Tant que subsistera le mot
anticapitalisme, aucune contre-théorie ou contre-pratique ne verra le jour.
L’anticapitalisme est le premier
rempart du prolétarisme.
Primo, il apparaît de plus en
plus clairement que le capitalisme, pour employer une terminologie dépassée
quoique toujours en usage partout, en tant que système instable et
contradictoire, a besoin d’une opposition faussement radicale pour l’étayer. Celle-ci
aura pour charge d’extérioriser la polarité négative menaçante et freinera le
processus inexorable d’écroulement. Sa
fonction est d’exhiber une demi vérité spectaculaire pour cacher les
fondements. On attire les velléités révolutionnaires dans un espace travesti,
donnant toute les apparences de la science et de la subversion, pour les
circonscrire et les contrôler. Les adolescents en mal de révolte s’y
précipiteront en masse et formeront un choeur bruitiste infranchissable,
étouffant toute tentative de remise en question. Des commentaires, aussi incessants
qu’ineptes, sur des commentaires de commentaires, créeront un bruit de fond
propre à hébéter le quidam qui pensera devant tant de morgue vociférante avoir
à faire au nec plus ultra de la contestation. Occuper le terrain jour et nuit par
des bavardages, voilà la technique publicitaire de nos alternatifs officiels.
Des gardes rouges ou noirs, curés du dogme, crieront fort à tous les coins de
rue pour montrer qu’eux seuls représentent l’avenir. Quand le psittacisme tient
lieu de pensée.
Deuxio, l’anticapitalisme présuppose
un capitalisme. L’anti suppose connu ce à quoi il s’oppose, puisqu’il veut le remplacer
par son strict contraire. Si le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme
par l’homme, l’anticapitalisme sera donc son contraire? Ceci a été vérifié
historiquement. Tout repose sur la compréhension exacte du système et le nom
qu’on lui donne. S’il s’agit de réformer à la marge, va encore, mais si l’on
veut remplacer le système tout entier, mieux vaut y regarder à deux fois.
Sur ce mot là, donc, capitalisme,
plus rien ne peut être fondé. Mais le mot rassure les ignorants et complaît à
leurs docteurs et maîtres. Il n’est donc pas question d’en changer. Et tout le
monde de répéter le mantra : capitalisme-anticapitalisme.
Je propose de foutre l’eau sale
de l’anticapitalisme par la fenêtre en prenant grand soin de ne pas jeter le
bébé de la critique avec.
Quand on en arrive à ce degré de
confusion et de marasme intellectuel dans lequel nous vivons, il est sain de
faire un ménage drastique. Voyons ensuite ce qu’il en reste.
La confusion première est née
d’un euphémisme involontaire. On a dit exploitation de l’homme par l’homme,
alors qu’il aurait fallu crier : « destruction de l’homme par
l’homme ». L’exploitation existe bel et bien, mais elle est secondaire par
rapport à la destruction universelle. Que vaut de supprimer l’exploitation si
la destruction se poursuit. Et qu’on ne me dise pas que l’une provoque l’autre.
Voilà un argument bien fait pour perpétuer le crime. Non ! ce n’est pas
l’exploitation qui induit la destruction, mais la destruction qui s’exprime par
l’exploitation, c’est bien différent, et beaucoup plus tragique.
Comprenez bien cela :
l’exploitation est la conséquence de la destruction, et non l’inverse.
Quelle conclusion ?
Il faut agir sur ce qui détruit
derrière ce qui exploite. Il ne faut pas se tromper de combat. Le péril étant
de demeurer.
C’est difficile à
comprendre ? Oui, j’en conviens. Mais pas impossible.
Adrien Royo