vendredi 22 octobre 2010

Sur le champ de bataille prolétarial cynique, toute victoire est de Pyrrhus. C’est-à-dire qu’elle s’acquiert dans un magnifique gaspillage de forces humaines, de matière et d’esprit. Ainsi vogue la galère de la concurrence libre et non faussée, qu’elle enchaîne à ses avirons toutes les potentialités vivantes de ses créateurs et promoteurs associés, dont la volonté est tendue vers un horizon qui désespérément s’éloigne à proportion de l’effort déployé. L’augmentation de l’espérance de vie dans certaines contrées provisoirement victorieuses (fait avéré ne garantissant pas l’avenir), ainsi qu’un relatif confort assis sur le malheur des autres, n’ouvre donc sur rien de plus aujourd’hui que la certitude d’une exploitation plus grande et plus soutenue. Et la médecine de guerre qui soutient cette espérance, ne fera bientôt que réparer tant bien que mal les dégâts causés, en soignant sur le bord du chemin les blessés prothétisés. Elle est déjà l’auxiliaire paresseuse et satisfaite des armées économiques, au lieu de se vouloir leur praticienne critique.

Ainsi faudrait-il laisser choir maintenant les acquis des maquis. Le Conseil National de la Résistance au rencard. Tout ce qui a été mis en place au moment où la France ruinée sortait de l’ornière du mi-siècle passé, au moment des rationnements et de la reconstruction, devrait aujourd’hui voler en éclat au nom de la Sainte Croisade du Capital pour le Capital, de la Concurrence sacralisée et des déficits à combler? Serait-ce toutefois dans le but de faire mieux vivre nos petits enfants ? On ne peut pas l’assurer. Pour sauver ce qui peut l’être, dit-on. La concurrence serait alors comme la gangrène : il faudrait avoir le courage de se couper un bras pour éviter la propagation immédiate de l’infection au corps entier. A ceci près que la cause de l’infection s’utilisant ici comme remède, il se pourrait que l’infection dure toujours. Et que même, le principal effort consiste à la chérir de telle sorte qu’on puisse à jamais lutter contre elle. Jusqu’au jour, du moins, où elle aura tellement grignoté le corps humain, qu’il faudra trouver un autre nom pour évoquer ses ruines. Et peut-être même qu’il n’y aura plus personne alors pour nommer quoi que ce soit.

L’injonction cynique par excellence, c’est « Travaillez plus ! », que ce soit pour gagner plus ou pas. Qu’importe au char de l’aliénation, si réellement votre travail vous procure un bénéfice concret. Qu’occasionnellement vous puissiez augmenter vos revenus en travaillant plus est parfaitement négligeable du point de vue de la Machine. Le fait d’avoir ajouter à cette injonction la proposition « pour gagner plus », en faisant croire qu’elle était logique et nécessaire, est d’ailleurs l’un des coups de génie de Sarkozy à la dernière présidentielle. Il mettait l’accent sur une valeur acceptée universellement sur territoire prolétarial : le travail, et sur sa rétribution réputée naturelle. Ça ne pouvait que marcher. Deux illusions en une, assénées comme des évidences. Or le travail salarial n’est pas plus une valeur en soi que sa rétribution ne ressortit d’un hors-champ social. Une prescription kunique ne peut être qu’à l’exact opposé : « Travaillez moins ! », accompagnée de la proposition : « pour enfin naître en tant qu’individu ! ». Là encore l’idiotie kunique doit s’opposer à l’imbécillité cynique. Idiot, le singulier inquiet; imbécile, le grégaire satisfait.

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