.

En résumé, la captation du crédit assure la domination sur l’économie et les richesses produites d’une nation. Elle infléchit la direction de cette production et garantit l’inégalité de la distribution. Nous sommes là au cœur du pouvoir global. Quiconque ne prend pas à bras le corps le problème de la monnaie, ne peut prétendre changer quoi que ce soit au régime multiséculaire de l’injustice. La monnaie est le sang de l’économie. Celui qui en contrôle la circulation, contrôle la santé du corps social. Il peut à sa guise en irriguer les muscles selon sa convenance. La collusion, en cette matière, entre puissances d’argent et puissances militaro-industrielles et politiques, s’avère nécessaire et fructueuse. Les États ayant toujours besoin de financements occultes, et les banquiers étant toujours avides de légitimité. Les uns apportent donc aux autres ce dont ils ont besoin, dans une parfaite harmonie féodale. Les médias sous contrôle et les universitaires d’élevage, complètent le tableau en organisant la diversion.

La démocratie mal comprise actuelle, qui est une anti-démocratie, ne sera donc jamais la solution. Elle est bien plutôt le problème. Pseudo-démocratie et monnaie sont étroitement liées. Celle-là ne peut être autre chose que l’instrument du recyclage de la souveraineté populaire et de l’opinion, et celle-ci l’instrument même du contrôle au-delà des partis et des gouvernements. Qui mènent le jeu ? Une oligarchie internationale sans scrupules et sans morale, prête à tout pour maintenir ses privilèges et sa puissance. Ses lieux de rencontre : le CFR (Council of Foreign Relations), la commission Trilatérale, le groupe Bilderberg, la City de Londres et Wall Street.

Pourtant, nous l’avons dit souvent, et je le répète encore : la richesse privée n’existe pas, il n’y a de richesse que publique et sociale. Cette affirmation n’a rien d’arbitraire, elle est la conséquence d’un examen impartial de nos conditions humaines d’existence. Nous naissons tous au sein d’un héritage formé d’un mélange de travail mort et de symbolisme vivant, transmis par les générations antérieures. Cet héritage appartient fondamentalement à tous. Et c’est sur la base de cet héritage collectif que toute richesse se crée. Toute richesse étant ajoutée collectivement au corps social à l’aide des outils transmis par le collectif, il ne peut donc légitimement se trouver aucune richesse privée, c’est-à-dire n’ayant rien à devoir au collectif. La richesse privée, accaparement d’une partie de la richesse collective par un individu ou un groupe d’individus, ne saurait donc avoir d’autre légitimité que celle d’une libre décision collective dûment exprimée selon les règles démocratiques. Or ce choix n’a jamais été fait. Rien, en cette matière, n’a jamais été soumis au peuple, c’est-à-dire à l’assemblée des héritiers. Il se pourrait par exemple qu’une telle assemblée choisisse d’autoriser, pour différentes raisons, l’un de ses membres à s’approprier une partie plus importante de l’héritage commun. Sauf que pour le moment, personne n'a statué, et, qu'à défaut d’une telle décision, tout le monde part et arrive à égalité.

Il a fallu une sacrée dose de propagande et de désinformation pour éviter de s’apercevoir jamais d’une chose aussi banale. Il est vrai que cette banalité n’en est plus une à partir du moment où l’on s’efforce de la cacher.

Imaginons l’extraordinaire révolution dans les esprits, si l’on prenait vraiment conscience de cela. Que resterait-il, dans ce cas, de la légitimité des spoliateurs de richesses publiques que sont les propriétaires du monde ? Quels sophismes leur faudrait-il inventer pour maintenir encore leurs privilèges indus ?

Je soutiens qu’un tel déplacement des lignes philosophiques serait au moins aussi important que celui qui, au 18e siècle, fut à l’origine intellectuelle des révolutions française et américaine. On ne découvre jamais, dans le domaine des sciences de l’Homme, que ce qui était su déjà sans être verbalisé. Tout le monde savait alors que l’aristocratie héréditaire ne reposait plus sur rien. Qu’elle était parfaitement illégitime et qu’elle se maintenait au pouvoir par la force. Encore fallait-il que cela fût prononcé. De même avec l’oligarchie actuelle, si sûre de son droit.

La pseudo-démocratie et la monnaie sont donc indissociables. L’une conforte l’autre et réciproquement. Nous ne pourrons donc envisager aucune émancipation véritable qui n’abolirait pas l’une et ne donnerait pas le contrôle de l’autre au peuple.

C’est pourquoi les deux piliers de toute réforme véritable sont une constitution et une monnaie toutes deux populaires. Une constitution écrite par les citoyens eux-mêmes pour eux-mêmes, selon des modalités qu’explore actuellement, avec succès, Etienne Chouard ; et une monnaie du peuple pour le peuple, selon des modalités énoncées depuis fort longtemps par les tenants du Crédit Social ou de l’Economie Distributive. Que ces énonciations viennent de droite ou de gauche nous importe peu ici, dans la mesure ou le clivage droite-gauche, en certaine matière, a servi le plus souvent à assurer le spectacle pseudo-démocratique, et ou les extrémistes des deux bords ont rarement joué d’autre rôle que celui d’idiots utiles du système, manipulables à souhait. Cela étant dit sans animosité, malgré le respect que j’ai pour certains d’entre eux (à gauche plutôt), et sans remettre en cause leur générosité. L’histoire du 20e siècle étant essentiellement l’histoire des trahisons de classe, foin des représentations établies !

La démocratie est donc un préalable. Etienne Chouard a raison de considérer l’absence de constitution véritable, c’est-à-dire garantissant le pouvoir des citoyens en limitant drastiquement celui de leurs représentants, comme la cause des causes de nos malheurs sociaux. C’est pourquoi il préconise le retour au tirage au sort pour une assemblée constituante. Le principe étant de ne pas laisser aux gens de pouvoir le loisir de dessiner le cadre de son exercice. Seul moyen d’échapper à la tentation toujours présente chez les meilleurs de vouloir faire le bonheur des gens malgré eux. D’abord, donc, une constitution, ensuite le contrôle public de la création monétaire. Le reste sera déduit à partir de ces deux prémisses.

Le kunisme sociéliste a pour objet la naissance de l’individu. L’individu existe mais ne consiste pas. Il doit advenir par harmonisation de ses trois corps : individuel, social et cosmique. Le corps social, collectif par essence, est la partie fragile de l’ensemble. Facile a détourné, il porte en lui des potentialités négatives fortes, capables de saper les fondements de l’être global. La rapidité exponentielle de son développement au long des deux derniers siècles, et son inclination pour le monstrueux, menace sa fonction « maïeutique ». Au lieu d’aider à l’accouchement des individus, il ne cesse aujourd’hui d’augmenter ses capacités d’avortement, et ses progrès technologiques, mis au service de la domination, accentuent chaque jour davantage les effets pervers de sa croissance. Provoquer sa résilience, lui appliquer une thérapie, devient donc une nécessité non seulement politique, économique et morale, mais surtout anthropologique et spirituelle.

L’originalité décisive de notre kunisme sociéliste, est de proposer un projet humain cohérent et global qui va bien au-delà de la simple réforme ou révolution politique. L’enjeu n’est rien moins que la naissance de l’individu. Loin des oppositions convenues, nous forgeons notre conviction, non sur une essence, mais sur un devenir. La question n’est pas de savoir si l’Homme est fondamentalement bon ou mauvais, pécheur ou pas, et si les sociétés qu’il organise sont plus ou moins correctrices de cette origine, mais si l’être sociel (individuel et social), bon et mauvais, que nous sommes toujours, arrivera à se faire naître un jour en tant que sujet harmonisé et libre.

Nous remettons en cause les deux visions individualiste et collectiviste de l’Homme pour le saisir comme un sociêtre tendu vers l’individualité réelle. Individualité qui ne nie pas le corps social, mais le sculpte au contraire pour le mettre au service de sa naissance qui est aussi une re-naissance.

Le kunisme sociéliste est donc une maïeutique qui considère la politique comme un exercice spirituel, une discipline du corps social, ayant pour objectif  la naissance de l’individu.

Nous voulons offrir une perspective anthropologique et spirituelle, un projet exigeant mais concret, à un moment où l’on se contente trop souvent de platitudes moralisatrices ou culpabilisantes, de vains appels à la Justice, ou de gesticulations sans contenu.  

A cette fin, trois grands principes ont été dégagés :

1 – La richesse privée n’existe pas.
2 – La démocratie est le gouvernement des pauvres.
3 – Les ressources naturelles sont un bien commun.

Avec deux moyens fondamentaux :

1 – Une vraie constitution.
2 – Un contrôle public de la monnaie.

 
                                                                                                               Adrien Royo

mercredi 7 mars 2012

Drapeaux de la Valeur









       
             Créations Adrien Royo (2007)

C comme Capital, M comme Marchandise, I comme individu (en question), S barré comme sujet empêché. Les signes du projet globaliste, avec ses conséquences, sur les emblèmes nationaux.

Henri Guillemin, détonnant, sur la Commune de Paris.

Gouleyant et tragique.

Voici les deux premiers épisodes de sa chronique sur la Commune. Ou comment les élites ont trahi le pays pour préserver leurs intérêts privés. Plus actuel, ce n'est pas possible.

http://www.rts.ch/archives/tv/culture/dossiers-de-l-histoire/3448487-la-revolution-francaise.html

http://www.rts.ch/archives/tv/culture/dossiers-de-l-histoire/3448488-qui-est-thiers.html

Pour la suite, aller sur le site de la RTS (Radio Télévision Suisse).


vendredi 2 mars 2012

Kunisme sociéliste

A contre-courant de l’époque, le kunisme sociéliste que nous essayons de promouvoir ici soutient la nécessité d’un grand récit. Plongeant aux racines de l’histoire et désignant un horizon, nous concevons celui-ci comme mythico-anthropologique (mythique au sens totémique du terme) et pas seulement économico-scientifique. Je ne m’attarde pas sur cela dont vous avez quelques éclaircissements dans d’autres articles de ce blog.

Ce grand récit kunique est une histoire et une prospective des corps, ou plus précisément des intériorités immunologiques gigognes au sein desquelles émerge la conscience socio-individuelle.

Nous voyons l’évolution de l’humanité comme une « lutte des intériorités » qui aboutit aujourd’hui à l’expansion géométrique de l’intériorité prothético-sociale au détriment, non pas d’une intériorité individuelle définitive qu’il s’agirait de défendre contre la société, mais d’une intériorité mystico-individuelle encore à naître, c’est-à-dire d’un individu en gestation dont on empêcherait la naissance.

L’individu est social, certes, mais le social en tant qu’armure techno-prothétique, et cybernétique aujourd’hui, peut outrepasser ses fonctions et devenir l’entité hégémonique avorteuse que nous connaissons.

Le projet sera donc de réparer l’armure pour qu’elle devienne aussi couveuse.

L’individu est à naître en tant qu’harmonisation immunologique des corps qui le constituent : corps individuel, cosmique et social. Le corps social prolétariste, qu’on appelle capitalisme, fait barrage à cette rencontre en détruisant les capacités d’élévation et de maturation. Il s’agira donc de lui substituer un système garantissant au contraire sa possibilité.

Voilà, succinctement exposée, l’originalité de notre position.

Je tenais à la redire pour bien monter la perspective dans laquelle s’inscrivent les commentaires politiques du blog.

De la société telle qu’elle est organisée aujourd’hui, nul individu réel ne peut naître. Il ne peut exister en son sein que des embryons d’individus, en danger de mort cérébrale par surcroît, puisque bloqués au premier stade de leur évolution. L’actualité de la crise, nous permet de dégager les causes de ce blocage et d’entrevoir les moyens d’une résilience.

Le kunisme est le monde qui s’oppose à l’im-monde du cynisme addictif, le sociélisme est la doctrine des trois corps sur lequel il s’appuie.

Adrien Royo
     

jeudi 1 mars 2012

Tâche ingrate, en effet.

Dans son discours inaugural de décembre dernier (cité par le Monde Diplomatique, ce mois-ci), Mariano Rajoy, président du gouvernement espagnol, disait : "Nous sommes confrontés à une tâche ingrate, comme celle de ces parents qui doivent se débrouiller pour nourrir quatre personnes avec l'argent pour deux." Sa langue a dû fourcher, il voulait dire: notre tâche est ingrate, comme celle de ces manipulateurs d'opinion qui doivent absolument faire croire qu'il faut continuer de nourrir une seule personne avec l'argent de quatre.

J'en ai marre de ces pères la morale qui trouvent toujours à culpabiliser les victimes et justifier les coupables. Que ceux qui ont commis les fameuses folies des trente dernières années, celles qui nous valent la crise actuelle, soient jugés pour leurs actes. Qui sont-ils, d'ailleurs, ces imprévoyants, ces cigales ayant chantées tout l'été? Sinon les dirigeants politiques, économiques ou financiers d'aujourd'hui qui parlent à longueur de journée de la folie et de l'imprévoyance des autres, comme s'ils revenaient d'un long séjour sur la Lune. J'ai rien vu, rien entendu, disent-ils, en appelant au sacrifice les victimes de leur incurie, quand ce n'est pas de leurs prévarications. Ils ont vécu au-dessus de nos moyens, et nous, pendant ce temps-là, bien en dessous.

Adrien Royo

Vers la dernière der des der ?

Un article très complet de Myret Zaki (journaliste économique suisse, rédactrice en chef du magazine économique Bilan) sur les luttes d'influence et les conflits au Moyen-Orient :

http://www.bilan.ch/articles/economie/la-troisieme-guerre-mondiale-t-elle-deja-commence