Magma - DVD Epok V - Slag Tanz from ElSushi on Vimeo.
jeudi 7 mai 2015
mercredi 6 mai 2015
mardi 5 mai 2015
lundi 4 mai 2015
vendredi 17 avril 2015
Du prolétarisme
Voilà
déjà belle lurette que j'ai remplacé dans ce blog capitalisme par
prolétarisme pour parler de la société actuelle. J'y reviens.
Contrairement
à capitalisme, prolétarisme désigne immédiatement un projet
social, pas seulement un ordre économique. Alors que le mot
capitalisme, quoi qu'on en ait, reste sur le mode gestionnaire et
participe en définitive de ce que Marx appelait le fétichisme,
c'est-à-dire l'illusionisme fondamental de notre mode de production,
sa manière de cacher l'essentiel, l'anthropologique et
l'existentiel, derrière le masque de la marchandise, de l'objet
artificiel; je parle ici du mot tel que couramment employé, pas du
concept marxien lui-même que comprennent réellement quelques rares
intellectuels; alors que capitalisme égare, disais-je, prolétarisme
embrasse d'emblée le projet anthropologique réel de nos sociétés
modernes, à savoir la création de prolétaires.
Faire
de tout homme un prolétaire, voilà en effet l'alpha et l'oméga du
monde tel qui va. Et un prolétaire n'est rien d'autre qu'un esclave
amélioré. Amélioré du point de vue du management, cette
idéologie (ou religion) de notre temps. Les différents progrès
dans la manipulation des masses ayant obtenu que cet esclavage
moderne soit librement consenti et même souhaité. C'est le génie
de cette civilisation d'avoir su escamoter si bien l'oppression
qu'elle apparaisse à celui qui la subit, à savoir presque tout le
monde, comme la mesure même de la liberté.
La condition de prolétaire
est moralement, pour tous ceux qui ont su garder un minimum de
lucidité au milieu du carnaval ambiant, l'une des conditions les
plus misérables et méprisables qu'il se puisse imaginer. Si cette
vérité n'est pas plus massivement acceptée, c'est que les moyens
de l'illusionnisme, du spectacle dirait Debord, ont augmenté encore
plus vite que la masse des nouveaux esclaves.
J'utilise prolétarisme
justement pour des raisons d'exigence morale. On peut sortir du
capitalisme, tel qu'entendu généralement, sans pour cela se libérer
du prolétarisme.
Lorsqu'un mot commence à
sonner tellement creux que de valise il passe à container,
n'hésitons-pas à le remplacer! Ainsi, rendons la baudruche
capitalisme aux césars de l'économie, et reprenons possession de
son contenu sous une autre appellation, moins manipulable.
Capitalisme évoque des
rapports de production; prolétarisme, des rapports sociaux. Je suis
surpris que des gens qui prétendent avoir compris le concept de
fétichisme chez Marx, persistent à conserver néanmoins, en dépit
de tout bon sens historique, une terminologie si désuète et
contreproductive pour parler du système global, qui n'est pas
seulement un système économique, mais aussi un système moral (dans
son amoralité même) et dogmatique, au sens legendrien. Rester
prisonnier de cette terminologie, c'est renoncer à comprendre jamais
la complexité du système, c'est au moins se priver des moyens d'en
parler avec un peu de pertinence et de force.
Les prolétaires sont des
esclaves, disais-je.
Nouveaux propriétaires de
leurs corps, par la grâce de la Marchandise, de la Révolution, des
Droits de l'homme et des Lumières, ils ne peuvent cependant que le
louer au prix du marché (au plus bas aujourd'hui) pour survivre,
ayant été dépossédés par ailleurs de tout le reste. Le monde de
la marchandise a fait d'eux, de nous tous, comme il est naturel, une
marchandise. Le processus n'est peut-être pas totalement achevé,
mais il est en bonne voie. Le monde des choses, nous chosifie.
Comment pourrait-il en être autrement?
Mais aussi, dans ce monde
d'ersatz, à mesure que le volume des choses, des marchandises, des
pacotilles produites, augmente (justice immanente, sans doute), la
quantité de valeur globale diminue, proportionnellement au travail
global nécessaire à leur production. Moins de travail productif
réel, à cause des gains de productivité, du progrès technologique
incessant, signifie moins de survaleur, et donc moins de valeur
sociale, de capital en procès d'autovalorisation. La marchandise
produit donc elle-même, mécaniquement, les conditions de sa
disparition. Elle voue ses suppléants humains à l'état de
marchandise, ou de simple rebut de la machine, de déchet économique,
mais crée par-là même les conditions de son propre anéantissement.
Anéantissement qui pourrait bien être par la même occasion celui
de l'humanité toute entière. L'homme, voulant se libérer, fabrique le moyen de son autodestruction.
Le prolétaire est
profondément cet homme là, engagé dans une action hétéronome et
suicidaire, croyant jusqu'au bout œuvrer en toute indépendance pour
son émancipation.
Au stade actuel du
développement de cet outil exterminateur: la fin de la valeur
réelle, la fin de la croissance, il ne reste plus à la machine
d'autre alternative que de jeter dans la bataille ses dernières
forces, en multipliant les signes monétaires dématérialisés,
propices à la spéculation et à la production d'une valeur fictive,
gagée sur du travail hypothétique futur, autrement appelée dette.
La dette massive et universelle, n'étant rien d'autre que la
recherche désespérée du carburant valeur, devenu si rare, dans les
gisements anticipées du futur, un futur imaginé, un rêve. Car la
dette, c'est du futur entrant dans le présent sous forme de créance.
La machine du capital réel, désormais presque entièrement nourrie
par du capital fictif, gagé sur un avenir de plus en plus lointain
et imaginaire, s'enfle de fiction. La fiction était déjà au cœur
du système, elle prend désormais toute la place, comme le vent dans
une bulle. Mais cette bulle, comme toute les bulles, ne peut manquer
d'éclater avec le rêve qui la maintenait.
La bonne nouvelle: la
marchandise s'autodétruit. La mauvaise: elle aura produit avant de
disparaître l'homme le moins fait pour relever le défi de son
dépassement: le prolétaire, cette fiction d'homme libre. Si bien
qu'à supposer que la destruction générale épargne un certain
nombre d'entre nous, il y a des chances pour que ces survivants
reprennent joyeusement, et en toute naïveté, le chemin qui conduira
derechef à cette apothéose.
C'est pourquoi il me semble
si important d'insister sur la conversion spirituelle qui permet
seule de sortir de l'impasse prolétarienne. En finir avec le
capitalisme? La marchandise s'en charge ! La seule question qui
vaille, c'est quelle société, et donc quel homme, voulons-nous
construire après. Et cet homme ne peut pas être le simple produit
du monde actuel, comme si la machine pouvait produire autre chose
qu'une machine. Cet homme ne peut être qu'un converti, un éveillé.
Converti à quoi? A la loi de l'espèce, à la soumission
spirituelle (voir Simone Weil), au pouvoir de création et à l'amour de soi et des
autres.
Adrien Royo
vendredi 3 avril 2015
Pour bien comprendre
Pourquoi suis-je si
favorable à ce qu'il est convenu d'appeler la dissidence, avec tout
ce que ce mouvement, effectivement hétéroclite, compte de
paranoïaques et d'approximation, pour d'aucuns repère de
fascistes?
Remarquons tout
d'abord que la dissidence n'a pas le monopole des errements qu'on lui
prête. Dans mon parcours existentiel, il m'est arrivé de croiser
des demi-fous ou même des fous furieux dans tous les milieux et dans
tous les partis. La concentration d'insanités la plus forte se
trouve même aujourd'hui d'après moi dans les cercles les plus
proches de la bien-pensance et du politiquement correct. Ensuite, et
plus fondamentalement, je dirais que cette dissidence, divine
surprise de ce point de vue, procède à un grand nettoyage
idéologique nécessaire et attendu (par moi du moins). Malgré ses
outrances, grâce à elles peut-être, la dissidence détruit
radicalement un consensus, naguère qualifié de mou,
qui bloquait toute avancée. La pensée politique paraissait congelée
au cœur d'un hiver des organisations, plus ou moins
institutionnelles, chargées de la faire vivre. Grand courant d'air, les
doigts dans la prise, et les fusibles sautent. Quel soulagement!
Comme lorsque l'orage éclate enfin après une longue attente
anxieuse.
La fin de la grande
illusion du socialisme réel semblait avoir paralysé les cerveaux au
point de laisser libre court au cynisme le plus échevelé: « there
is no alternative! ».
Enfin, donc, nous
allons pouvoir nous remettre à penser! Sauf si les agents de la Valeur, qui pullulent derrière les masques de rebelles, n'obtiennent pas une reddition trop
rapide. Mais je crois que trop de
personnes sont désormais désinhibées, débranchées, dématrixées.
Il y a grand danger dans cet éveil des consciences? Peut-être ! Mais le danger serait plus grand encore de continuer à sommeiller la tête dans le sable.
Et puis, je
répèterai une fois encore ce que j'ai déjà dit dans ce blog à de
multiples reprises : la
gauche institutionnelle, et quelle gauche ne l'est pas aujourd'hui?,
représente pour moi le principal obstacle à toute remise en
question de ce que j'appelle le prolétarisme, ou le système de la
Valeur. De la droite, il n'y a rien à attendre pour cela,
elle n'a pas fondé son existence sur la critique de ce système et
ne prétend pas à l'alternative, en tout cas pas en son fonds, comme
je peux le constater tous les jours dans la dissidence, même si
celle-ci, paradoxalement, peut aller beaucoup plus loin sur certains
plans que la pseudo-gauche. Le mensonge le plus insupportable est
toujours du côté des agents du changement ou de la
révolution, des progressistes, pas du côté des conservateurs qui
eux ne désirent que ce qui est. Ces derniers peuvent être cyniques,
profiteurs, tout ce qu'on voudra, il n'empêchent rien en terme
d'analyse, ne créent pas de faux espoirs, n'ouvrent pas de fausses
pistes d'émancipation. Se donner à voir comme incarnation de
l'avenir, du bien ou du mieux, lorsque l'on est fondamentalement un
des avatars du système d'oppression, voilà la faute majeure contre l'esprit
commise par le gauchiste convaincu, pour ne rien dire du
social-démocrate, ni chair ni poisson.
Notre civilisation a
cette particularité d'être fondée sur l'idée de progrès,
d'accumulation dans tous les domaines, de technicisation (au sens que
donne Jacques Ellul à ce terme). La droite ne comprend pas ce
mouvement en profondeur mais elle s'identifie quand même à lui tout en refusant
certaines de ses conséquences nécessaires. Cette contradiction la
rend maniaco-dépressive, parfois agressive, et remplie de mauvaise
conscience. La gauche, quant à elle, s'identifie avec zèle au principe même de ce mouvement, sans le savoir, idiote utile, et promeut la civilisation qu'elle rejette en croyant
l'amender. Voilà son mensonge fondamental et consubstantiel. Tout le
volet sociétal de son action, et il ne lui reste que cela, ayant
abandonné toute idée de remise en question économique et
spirituelle, est fait de ce bois là, c'est-à-dire qu'il fait le jeu
de la Valeur bien mieux que l'adversaire supposé. Quand donc, nos
intellectuels, nos clercs, comprendront-ils cela? Quand
accepteront-ils enfin de sortir de cette illusion mortelle? Jamais
sans doute, étant trop formatés.
La question est:
comment déraciner l'individu pour en faire l'instrument idéal de la
valorisation du capital? La réponse: en lui faisant adopter le
comportement de l'automate, cet objet artificiel non-né, exempt de
toute naturalité, qu'on fabrique, qu'on transforme, qu'on répare,
qu'on détruit. La gauche poursuit ce but mieux que la droite. Elle
n'a donc, par rapport à cette civilisation, rien de révolutionnaire,
quoi qu'elle en dise, et contrairement à une partie de la droite
qui, paradoxalement, en refuse catégoriquement les principes pour
des raisons de traditionalisme. Ruse de l'histoire! Celui qui ne voit pas
cela aujourd'hui, ne comprend strictement rien à son propre monde et
se berce d'illusions. La gauche, faute d'appréhender cette
civilisation selon des critères spirituels et anthropologiques, est
bel et bien depuis toujours son soutien le plus efficace. Les dehors
superficiellement économiques du système lui ayant fait manquer
l'essentiel. Le progressisme est donc le problème, il n'est pas la
solution. Le petit peuple le ressent très intuitivement désormais.
Il n'y a plus que la couche la plus dégénérée de la gauche
boboïsée, alliée à ce que la droite connait de plus cynique, pour
refuser de se rendre à l'évidence. Il n'est pas facile, bien sûr,
de renoncer à un si beau rôle dans cette fiction généralisée.
En bref, quiconque
prétend vouloir échapper à cette oppression nouvelle, doit d'abord
abandonner les interprétations fallacieuses venant de la gauche, pour ensuite seulement affronter la fausse conscience de droite.
C'est à ça que peut servir la dissidence si elle n'en reste pas à
une critique trop convenue, renvoyant à tout ce qui s'est déjà
fait dans le courant du siècle dernier et qui a donné des résultats
si mauvais.
Toute la gauche au
placard, donc? Oui, certes, c'est la condition du renouveau. Et toute
la droite, ensuite. La dissidence a cette fonction historique. Que
cela fasse grincer des dents ne doit pas nous étonner. Mais, il faut bien faire le boulot.
Mes boussoles en ces
temps déboussolés: Simone Weil, Karl Marx (ésotérique) et Pierre
Legendre.
Qu'on se le dise!
Adrien Royo
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