mardi 7 décembre 2010

Je le répète, capitalisme est trop abstrait, trop partiel et trop économiste pour me satisfaire. Et l’anti-capitalisme qui veut s’y opposer, s’il a le mérite de renvoyer à la cohérence d’un système, se trompe en reprenant le mot, piégé qu’il est par l’imaginaire social, autrement dit par l’idéologie qu’il veut combattre.

En lieu et place de capitalisme, j’emploierai pour ma part prolétariage (voir plus haut dans le blog) ou prolétarisme. Prolétarisme évoquant le mode par lequel une structure sociale organise le devenir prolétaire de tout individu. Prolétaire étant pris ici au sens que lui donne Bernard Stiegler par exemple : serviteur de la machine à consommer ou à produire, serviteur des prothèses ou des pharmacos (poisons-remèdes technologiques, hypomnémata ou supports de mémoire, extériorisations sociales).

Prolétarisme évoque une organisation symbolique, je veux dire une modalité de langage, une grammatologie peut-être, et pas seulement une organisation politico-économique. Et cette organisation suscite un regard, une subjectivité que j’appelle cynisme addictif. La critique radicale de cette subjectivité et de son substrat symbolique, je l’appelle kunisme.
Où il apparaît que l’intelligence de la plupart des experts de l’économie, les gestionnaires de la maison commune, selon l’étymologie, présente des signes graves de dégénérescence :
Comment se fait-il que les citoyens respectables de nos démocraties modernes, en contradiction avec toutes les théories libérales, se mettent à « profiter » davantage de l’Etat Providence dans les moments où celui-ci est le moins généreux, c’est-à-dire en période de crise ? Ne devraient-ils pas, au contraire, en bons égoïstes soucieux de leur seul intérêt bien compris, se mettre massivement au chômage quand la rémunération est la plus haute et les critères d’accès les plus souples ? Selon les prémisses de la pensée néo-libérale, les fainéants français n’auraient-ils pas dus être plus nombreux pendant les trente glorieuses par exemple ? Bizarrement, la même génération de français se mit tout à coup à déserter l'emploi au milieu des années 70, alors qu’elle débordait d’enthousiasme avant. De même pour les états-uniens en ce moment : c’est l’administration Obama trop généreuse, quasi socialiste, qui explique, pour les conservateurs, l’augmentation du chômage, pas la crise financière.
Je propose une expérience in vivo pour tenter de prouver définitivement les thèses néo-libérales: une indemnisation plancher de 3000 euros nets mensuels pour tous les chômeurs. L'expérience ne coûterait pas beaucoup plus cher que le sauvetage récent des banques internationales et aurait le mérite, si elle était poursuivie suffisamment longtemps (50 ans par exemple), de nous montrer comment le taux de chômage est indépendant des fluctuations macro-économiques, et son augmentation à certaines périodes uniquement explicable par la fainéantise, la décadence morale ou l'immigration.