samedi 11 juin 2011

Tao kunique et transition

Je remercie mon ami Benoît Kubiak d’avoir attirer mon attention sur l’idée de ville en transition, ou d’initiative de transition, développée ces dernières années dans beaucoup de pays à travers le monde. Cette idée nous vient d’Angleterre, et particulièrement d’une petite ville du sud appelée Totnes. Rob Hopkins, un professeur en permaculture, en fut l’initiateur. La permaculture est la méthode d’adaptation d’un écosystème social à une logique du long terme. C’est un soin collectif en quelque sorte, une médecine, qui travaille sur l’idée de résilience, c’est-à-dire sur la capacité d’un système à retrouver l’équilibre après que celui-ci ait été perturbé. Appliquée à une communauté humaine, elle revient à diagnostiquer ses fragilités écosystémiques, notamment en matière de consommation d’énergie, d’approvisionnement, de transport et d’échange, pour corriger son aménagement global en direction d’une plus grande autonomie, d’une relocalisation de l’économie, d’un plus grand respect des ressources, d’une diminution de l’empreinte écologique, d’une réappropriation des savoirs et des techniques et d’un mieux-être collectif. Prenant en compte les conséquences du pic pétrolier déjà atteint ou en passe de l’être et du changement climatique en cours, cette méthode analyse puis réorganise le champ collectif global pour répondre aux nouveaux déséquilibres ou pour les anticiper.

Le taoïsme kunique, tel que défini dans un article précédent, semble en parfait accord avec ces principes. D’une part la résilience rejoint l’idée d’unité entre cosmique et social. Elle cherche à harmoniser ou à rétablir les liens distendus entre environnement et activités humaines, le yin cosmique et le yang social se concevant comme les deux parties en conjugaison d’un tout. D’autre part, le concept de non-agir (wu wei) s’adapte parfaitement à une forme d’action consistant à rediriger les forces sociales entropiques (se dispersant en chaleur inutile et polluante) vers le circuit néguentropique (freinant le gaspillage) des associations solidaires. Cette action ressemblerait alors à une sorte de gymnastique sociale taoïste, à un Qi-Gong politique. Ce que préconise par ailleurs la transition résiliente, c’est de faire de nécessité vertu, d’utiliser les crises environnementale, énergétique, sociale, économique et civilisationnelle comme moyen d’accélérer un processus vertueux d’adaptation des structures à une autre forme de communauté. Et cela me paraît être une bonne alternative aux mouvements qui visent seulement la conquête du pouvoir étatique en donnant de si mauvais résultats. Ils se retrouvent la plupart du temps dans l’obligation de gérer le connu en lui appliquant par la force des recettes absurdes de bonheur. Les gens de la transition résiliente pensent, au contraire de tous ceux qui répondent à la question des lendemains par le sempiternel « on verra après la révolution », qu’une vision précise des lendemains est justement la condition de réussite d’un projet et que pour basculer dans le nouveau, il faut que ce nouveau ait déjà été mis en place dans le présent. Cette façon de voir était exactement celle du philosophe écologiste André Gorz. Pour moi, cette pratique a aussi l’avantage de travailler directement le corps social et de ne pas indiquer seulement la voie d’un « salut » individuel par application de consignes privées (éteindre la lumière, prendre des douches, trier ses déchets) ou de rituels domestiques. Elle se situe d’emblée dans l’inter-individuel, la relation et les modalités du social le plus étendu.

A suivre…

Adrien Royo

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