mercredi 13 octobre 2010

Linéaments pour une anthropologie kunique


L’évolution peut être vue, et nous la voyons ainsi, comme une histoire des intériorités. C’est-à-dire, des entités partiellement séparées et refermées sur elle-même en systèmes immunitaires. Ces entités finissent, pour survivre et s’autonomiser davantage, par créer des dispositifs d’extériorisation de plus en plus puissants, capables au final de barrer tout horizon d’autonomie individuelle. Un processus d’autonomisation individuelle finit donc par se renverser en un contre-processus d’aliénation radicale, au bénéfice d’une nouvelle intériorité plus large, tendant elle aussi à l’autonomie : la structure socio-technologique globale. L’homme est donc désormais à la croisée des chemins évolutionnaires, ayant atteint le plus haut niveau d’autonomisation inconsciente (celle qui s’opère sans projet conscient) et aussi le plus haut niveau d’extériorisation (avec sa technologie). Il lui faut choisir hic et nunc entre la promotion de l’entité naissante (la structure globale), au risque de sa propre disparition, et celle de son individualisation consciente, en mettant la structure globale à son service.


Alpha
(Nous reprenons volontairement la terminologie teilhardienne)


1 – Mouvement d’intériorisation.

Indétermination initiale → enveloppe, fermeture, intériorité première → développement des intériorités → intériorité immunitaire complexe humaine → individuation psychique et collective…


Parallèlement, à partir de la première intériorité :


2 - Mouvement d’extériorisation

Premières extériorisations (milieux associés, corps (intériorités) symbiotiques) → extériorisations technologiques et sociales → feed-back, boucle engendrée par le retour de l’extériorité vers l’intérieur sous forme d’intériorisations de dispositifs…


3 – Mouvement de conjugaison, puis de soumission de l’intériorité à sa propre extériorisation, finissant par une dissolution de l’intériorité spirituelle dans l’extériorité techno-sociale.



Résumé :

Intériorité → extériorisation → intériorisation de l’extériorité →
aliénation → disparition de l’individu dans sa propre extériorisation.


Teilhard de Chardin appelle ce point final : Omega, et le positive, en l’anticipant comme point de fusion de l’esprit en Dieu. Alors que pour nous il serait plutôt le point catastrophique à partir duquel la machine, fonctionnant toute seule et pour elle-même, supprime l’individu. Le processus, que Teilhard voit comme une lente mais inexorable montée de l’esprit vers l’esprit, s’apparente pour nous à l’ontogenèse d’une machine impersonnelle et aveugle, faite avec l’argile de notre corps individuel, et que nous aurions au contraire à dépasser avant qu’elle ne nous efface et refasse à son image.


Vision teilhardienne :
Alpha → lithosphère → biosphère → noosphère → omega (+) positif

Vision kunique :
Alpha → lithosphère → (biosphère ↔ technosphère ↔ noosphère) → choix : naissance volontaire, ou bascule dans Omega (–) négatif

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