jeudi 9 juin 2011

Un non sur le dos

Le ministre Wauquiez se fait un nom. Sur le dos des plus faibles, comme il se doit quand on est un puissant. Depuis les cours de récréation du primaire où les petits garçons comparent la taille de leurs pénis, jusqu’à l’Assemblée Nationale où les grands enfants comparent la grosseur de leurs portefeuilles, on voit des hommes angoissés se rassurer en cherchant noise à plus petit que soi. L’humiliation du plus faible garantirait semble-t-il la puissance des inquiets. Il faut le poids d’une civilisation pour s’opposer à une pente si naturelle. La charité, la solidarité ou la compassion furent ainsi inventées pour contrebalancer cette tendance à la barbarie. Droits sur leurs ergots, quelques réfractaires se complaisent pourtant dans un univers primitif où ils voudraient nous attirer tous. C’est le cas on dirait de Monsieur Wauquiez, qui se fait un nom à cette mesure là. Il faut dire que beaucoup de ses collègues à l’UMP partagent ces conceptions d’un autre âge. Celui des maîtres de forge du XIXe siècle par exemple, qui faisaient travailler les jeunes enfants pour les sauver de la délinquance, trouvaient impensable et ruineuse la journée de travail de moins 12 heures et voyaient dans les congés un appel à la paresse. Le travail forcé à durée illimitée et gratuit leur étant toujours apparu comme une sorte d’Eden. On a les paradis qu’on peut. Mais Wauquiez, pour le moment, se croit en enfer. Cet enfer il l'appelle assistanat. Il s’agirait d’une maladie mortelle, plus précisément d’un cancer. Voici donc les principes du Conseil National de la Résistance déclarés cancérogènes par ses héritiers déclarés. Mais c’est qu’il s’agit d’assistanat et pas de solidarité, voyez-vous. Ce n’est pas une mince victoire sémantique, en effet, que d’avoir substitué le premier mot au second. Saluons cet acharnement à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. On ne pourrait pas dire par exemple de la lanterne fraternité qu’elle est le cancer de la société, surtout en France avec sa Révolution. On s’autorise à le clamer sans vergogne en revanche de la vessie assistanat. Un tour de passe-passe verbal ouvre la voie à toutes les manipulations et permet de proférer les pires horreurs, au moins les plus grandes absurdités, sans prendre le risque d’émouvoir le bon peuple qui ne demande qu’à se venger sur quelqu’un de ses difficultés. Difficultés augmentées par ceux-là mêmes qui lui désignent aujourd’hui ses victimes. La crise économique de 2008 aura donc été, comme prévu, bien instructive. Elle nous aura permis d'apprendre que les pauvres sont des paresseux, des profiteurs, des parasites qui ont assez vécus comme des nababs aux frais de la princesse. On croyait naïvement que les banques, les transnationales et les financiers de la planète avaient mis le monde en coupe réglée, que des milliards de dollars se perdaient (pas pour tout le monde) dans les paradis fiscaux. Eh, bien non, les vrais coupables sont ceux qui refusent de travailler (car ils n’ont jamais, bien sûr, été licenciés par les autres) et se prélassent devant leur télé en engloutissant des fortunes en aides sociales. Qui osent même s’indigner, parfois, sur les conseils d’un ancien vrai résistant. Il fallait bien le génie de monsieur Wauquiez-qui-se-fait-un-nom pour découvrir le pot aux roses. Souhaitons bien sûr, pour le bonheur des pauvres, qu’il puisse passer rapidement comme il le désire de l’enfer français de l’assistanat au paradis irlandais de la fiscalité. A moins que le modèle néo-libéral, très voyageur, se soit déjà transporté, depuis les contrées gaéliques, vers d’autres plus heureuses encore. Qu’il prenne garde quand même ne pas expédier prématurément, par l’emploi d’une thérapie trop ambitieuse de l’inégalité et de l’injustice, cette pauvre France cancéreuse vers un paradis qui n’aurait rien cette fois de fiscal. Et, j’y pense, pourquoi ne pas envoyer ce précieux médecin au chevet de l’Espagne ou de la Grèce ? Il doit y avoir là-bas une foultitude d’assistés pour que ces deux pays aillent si mal. Comme Strauss-Kahn à New York, il pourrait s’y faire une réputation internationale. Evidemment, s’il nous quittait de manière définitive comme le susnommé, nous en serions inconsolables.


Monsieur Wauquiez se fait un nom sur notre dos. Qu’à Dieu plaise que nous nous fassions un jour un NON sur le sien.


Adrien Royo

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