dimanche 29 janvier 2012

Les objets du bonheur

La pseudo libération par la technologie donne sa véritable nature dans l’individualisation qu’elle crée. Cette individualisation octroyée, concédée, étant à mille lieues de l’émancipation individuelle véritable qui, elle, demande un effort, des exercices, comme dirait Sloterdijk.

Tous les objets technologiques de grande consommation nouvellement jetés sur le marché, sont des objets individuels séparant les individus. Ils rentrent en cela dans la catégorie des extériorisations idéologiques destinées depuis deux siècles à briser toutes les communautés authentiques, à commencer par la famille. Nous avons ici la confirmation des intuitions de Marx concernant l’aspect autodestructeur de la bourgeoisie capitaliste. La famille, par exemple, valeur on ne peut plus droitière, anéantie par le capital lui-même dont la droite (et la gauche maintenant) ne cesse de promouvoir l’essence morale et conservatrice. Le téléphone portable, les ordinateurs domestiques, la télévision dans chaque chambre, etc., tout cela constitue, à l’inverse de l’image qu’ils véhiculent, des ruptures de liens. La segmentation du marché se prolonge en segmentations sociales pour le plus grand bonheur du monstre sans tête qu’est devenu notre corps social. Le pouvoir divise toujours pour mieux régner. Atteindre les individus séparément, c’est le rêve de tout prédateur. Eloigner les plus faibles de leur communauté, le sommet de la jouissance anticipatrice du meurtre. Mais en arriver à présenter cet éloignement et cette séparation comme une conquête de liberté, là est le véritable génie de l’époque.

Tout objet de haute technologie proposé aujourd’hui à la grande consommation est aussi un outil supplémentaire pour la tyrannie. Car tout objet de cette sorte est d’abord inventé comme poison, avant de servir aussi comme faux remède. Le complexe militaro-industriel l’aura mis au point à son propre usage d’abord, avant de vous le céder comme jouet. Si bien que vous aurez toujours un métro de retard sur ses applications réelles. Je parle ici de la grande masse dont je fais partie.

Un téléphone portable, avant d’être un outil de communication entre les gens, est un élément du corps social qui vous revient individuellement comme instrument de contrôle désirable. La nouveauté de l’époque est tout entière dans ce désirable-là. Et de ce désirable-là, Edward Bernays fut le grand promoteur. Neveu de Freud, il inventa dans les années vingt du siècle dernier aux Etats-Unis tout le matériel rhétorique nécessaire à la manipulation marchande et politique des esprits. Propagande lui paraissant trop explicite, il inventa le mot « relation publique » pour  désigner cette nouvelle science du contrôle.

Adrien Royo

samedi 28 janvier 2012

De la liberté

Après cette dernière série de messages liés à l’actualité, il faut repréciser certaines choses concernant le kunisme. On pourrait croire sinon que j’abandonne Diogène au profit de Mermet.

Avec le kunisme, je propose une certaine lecture de l’évolution humaine et un projet d’émancipation. L’humanité, piégée par elle-même dans ses prothèses, disparaîtra bientôt (vidée de sa substance plutôt qu’anéantie physiquement), ou créera son individu qui n’est pas encore né. Voilà ma thèse rapidement énoncée.

L’extension prothétique de l’homme, ce que j’appelle son corps social : l’ensemble des machines collectives, symboliques ou physiques, interconnectées en une hypermachine autosuffisante, tend désormais à l’hypertrophie et déstabilise le soma primordial constitué synthétiquement d’un corps individuel, d’un corps social et d’un corps cosmique. Trois corps séparés mais ne faisant qu’un. Trinité morphologique, alpha et oméga de la condition humaine. Notre singularité d’espèce reposant sur un appareillage prothétique dont nous ne cessons de complexifier les procédures, au point de le voir s’affranchir par invasion de la totalité psychosomatique.

Nous ne comprendrons jamais rien à notre histoire tant que nous n’obtiendrons pas une vision claire et précise de sa structure.

Procédant comme un cancer au sein d’un métabolisme complexe hybride, ces prothèses prolifèrent en tumeurs qui s’attachent les unes aux autres pour produire une généralisation parasitaire létale. On pourrait filer la métaphore médicale jusqu’au constat immunologique en observant que l’immunologie individuelle s’inscrit dans l’immunologie sociale qui s’inscrit elle-même dans l’immunologie cosmique sans discontinuité profonde. Les trois immunologies, artificiellement séparées, constituant des cristallisations apparentes et superficielles d’une totalité cohérente, des séquences abstraites d’un continuum concret. L’immunologie sociale gagnant sur l’individuelle au gré de l’évolution, un équilibre fragile est rompu, et la naissance de l’individu, qui n’a encore jamais existé en tant que conscience trinitaire, se trouve entravée. Or, cette naissance identifiant le projet humain, c’est l’humanité même, comme promesse, qui disparaît avec lui.

Quel rapport avec la dette, le non-partage des richesses et les différentes crises d’aujourd’hui ? Un rapport éminemment logique.

Ayant laissé, par ignorance, paresse ou méchanceté, le corps social échapper, former une entité cybernétique quasi indépendante et monstrueuse (par sa masse et par sa direction), se servant des individus fantoches tout en interdisant la naissance des vrais individus (libres), l’être humain se voit, non seulement honteux devant la machine, comme disait Günther Anders, mais asservi par elle, au moyen d’outils qui lui semblaient pourtant émancipateurs.

Prenons la finance et la dette, par exemple. Voici un petit élément de l’économie générale, réservé d’abord à une élite bancaire privée, gérant l’outil de façon artisanale et mafieuse. Les grands banquiers prêtaient de l’argent aux États, aux marchands et aux industriels contre intérêts et ne se privaient pas de spéculer comme ils pouvaient en commettant par-ci par-là des délits d’initiés, des abus de biens sociaux (la richesse privée sans encadrement démocratique étant en elle-même un abus de bien social), voire des crimes purs et simples. Pendant quelques siècles, c’est une petite machine à énergie cupide, fidèle au principe de l’accumulation capitaliste, qui ronronne gentiment au centre du système. Mais au vingtième siècle, voilà que les choses s’emballent. Les États sous pression abandonnent leur prérogative régalienne de création monétaire, créent des entités régionales ou mondiales oligarchiques, favorisent partout une déréglementation autodestructrice, pendant que la technologie informatique se couple au réseau financier. A partir de ce moment, la petite machine prend le pouvoir, phagocyte l’économie, et s’emballe. La dette crée de la dette, la monnaie crée toujours plus de monnaie, et les financiers accaparent la richesse. Mais tout ceci n’est jamais que le rouage en surchauffe d’une machine plus large dont le principe est de n’en avoir pas. Il n’y a pas de plan général conscient, il n’y a qu’un laisser aller irresponsable servant des intérêts privés de court terme, dans une superbe ignorance ou un méprisant refus, au nom de la liberté, du projet humain de création de liberté. La partie du corps social appelée finance, imbriqué dans une structure complexe sans finalité, ajoute à la dérive globale sont arrogance particulière et bloque toute possibilité d’élaborer un corps social au service de la naissance. Le corps social parasitaire, comme un virus dans un système, bloque le métabolisme, ou en  détourne la fonction.

Cela ne signifie pas qu’une petite élite mondiale ploutocratique ne puisse pas par ailleurs élaborer un plan diabolique de prise de pouvoir total en promouvant par tous les moyens un nouvel ordre à son service, mais je veux dire que même cette imposture humaine participe à l’élan général dont elle sera au final, et comme les autres, la victime. Elle disparaîtra seulement avec l’arrogante certitude d’avoir œuvré pour elle-même, dans le lucre et le luxe, alors qu’elle n’était qu’un instrument du corps social pathologique dont elle nourrissait le chancre. Idiote utile d’une de ces applications cybernétiques, c’est-à-dire « machinales », subhumaines, fonctionnant à la surface d’un réseau international algo-dépendant (dépendant des algorithmes), s’alimentant de cupidité, de soif de pouvoir, de spoliations et de crimes, et amarrée aux différents complexes militaro-industriels de la planète, eux-mêmes soudés aux multiplexes politico-étatiques, tous reposant sur des systèmes symbolico-religieux à double tiroir, rationalistes en surface, mythologiques au fond.

Ce qui signifie qu’une simple élimination de l’imposture élitiste ne résoudra pas la totalité d’un problème dont le substrat est précisément d’ordre mystique ou mythologique. Sans la volonté de s’élever au niveau du corps total avec l’objectif de donner naissance à l’individu réellement libre, c’est-à-dire pleinement conscient (aux trois corps réconciliés), il n’y aura jamais pour l’Homme que des soumissions en cascades qui s’achèveront par la grande soumission finale et la disparition. Elimination des structures cybernétiques de domination, oui, mais à condition de s’appuyer sur un projet d’émancipation réel. Sous peine de voir, après une petite rémission, les métastases sociales reconquérir un espace individuel toujours en jachère.

Adrien Royo

vendredi 27 janvier 2012

La richesse privée, abus de bien social

Je n’insisterai jamais assez :

Dans la mesure où aucune richesse matérielle ne peut plus être individuelle, constituée désormais d’un mélange nécessaire de travail vivant abstrait et de travail social mort, la richesse privée, si les modalités de son acquisition et de son accumulation ne font pas l’objet d’un consensus démocratique dûment exprimé, s’apparente à un abus de bien social.

Aussi scandaleuse qu’apparaisse aujourd’hui une telle affirmation, elle est l’expression d’une vérité si évidente que tout le monde s’étonnera bientôt de ne pas l'avoir toujours sue. Car, comme toute vérité, celle-ci crève les yeux.

Je répète: la richesse privée, pléonexie ou encroachment, appropriation démesurée ou empiètement sur le territoire d’autrui, est un abus de bien social tant qu’elle n’est pas explicitement autorisée et encadrée par décision populaire.

Que les juristes se penchent sur la question!

Adrien Royo

mercredi 25 janvier 2012

Humeur de campagnes

Ca y est, à l’occasion de la campagne présidentielle, Obama ressort sa panoplie de Robin des Bois. On va voir ce qu’on va voir, maintenant les riches étatsuniens vont payer comme tout le monde. Equité fiscale ! Pendant la campagne, il a le droit de parler comme il veut, sa peau noircie, il s’exile à la Maison Blanche. Il s’amuse, se défoule et se déguise, c’est la récré. Une fois élu, on arrête les frais, il rentre tout blanc à la maison, c’est-à-dire à Wall Street.

Pour Hollande, c’est la même chose. Il prépare une campagne de premier tour sur les genoux de Montebourg et il mettra en œuvre le programme du Vals fourré aux alouettes. Les français voteront Arnaud et c’est Manuel qu’ils se farciront pendant cinq ans. C’est l’avantage socialiste d’en avoir plusieurs pour le prix d’un. Ils voteront pour la démondialisation et ils auront l’austérité. Car François n'est jamais que la doublure lumière de DSK.

Quant à Sarko, il rend déjà son tablier. Peut-être sent-il que le moment est venu d’aller se planquer quelque part avant que le boomerang de la crise ne lui revienne sur la tronche. Mentir tout le temps, ça use. Pauvre Martin, pauvre misère, dors sous la terre, dors sous le temps… 

Adrien Royo

lundi 16 janvier 2012

Le Tiers toujours payant

L'Espagne s'apprêterait à diminuer les salaires de 5% et à augmenter la durée légale du travail de deux heures. Miam miam, il fait bon être actionnaire par temps de crise. On a tout ce qu'on demande. Le AA, c'est Noël. Vivement le CC! il n'y aura plus alors qu'à supprimer le salaire et à rétablir l'esclavage. C'est avec des trucs comme ça qu'on redevient compétitifs. On ne pourra plus rien acheter, mais du moment que les élites sont contentes et que le Tiers paye. Siéyès le disait déjà : "le Tiers c'est le tout". Il voulait dire tout le travail et toute la misère. Citoyens, il va falloir reprendre la Bastille. Le 14 juillet, ça vous va? Avec le slogan suivant: le Tiers payant, ça suffit! Après la TVA apostolique et la rigueur romaine, Sarkozy va sûrement nous demander de nous sacrifier pour la Croissance. C'est nouveau, on ne nous l'avait jamais faite celle-ci. Dis donc Nico, il n'y a pas que des perdreaux de l'année parmi les électeurs. Il est vrai que de son côté Hollande nous demandera sans doute de nous couper un bras. Et Marine de couper celui du voisin arabe. Et Mélanchon? Il voudra couper celui de Marine. Quant à Joly, elle demandera poliment aux banquiers d'installer des panneaux solaires sur le toit de leurs buildings européens. 

Dans un accès d'ironie, j'avais, il y a quelques années, écrit cette phrase sur le drapeau européen, au milieu des étoiles de Marie : ne vous demandez pas ce que la Croissance peut faire pour vous, demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour la Croissance! Paraphrase de l'exhortation américaine bien connue de Kennedy. Elle avait le mérite de dire mieux que toute les clauses d'un traité quelconque, ce qui faisait le contenu du projet européen. Sacrifice de la majorité pour la croissance des revenus de quelques uns.

Adrien Royo

mercredi 11 janvier 2012

Les chrétiens aussi sont indignés :

Manifeste des chrétiens indignés
"Jadis les financiers étaient des hommes forts durs. Aujourd'hui, tous philanthropes, doux, aimables, magnifiques; d'une main ils affament, il est vrai, mais souvent de l'autre ils nourrissent. Ils mettent des millions d'hommes à la mendicité, et ils font des aumônes. Ils bâtissent des hôpitaux, et ils les remplissent." (Jules Michelet - Histoire de la Révolution Française)

Tout a changé, comme on voit.

samedi 7 janvier 2012

TVA confiscatoire

Un salaire est composite. Il comprend un élément direct, le salaire net, et un élément indirect, le salaire différé (cotisations sociales) ; un salaire que nous percevons tous les mois (ou plutôt que la banque perçoit tous les mois pour nous), et un salaire mutualisé dont nous recevrons une part sous la forme de prestations sociales. Évidemment, nos oligarques se gardent bien de présenter les choses de cette façon ramassée et simple. Il leur faut complexifier à outrance pour garder leur pouvoir et continuer de pinailler sur les charges patronales qui pèsent lourdement sur la compétitivité française. Curieusement, tout est beaucoup moins compliqué lorsqu’il s'agit de dividendes ou de rémunération des dirigeants. Ces deux parts là de la plus-value, quelle qu’en soit l’indécence ou l’exagération (souvenons-nous qu’un grand banquier américain du XIXe siècle comme JP Morgan, devait déployer des trésors d'imagination pour justifier un salaire trente fois supérieur à celui de son employé le moins bien rémunéré, alors qu’aujourd’hui un ratio de 1 à 500 ou de 1 à 1000 ne choque personne), ces deux parts là, donc, ne compromettent jamais la compétitivité. Même une récession mondiale ne compromet pas la compétitivité de ces entreprises qui surpayent leurs dirigeants pendant que le salarié de base s’endette pour s'acheter un vélo. Il est vrai que même la récession est très mal partagée.

Pour mesurer l’intensité de la propagande, il faut prendre du recul et relire des textes d’il y a un siècle et demi. Ceux de Marx, par exemple, disant dans le Capital que si un jour les ouvriers anglais entraient en concurrence avec les chinois, il leur faudrait, en bons libre-échangistes, accepter des salaires chinois. Ceux qui pensaient dépassé ce genre de propos n’ont qu’à feuilleter les journaux contemporains. Quelles que soient les conditions extérieures, une logique domine (voir pour cela l’étude de Lacroix-Riz sur les années 30 en Europe : Le Choix de la Défaite), celle du contrôle des salaires, et donc des salariés, par l’oligarchie. L’économie allemande, que l’on cite un peu trop en exemple en ce moment pour qu’elle survive aux cinq prochaines années, n’a pas d’autre urgence que de contenir les salaires en deçà du taux réputé inflationniste. Car l’inflation rogne sur les profits et diminue la rente. Si bien qu'à l'inverse de ce que prétendent les économistes d’élevage, ce sont bien les salariés qui profiteraient d'une inflation mesurée. A condition, bien sûr de rétablir l’indexation des salaires sur les prix qui existait pendant les Trente Glorieuses, période noire s’il en est.

Monsieur Sarkozy est donc logique avec lui-même et avec sa caste en voulant instaurer une « TVA sociale ». Remarquons l'ingéniosité perfide de l'oxymore. Celle-ci revient à faire payer les salaires différés par les salariés eux-mêmes. La TVA n’étant pas progressive, un pauvre paiera proportionnellement plus qu’un riche, dans la mesure où les achats de subsistance représenteront pour lui 100% de ses revenus.

Donc, pas question de revenir sur les modalités du partage de la plus-value. Tout sauf donner davantage aux pauvres. Ils le boiraient sans doute. Les dividendes, les grosses primes, les bonus et les très hauts salaires se maintiendront au niveau actuel, seul le pouvoir d’achat des plus faibles se dépréciera significativement. Pour votre bien, donnez-moi votre argent ! De toute façon, vous l’utiliseriez mal. Comme la caste supérieure qui détient le pouvoir, détient aussi les moyens de la publicité et de la pensée, vous ne trouverez nulle part dans les grands médias une critique un peu solide de cet état de fait. Aucun relais n’est à espérer du côté des puissants. De plus, comme vous êtes en démocratie et que vous pourrez choisir entre différents mêmes aux prochaines élections, il vous est demandé de faire silence pendant les travaux. Regardez ailleurs pour voir si on vous laisserait longtemps en une si confortable situation (Libye, Syrie, Iran, Irak, etc). En France, comme disait Coluche, nous sommes tous égaux, mais il y en a quand même de plus égaux que d’autres.

Adrien Royo

lundi 2 janvier 2012

Principe anthropologique pour une révolution

En complément de la Déclaration des principes pour toute constitution future, du 18 décembre 2011.


L’individu est une création sociale


L’individu n’a pas d’autre existence qu’organiquement lié à une structure sociale et à un ensemble cosmique. Aussi étonnant (délirant) que cela paraisse à première vue, il n’apparaît pas d’abord comme individu mais comme « sociêtre ». Il devient individu après coup si la forme sociale dans laquelle il naît favorise sa naissance et s’il le veut lui-même. En réalité, s’il réalise sa potentialité individuelle par et dans la société dont il reste indissociable. C’est pourquoi, la démocratie des droits de l’homme ne peut qu’échouer. Elle ne comprend pas l’individu à naître, mais donne des pseudo-droits à un fantôme. Toute organisation politique fondée sur ce mensonge s’auto-légitimera sans prendre ses véritables responsabilités.

Les hommes libres naissent égaux en droit puis vivent le restant de leurs jours dans l’aliénation. La Déclaration universelle n’étant jamais que le véhicule idéal de leur déni originel. Déni, ou refoulement, ou introjection de leur corps social comme organe extérieur multiple. La liberté née de ce refoulement ne sera donc jamais qu’une liberté de fantôme ou de zombi.

Les libr’hommes, au contraire, naissent dans l’aliénation puis actualisent, ou réalisent, leur liberté, en disciplinant leur corps social. Ils se savent cosmosociêtres refoulés, homo socialis sapiens non sapiens, et veulent se réapproprier leur corps social pour en faire une couveuse d’individus, un éclosoir de liberté.

Toute société devrait donc être tendue vers cet objectif de création d’individus. Je ne dis pas d’hommes nouveaux. Il n’y a pas d’hommes nouveaux, mais des individus potentiels qui cherchent à naître, c’est-à-dire à unifier leurs différents corps séparés (cosmique, social et individuel), et qui n’ont pas seulement besoin d’une déclaration de leurs droits fondamentaux mais aussi d’une déclaration de naissance en bonne et due forme.

Adrien Royo