samedi 7 janvier 2012

TVA confiscatoire

Un salaire est composite. Il comprend un élément direct, le salaire net, et un élément indirect, le salaire différé (cotisations sociales) ; un salaire que nous percevons tous les mois (ou plutôt que la banque perçoit tous les mois pour nous), et un salaire mutualisé dont nous recevrons une part sous la forme de prestations sociales. Évidemment, nos oligarques se gardent bien de présenter les choses de cette façon ramassée et simple. Il leur faut complexifier à outrance pour garder leur pouvoir et continuer de pinailler sur les charges patronales qui pèsent lourdement sur la compétitivité française. Curieusement, tout est beaucoup moins compliqué lorsqu’il s'agit de dividendes ou de rémunération des dirigeants. Ces deux parts là de la plus-value, quelle qu’en soit l’indécence ou l’exagération (souvenons-nous qu’un grand banquier américain du XIXe siècle comme JP Morgan, devait déployer des trésors d'imagination pour justifier un salaire trente fois supérieur à celui de son employé le moins bien rémunéré, alors qu’aujourd’hui un ratio de 1 à 500 ou de 1 à 1000 ne choque personne), ces deux parts là, donc, ne compromettent jamais la compétitivité. Même une récession mondiale ne compromet pas la compétitivité de ces entreprises qui surpayent leurs dirigeants pendant que le salarié de base s’endette pour s'acheter un vélo. Il est vrai que même la récession est très mal partagée.

Pour mesurer l’intensité de la propagande, il faut prendre du recul et relire des textes d’il y a un siècle et demi. Ceux de Marx, par exemple, disant dans le Capital que si un jour les ouvriers anglais entraient en concurrence avec les chinois, il leur faudrait, en bons libre-échangistes, accepter des salaires chinois. Ceux qui pensaient dépassé ce genre de propos n’ont qu’à feuilleter les journaux contemporains. Quelles que soient les conditions extérieures, une logique domine (voir pour cela l’étude de Lacroix-Riz sur les années 30 en Europe : Le Choix de la Défaite), celle du contrôle des salaires, et donc des salariés, par l’oligarchie. L’économie allemande, que l’on cite un peu trop en exemple en ce moment pour qu’elle survive aux cinq prochaines années, n’a pas d’autre urgence que de contenir les salaires en deçà du taux réputé inflationniste. Car l’inflation rogne sur les profits et diminue la rente. Si bien qu'à l'inverse de ce que prétendent les économistes d’élevage, ce sont bien les salariés qui profiteraient d'une inflation mesurée. A condition, bien sûr de rétablir l’indexation des salaires sur les prix qui existait pendant les Trente Glorieuses, période noire s’il en est.

Monsieur Sarkozy est donc logique avec lui-même et avec sa caste en voulant instaurer une « TVA sociale ». Remarquons l'ingéniosité perfide de l'oxymore. Celle-ci revient à faire payer les salaires différés par les salariés eux-mêmes. La TVA n’étant pas progressive, un pauvre paiera proportionnellement plus qu’un riche, dans la mesure où les achats de subsistance représenteront pour lui 100% de ses revenus.

Donc, pas question de revenir sur les modalités du partage de la plus-value. Tout sauf donner davantage aux pauvres. Ils le boiraient sans doute. Les dividendes, les grosses primes, les bonus et les très hauts salaires se maintiendront au niveau actuel, seul le pouvoir d’achat des plus faibles se dépréciera significativement. Pour votre bien, donnez-moi votre argent ! De toute façon, vous l’utiliseriez mal. Comme la caste supérieure qui détient le pouvoir, détient aussi les moyens de la publicité et de la pensée, vous ne trouverez nulle part dans les grands médias une critique un peu solide de cet état de fait. Aucun relais n’est à espérer du côté des puissants. De plus, comme vous êtes en démocratie et que vous pourrez choisir entre différents mêmes aux prochaines élections, il vous est demandé de faire silence pendant les travaux. Regardez ailleurs pour voir si on vous laisserait longtemps en une si confortable situation (Libye, Syrie, Iran, Irak, etc). En France, comme disait Coluche, nous sommes tous égaux, mais il y en a quand même de plus égaux que d’autres.

Adrien Royo

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