mardi 5 mai 2015
lundi 4 mai 2015
vendredi 17 avril 2015
Du prolétarisme
Voilà
déjà belle lurette que j'ai remplacé dans ce blog capitalisme par
prolétarisme pour parler de la société actuelle. J'y reviens.
Contrairement
à capitalisme, prolétarisme désigne immédiatement un projet
social, pas seulement un ordre économique. Alors que le mot
capitalisme, quoi qu'on en ait, reste sur le mode gestionnaire et
participe en définitive de ce que Marx appelait le fétichisme,
c'est-à-dire l'illusionisme fondamental de notre mode de production,
sa manière de cacher l'essentiel, l'anthropologique et
l'existentiel, derrière le masque de la marchandise, de l'objet
artificiel; je parle ici du mot tel que couramment employé, pas du
concept marxien lui-même que comprennent réellement quelques rares
intellectuels; alors que capitalisme égare, disais-je, prolétarisme
embrasse d'emblée le projet anthropologique réel de nos sociétés
modernes, à savoir la création de prolétaires.
Faire
de tout homme un prolétaire, voilà en effet l'alpha et l'oméga du
monde tel qui va. Et un prolétaire n'est rien d'autre qu'un esclave
amélioré. Amélioré du point de vue du management, cette
idéologie (ou religion) de notre temps. Les différents progrès
dans la manipulation des masses ayant obtenu que cet esclavage
moderne soit librement consenti et même souhaité. C'est le génie
de cette civilisation d'avoir su escamoter si bien l'oppression
qu'elle apparaisse à celui qui la subit, à savoir presque tout le
monde, comme la mesure même de la liberté.
La condition de prolétaire
est moralement, pour tous ceux qui ont su garder un minimum de
lucidité au milieu du carnaval ambiant, l'une des conditions les
plus misérables et méprisables qu'il se puisse imaginer. Si cette
vérité n'est pas plus massivement acceptée, c'est que les moyens
de l'illusionnisme, du spectacle dirait Debord, ont augmenté encore
plus vite que la masse des nouveaux esclaves.
J'utilise prolétarisme
justement pour des raisons d'exigence morale. On peut sortir du
capitalisme, tel qu'entendu généralement, sans pour cela se libérer
du prolétarisme.
Lorsqu'un mot commence à
sonner tellement creux que de valise il passe à container,
n'hésitons-pas à le remplacer! Ainsi, rendons la baudruche
capitalisme aux césars de l'économie, et reprenons possession de
son contenu sous une autre appellation, moins manipulable.
Capitalisme évoque des
rapports de production; prolétarisme, des rapports sociaux. Je suis
surpris que des gens qui prétendent avoir compris le concept de
fétichisme chez Marx, persistent à conserver néanmoins, en dépit
de tout bon sens historique, une terminologie si désuète et
contreproductive pour parler du système global, qui n'est pas
seulement un système économique, mais aussi un système moral (dans
son amoralité même) et dogmatique, au sens legendrien. Rester
prisonnier de cette terminologie, c'est renoncer à comprendre jamais
la complexité du système, c'est au moins se priver des moyens d'en
parler avec un peu de pertinence et de force.
Les prolétaires sont des
esclaves, disais-je.
Nouveaux propriétaires de
leurs corps, par la grâce de la Marchandise, de la Révolution, des
Droits de l'homme et des Lumières, ils ne peuvent cependant que le
louer au prix du marché (au plus bas aujourd'hui) pour survivre,
ayant été dépossédés par ailleurs de tout le reste. Le monde de
la marchandise a fait d'eux, de nous tous, comme il est naturel, une
marchandise. Le processus n'est peut-être pas totalement achevé,
mais il est en bonne voie. Le monde des choses, nous chosifie.
Comment pourrait-il en être autrement?
Mais aussi, dans ce monde
d'ersatz, à mesure que le volume des choses, des marchandises, des
pacotilles produites, augmente (justice immanente, sans doute), la
quantité de valeur globale diminue, proportionnellement au travail
global nécessaire à leur production. Moins de travail productif
réel, à cause des gains de productivité, du progrès technologique
incessant, signifie moins de survaleur, et donc moins de valeur
sociale, de capital en procès d'autovalorisation. La marchandise
produit donc elle-même, mécaniquement, les conditions de sa
disparition. Elle voue ses suppléants humains à l'état de
marchandise, ou de simple rebut de la machine, de déchet économique,
mais crée par-là même les conditions de son propre anéantissement.
Anéantissement qui pourrait bien être par la même occasion celui
de l'humanité toute entière. L'homme, voulant se libérer, fabrique le moyen de son autodestruction.
Le prolétaire est
profondément cet homme là, engagé dans une action hétéronome et
suicidaire, croyant jusqu'au bout œuvrer en toute indépendance pour
son émancipation.
Au stade actuel du
développement de cet outil exterminateur: la fin de la valeur
réelle, la fin de la croissance, il ne reste plus à la machine
d'autre alternative que de jeter dans la bataille ses dernières
forces, en multipliant les signes monétaires dématérialisés,
propices à la spéculation et à la production d'une valeur fictive,
gagée sur du travail hypothétique futur, autrement appelée dette.
La dette massive et universelle, n'étant rien d'autre que la
recherche désespérée du carburant valeur, devenu si rare, dans les
gisements anticipées du futur, un futur imaginé, un rêve. Car la
dette, c'est du futur entrant dans le présent sous forme de créance.
La machine du capital réel, désormais presque entièrement nourrie
par du capital fictif, gagé sur un avenir de plus en plus lointain
et imaginaire, s'enfle de fiction. La fiction était déjà au cœur
du système, elle prend désormais toute la place, comme le vent dans
une bulle. Mais cette bulle, comme toute les bulles, ne peut manquer
d'éclater avec le rêve qui la maintenait.
La bonne nouvelle: la
marchandise s'autodétruit. La mauvaise: elle aura produit avant de
disparaître l'homme le moins fait pour relever le défi de son
dépassement: le prolétaire, cette fiction d'homme libre. Si bien
qu'à supposer que la destruction générale épargne un certain
nombre d'entre nous, il y a des chances pour que ces survivants
reprennent joyeusement, et en toute naïveté, le chemin qui conduira
derechef à cette apothéose.
C'est pourquoi il me semble
si important d'insister sur la conversion spirituelle qui permet
seule de sortir de l'impasse prolétarienne. En finir avec le
capitalisme? La marchandise s'en charge ! La seule question qui
vaille, c'est quelle société, et donc quel homme, voulons-nous
construire après. Et cet homme ne peut pas être le simple produit
du monde actuel, comme si la machine pouvait produire autre chose
qu'une machine. Cet homme ne peut être qu'un converti, un éveillé.
Converti à quoi? A la loi de l'espèce, à la soumission
spirituelle (voir Simone Weil), au pouvoir de création et à l'amour de soi et des
autres.
Adrien Royo
vendredi 3 avril 2015
Pour bien comprendre
Pourquoi suis-je si
favorable à ce qu'il est convenu d'appeler la dissidence, avec tout
ce que ce mouvement, effectivement hétéroclite, compte de
paranoïaques et d'approximation, pour d'aucuns repère de
fascistes?
Remarquons tout
d'abord que la dissidence n'a pas le monopole des errements qu'on lui
prête. Dans mon parcours existentiel, il m'est arrivé de croiser
des demi-fous ou même des fous furieux dans tous les milieux et dans
tous les partis. La concentration d'insanités la plus forte se
trouve même aujourd'hui d'après moi dans les cercles les plus
proches de la bien-pensance et du politiquement correct. Ensuite, et
plus fondamentalement, je dirais que cette dissidence, divine
surprise de ce point de vue, procède à un grand nettoyage
idéologique nécessaire et attendu (par moi du moins). Malgré ses
outrances, grâce à elles peut-être, la dissidence détruit
radicalement un consensus, naguère qualifié de mou,
qui bloquait toute avancée. La pensée politique paraissait congelée
au cœur d'un hiver des organisations, plus ou moins
institutionnelles, chargées de la faire vivre. Grand courant d'air, les
doigts dans la prise, et les fusibles sautent. Quel soulagement!
Comme lorsque l'orage éclate enfin après une longue attente
anxieuse.
La fin de la grande
illusion du socialisme réel semblait avoir paralysé les cerveaux au
point de laisser libre court au cynisme le plus échevelé: « there
is no alternative! ».
Enfin, donc, nous
allons pouvoir nous remettre à penser! Sauf si les agents de la Valeur, qui pullulent derrière les masques de rebelles, n'obtiennent pas une reddition trop
rapide. Mais je crois que trop de
personnes sont désormais désinhibées, débranchées, dématrixées.
Il y a grand danger dans cet éveil des consciences? Peut-être ! Mais le danger serait plus grand encore de continuer à sommeiller la tête dans le sable.
Et puis, je
répèterai une fois encore ce que j'ai déjà dit dans ce blog à de
multiples reprises : la
gauche institutionnelle, et quelle gauche ne l'est pas aujourd'hui?,
représente pour moi le principal obstacle à toute remise en
question de ce que j'appelle le prolétarisme, ou le système de la
Valeur. De la droite, il n'y a rien à attendre pour cela,
elle n'a pas fondé son existence sur la critique de ce système et
ne prétend pas à l'alternative, en tout cas pas en son fonds, comme
je peux le constater tous les jours dans la dissidence, même si
celle-ci, paradoxalement, peut aller beaucoup plus loin sur certains
plans que la pseudo-gauche. Le mensonge le plus insupportable est
toujours du côté des agents du changement ou de la
révolution, des progressistes, pas du côté des conservateurs qui
eux ne désirent que ce qui est. Ces derniers peuvent être cyniques,
profiteurs, tout ce qu'on voudra, il n'empêchent rien en terme
d'analyse, ne créent pas de faux espoirs, n'ouvrent pas de fausses
pistes d'émancipation. Se donner à voir comme incarnation de
l'avenir, du bien ou du mieux, lorsque l'on est fondamentalement un
des avatars du système d'oppression, voilà la faute majeure contre l'esprit
commise par le gauchiste convaincu, pour ne rien dire du
social-démocrate, ni chair ni poisson.
Notre civilisation a
cette particularité d'être fondée sur l'idée de progrès,
d'accumulation dans tous les domaines, de technicisation (au sens que
donne Jacques Ellul à ce terme). La droite ne comprend pas ce
mouvement en profondeur mais elle s'identifie quand même à lui tout en refusant
certaines de ses conséquences nécessaires. Cette contradiction la
rend maniaco-dépressive, parfois agressive, et remplie de mauvaise
conscience. La gauche, quant à elle, s'identifie avec zèle au principe même de ce mouvement, sans le savoir, idiote utile, et promeut la civilisation qu'elle rejette en croyant
l'amender. Voilà son mensonge fondamental et consubstantiel. Tout le
volet sociétal de son action, et il ne lui reste que cela, ayant
abandonné toute idée de remise en question économique et
spirituelle, est fait de ce bois là, c'est-à-dire qu'il fait le jeu
de la Valeur bien mieux que l'adversaire supposé. Quand donc, nos
intellectuels, nos clercs, comprendront-ils cela? Quand
accepteront-ils enfin de sortir de cette illusion mortelle? Jamais
sans doute, étant trop formatés.
La question est:
comment déraciner l'individu pour en faire l'instrument idéal de la
valorisation du capital? La réponse: en lui faisant adopter le
comportement de l'automate, cet objet artificiel non-né, exempt de
toute naturalité, qu'on fabrique, qu'on transforme, qu'on répare,
qu'on détruit. La gauche poursuit ce but mieux que la droite. Elle
n'a donc, par rapport à cette civilisation, rien de révolutionnaire,
quoi qu'elle en dise, et contrairement à une partie de la droite
qui, paradoxalement, en refuse catégoriquement les principes pour
des raisons de traditionalisme. Ruse de l'histoire! Celui qui ne voit pas
cela aujourd'hui, ne comprend strictement rien à son propre monde et
se berce d'illusions. La gauche, faute d'appréhender cette
civilisation selon des critères spirituels et anthropologiques, est
bel et bien depuis toujours son soutien le plus efficace. Les dehors
superficiellement économiques du système lui ayant fait manquer
l'essentiel. Le progressisme est donc le problème, il n'est pas la
solution. Le petit peuple le ressent très intuitivement désormais.
Il n'y a plus que la couche la plus dégénérée de la gauche
boboïsée, alliée à ce que la droite connait de plus cynique, pour
refuser de se rendre à l'évidence. Il n'est pas facile, bien sûr,
de renoncer à un si beau rôle dans cette fiction généralisée.
En bref, quiconque
prétend vouloir échapper à cette oppression nouvelle, doit d'abord
abandonner les interprétations fallacieuses venant de la gauche, pour ensuite seulement affronter la fausse conscience de droite.
C'est à ça que peut servir la dissidence si elle n'en reste pas à
une critique trop convenue, renvoyant à tout ce qui s'est déjà
fait dans le courant du siècle dernier et qui a donné des résultats
si mauvais.
Toute la gauche au
placard, donc? Oui, certes, c'est la condition du renouveau. Et toute
la droite, ensuite. La dissidence a cette fonction historique. Que
cela fasse grincer des dents ne doit pas nous étonner. Mais, il faut bien faire le boulot.
Mes boussoles en ces
temps déboussolés: Simone Weil, Karl Marx (ésotérique) et Pierre
Legendre.
Qu'on se le dise!
Adrien Royo
mardi 31 mars 2015
La conjuration des imbéciles
A
la faveur des évènements récents, se développe une double
hystérie bien propre à rappeler les moments les plus tragiques de
l'histoire européenne. Tout le monde semble vouloir se ranger bien
hystériquement dans l'une des cases toutes prêtes à l'accueillir:
fascisme, antifascisme, socialisme reconfiguré, libéralisme
pseudo-neutre.
Remontons
le temps de façon un peu provocatrice. De la variété possible de
l'offre politique des années vingt du 20e siècle, on est vite
passé, une décennie plus tard, à une réduction drastique avec
radicalisation, et affrontement direct de deux camps
irréconciliables. L'Espagne offre un excellent exemple de cette
réduction avec l'histoire du mouvement phalangiste. Fondée par
Jose-Antonio Primo de Rivera, la première Phalange, deux ou trois
ans avant la guerre, cherchait ses repères entre la révolution
sociale et le nationalisme autoritaire. Elle élabora à la va-vite
une plateforme idéologique un peu floue mais qui voulait s'appuyer
sur le petit peuple et amener à résipiscence les classes
privilégiées et l'Église. A la toute veille du soulèvement
militaire toutefois, pressée de toute part et financièrement à
l'agonie, peu soutenue par les riches, elle s'associa aux militaires
et soutint le coup de force. Un peu plus tard, Franco n'hésita pas à
la récupérer, à la renverser idéologiquement, pour en faire le
socle de son pouvoir dictatorial, el jefe (le chef) Jose-Antonio,
comme l'appelait ses sympathisants, ayant été exécuté dans sa
prison de Valence dès le début de la guerre civile. Des gens qui
réfléchissaient en toute sincérité, même s'ils se trompaient, à
une quatrième voie entre le marxisme, la droite traditionaliste et
le libéralisme, avec tout ce que cela suppose d'errements et
d'ambigüités, ont été purement et simplement éliminés pour
former un bloc bien carré et bien simpliste propre à s'insérer
dans l'espace binaire et sans nuances de la guerre totale. La même
chose s'est d'ailleurs produite dans l'autre camp, où les
anarchistes ont laissé la place à de bons staliniens dociles et
cyniques. C'est un petit fils de républicain espagnol qui
vous parle.
Je
soutiens que nous préparons aujourd'hui la même sauce pour le même
genre d'agapes, avec cette différence notable et paradoxale que tout
se remet en place par la volonté même de ne pas reproduire le
passé. Les gens de gauche interdisent de chercher du nouveau en
écrasant leurs amis sous le poids d'une histoire mal digérée, et
les gens de droite, piégés dans le même cercle, servent des plats
réchauffés. De tous côtés, on ferme les voies de l'analyse
sereine, de la synthèse et du dialogue en se repliant frileusement
sur des positions jugées sûres parce que déjà enlevées au moins
une fois. Quiconque se pique de liberté prend le risque de se voir
lyncher par les uns ou par les autres, et mêmes par les uns et
par les autres. Interdiction de penser librement! est le mot d'ordre
général. Il ne se dit jamais ouvertement, mais il s'inter-dit
constamment.
Le
système aujourd'hui est étouffant. Tout le monde sent bien
qu'aucune proposition existante n'offre de vraies perspectives, et
tout le monde vibrionne cependant en pure perte autour des mêmes
idoles. On ne sait plus à quel saint se vouer, mais on se voue corps
et âmes, et on s'accroche désespérément à l'épave la plus
vermoulue qui s'enfonce déjà et promet la noyade. Et accepter le
statu quo revient à accepter la glissade inéluctable vers l'abîme.
De quelle manière la chute aura-t-elle lieu? Guerre de civilisation,
prenant la forme de guerres civiles par endroits; débandade
économique ou environnementale; totalitarisme techno-mondialiste ou
techno-nationaliste, ou tout cela à la fois? Nul ne le sait, mais
qu'il y ait chute, tout le monde le sent confusément.
Dans
une telle ambiance, comment s'étonner que certains prennent un malin
plaisir à faire exploser le consensus, quitte à devenir les têtes
de turc de tous les autres, trop contents de pouvoir se coaliser
enfin autour d'une même proie. C'est le rôle qu'a choisi de jouer
Alain Soral par exemple. Soral, qui par bien des côtés rappelle ce
Primo de Rivera dont je parlais précédemment, plus proche d'un
Poutine ou d'un Chavez, que d'un Hitler, qui rentre néanmoins dans
la case prévue du nationalisme autoritaire et de l'interprétation
communautariste de l'histoire. Soral est antisémite, dit-on. C'est
possible! Mais qu'il le soit ou pas, certains chasseurs
d'antisémites, arc-boutés sur la mémoire du génocide préparent
malgré tout comme les autres, par leur maladresse et leur hystérie,
le terrain d'un beau chaos à l'ancienne. Qu'il y ait des
antisémites, je ne le nie pas, mais qu'il faille, pour lutter contre
eux, employer des moyens que l'on dénonce chez les autres:
mensonges, rumeurs, dénigrement systématique, condamnation sans
procès, lynchage médiatique et mêmes agressions physiques, me
semble tout à fait contre-productif et bien propre même à créer
de l'antisémitisme là où il n'y en avait pas.
Prenons
l'exemple de Dieudonné, puisqu'il est associé à Soral dans la même
réprobation universelle. Voilà quelqu'un qui, sauf à l'accuser
gratuitement d'antisémitisme latent depuis sa naissance, avait tout,
avant son sketch chez Fogiel, pour devenir l'emblème de
l'antiracisme authentique. Or, voilà qu'un beau jour l'ensemble de
l'establishment lui tombe dessus pour avoir fait exactement ce que
Charlie Hebdo faisait toutes les semaines, et qui suscite aujourd'hui
tant d'admiration rétrospective, à savoir une caricature
d'extrémiste. La disproportion entre la peine immédiate qui lui a
été infligée: ostracisme généralisé, interdiction de se
produire, lynchage médiatique, et la nature de la transgression,
était bien faite pour attirer le soupçon. Et le soupçon s'est
effectivement généralisé quand la victime, loin de s'agenouiller
devant ses bourreaux, se mit à en rajouter sous le costume du
méchant absolu qu'on lui avait mis sur les épaules. Dieudonné joua
ce jour-là malgré lui le rôle de l'agent chimique plongé dans une
solution stable et qui précipite involontairement des réactions
moléculaires en chaîne qui font tout exploser, révélant par
l'explosion elle-même les incohérences du milieu initial. Les
censeurs en cette occasion, pensant démasquer un crypto-antisémite,
dévoilaient en réalité à la fois leur pouvoir et leur stupidité.
Ils créèrent donc, par leur réaction disproportionnée un
pseudo-antisémitisme massif, né d'un étonnement agacé ou d'une
révolte étonnée. Des milliers de personnes se découvraient en
effet du jour au lendemain antisémites. Le niveau s'étant abaissé si
brutalement que tous
ceux qui émettaient une simple critique de l'État d'Israël ou
évoquaient le racisme hébreu, recevaient immédiatement leur
diplôme avec félicitation du jury. Sans compter les gens que tout
cela rendait curieux et qui commencèrent à chercher des réponses à
des questions qu'ils ne s'étaient jamais posés. Dans ce cas précis,
j'affirme que des organisations communautaires ont créé de toute
pièce et de manière irresponsable ce qu'elles prétendaient
combattre. Un peu comme ces obsessionnels qui finissent par réaliser
le fantasme contre lequel ils avaient fondé leur existence, par peur
que celui-ci leur échappe. Ce qui ne justifie en rien, bien entendu,
le vrai antisémitisme qui aurait pu se développer parallèlement.
Mais aussi, n'y aurait-il pas là un calcul bassement politicien
consistant à créer un monstre de toute pièce pour se concilier les
faveurs d'une partie du peuple encore prête à croire toutes les
balivernes du pouvoir en matière de lutte contre l'extrémisme, le
racisme, l'antisémitisme ou le complotisme. Quoi de mieux, pour se
donner des allures de gauche, lorsque la gauche réelle a disparu,
que de s'inventer un extrémisme de droite? Comme naguère on
s'inventa à droite un extrémisme « ultragauchiste ».
Résultat
des courses, chacun enfile son petit uniforme et se précipite dans
les tranchées anciennes numérotées pour rejouer la der des ders et
le « plus jamais ça » en y ajoutant les variantes du
jour.
J'entends
bien que les victimes, ou les descendants de victimes, soient
inquiets de voir que la discussion autour de l'antisémitisme
recommence, mais de grâce, ne tombons pas dans le piège de la
séparation et du repli. C'est en nous-mêmes toujours que le monstre
doit être poursuivi, sans quoi il renaîtra inévitablement, la
victime d'hier se transformant en bourreau, comme cela arrive depuis
le commencement de l'histoire humaine. Si une petite flamme de vérité
et d'amour subsiste, au contraire, tout n'est pas perdu. C'est de
cette flamme dont il est question ici, de rien d'autre.
Le
racisme est dangereux, mais certaines façons de l'affronter le sont
tout autant.
L'époque
réclamerait la recherche urgente d'une alternative spirituelle et
idéologique, un rêve alternatif propre à désamorcer la crise ou
du moins à laisser imaginer un avenir humain réellement pacifique,
mais personne ne pense pour cela à renoncer aux codes préétablis,
au psittacisme, au savoir pré mâché, ou aux réflexes grégaires.
Il faudrait une vraie liberté de pensée, quand des barrières se
dressent de partout, y compris, et plus encore qu'ailleurs, dans les
espaces prévus pour elle. Cette liberté est dangereuse, oui, mais
moins que le conformisme étriqué d'aujourd'hui. Cette liberté est
risquée, oui, mais moins que le statuquo. Cette liberté est
inquiétante, oui, mais moins que ce qui nous attend de toute
manière. Des jeunes deviennent antisémites en allant sur certains
sites? Eh bien, je gage que ce n'est pas en s'acharnant contre eux et
en appliquant des méthodes fascistes qu'on luttera efficacement
contre le totalitarisme qui vient, qui lui n'a rien d'antisémite ni
de particulièrement sémite d'ailleurs, et qui s'insinue entre les
rangs de l'imbécilité éternelle en ordre de bataille.
Et
puis, il y a une suffisance des gens au pouvoir aujourd'hui qui
dépasse l'entendement. Tout le monde prétend parler au nom du
peuple et tout le monde le méprise. On le voit encore avec
l'attitude de l'Europe face à la Grèce. On s'arrange soit pour
discréditer sa parole, soit pour en nier la pertinence, soit pour le
réduire au silence. Un des vocables inventés pour obtenir ce
magnifique résultat est « populisme ». Est populiste
tout ce qui n'arrange pas les élites. On dit que le peuple est bête
et on s'en méfie, mais on oublie que la responsabilité de toutes
les saletés de l'histoire pèsent sur la tête des dirigeants et des
intelligents, pas sur le peuple qui n'élit ses représentants que
parmi ceux qu'on veut bien lui présenter. La peur du peuple est sans
doute aujourd'hui la peur la mieux partagée. Aujourd'hui, cette
peur se manifeste par l'habitude de lui cacher l'essentiel afin qu'il
ne remette pas en question le bel ordonnancement élitaire censé
assurer, si ce n'est le bonheur, du moins l'avenir. Et quand par
hasard il découvre tout de même quelques bribes de vérité, on
l'accuse de complotisme. D'ailleurs, on se dirige tout droit, et pas
seulement en Europe, vers un techno-bio-pouvoir dont le bras armé
sera fait d'une minuscule élite technocratique triée sur le volet,
avec une majorité d' « ignorants » faisant là où on
leur dira de faire. C'est ce qui s'appelle aller vers des lendemains
meilleurs. L'idée est toujours la suivante: si on laisse le peuple
faire, on obtient Hitler. CQFD! Mais votez quand même! Il faut bien
sauver les apparences. Bien sûr que la vérité est un jeu de
miroirs, et qu'elle nous fuit toujours, mais la recherche est le
propre de l'homme, et parce que certains se font piéger sur la
route, on n'arrête pas le voyage.
Internet,
même surveillé continuellement, est en libre accès. Tout peu se
dire, y compris le n'importe quoi. Mais quand le n'importe quoi et le
mépris envahissent les médias traditionnels réputés porteurs de
vérités, pourquoi devrait-on le bouder. Depuis que je suis en âge
de comprendre, on ne cesse de me mentir, non seulement en toute
impunité, mais encore avec un cynisme hyperbolique. J'ai vu le pays
de la liberté soutenir des dictatures et des groupes terroristes, la
gauche devenir la droite, la démocratie se passer des citoyens, la
justice s'incliner devant le pouvoir et faire preuve d'intransigeance
envers les petits, l'argent aller à l'argent, des descendants de
victimes devenir des bourreaux donneurs de leçon, la raison d'État
s'ériger en morale, le racisme envahir l'espace public, des guerres
sans morts à la télévision, des robots remplacer des hommes, des
médicaments tuer, de la nourriture empoisonner, des travailleurs
mourir à cause de leur travail, etc; J'ai vu tout cela et malgré
tout je reste confiant. Confiant en l'homme du quotidien, le petit,
le sans-grade, le tâcheron, pas le puissant, le tout-sachant, le
brillant.
Je
veux pouvoir penser sans avoir un censeur au-dessus de mon épaule
pour me dire ce qu'il faut que je voie, que je sente, que je rêve.
Je veux pouvoir me tromper. Mes références sont claires: Marx,
Debord, Kurz, Postone, Lacan, Weil, Legendre, Jésus, Lao Tseu et
Diogène.
Dans
sa note n°11 intitulée « Conspirationnisme: un état des
lieux », la Fondation Jean Jaurès, Think tank socialiste dont
le premier article des statuts dit vouloir: « favoriser
l’étude du mouvement ouvrier et du socialisme international,
promouvoir les idéaux démocratiques et humanistes par le débat
d’idées et la recherche, contribuer à la connaissance de l’homme
et de son environnement, mener des actions de coopération
économique, culturelle et politique concourant à l’essor du
pluralisme et de la démocratie dans le monde », on trouve, à
la page 8, le paragraphe suivant:
« Thierry
Meyssan est probablement l’une des personnalités qui, avec
Dieudonné M’Bala M’Bala et Alain Soral (Égalité &
Réconciliation), incarnent le mieux le noyau dur de cette mouvance
hétéroclite (le conspirationnisme), fortement intriquée avec la
mouvance négationniste, et où se côtoient admirateurs d’Hugo
Chavez et inconditionnels de Vladimir Poutine. Un milieu interlope
que composent anciens militants de gauche ou d’extrême gauche,
ex-«Indignés», souverainistes, nationaux-révolutionnaires,
ultra-nationalistes, nostalgiques du IIIème Reich, militants
anti-vaccination, partisans du tirage au sort, révisionnistes du 11
Septembre, antisionistes, afrocentristes, survivalistes, adeptes des
«médecines alternatives», agents d’influence du régime iranien,
bacharistes, intégristes catholiques ou islamistes.”
En
effet, ce que le pouvoir appelle les complotistes ou les
conspirationnistes, et que d'autres appellent les débranchés, vient
de tous ces horizons. C'est déjà intéressant en soi d'abattre les
frontières mentales à ce point. Qu'est-ce qui unit ces
individus? Entre autre, la défiance. La défiance vis-à-vis de tout
ce qui vient de la sphère médiatico-politico-culturelle officielle.
Cette défiance peut conduire à des dérapages et à des
élucubrations, c'est un fait. Mais des dérapages et des
élucubrations beaucoup moins graves que ceux des puissants que
soutient cette Fondation. Qui a attaqué l'Irak sur un prétexte
fallacieux? Qui manipule l'opinion tous les jours? Qui dirige des
services secrets échappant par définition à la surveillance des
citoyens? Qui déstabilise des États souverains pour les soumettre?
Qui fomente des troubles partout sur la planète pour préserver ses
intérêts? Qui propage des thèses absurdes pour discréditer les
adversaires? Qui écrit des faux rapports pour diffuser telle ou
telle marchandise délétère? Qui utilise des terroristes pour
lutter contre des adversaires communs? Qui dresse des populations
contre les autres? Qui ment? Qui vend? Qui gagne? A qui profite les
crimes de toute sorte commis chaque jour? Aux complotistes ou à ceux
qui les dénoncent? Qui est le plus dangereux? Le petit
conspirationniste d'Internet ou le conspirationniste d’État qui le
persécute? Derrière tout complotisme supposé, on veut toujours
trouver le futur nazi. On agite le chiffon rouge ou noir du fascisme
ou de l'antisémitisme dès que quelqu'un se pique de penser par
lui-même. Ce que l'on nie ainsi en le confirmant implicitement,
c'est le visage profondément fasciste de l'époque. Que veulent ces
démocrates autoproclamés? La pluralité progressisto-libérale,
c'est-à-dire la pensée unique sans contradicteurs.
“Dans
le monde à l'envers, le vrai est un moment du faux.” (Guy Debord
in “Commentaires sur la Société du Spectacle”). “Croire en
l'histoire officielle, c'est croire des criminels sur parole.”
(Simone Weil in “L'Enracinement”).
Pour
ma part, je n'ai aucune confiance dans la parole des médias
officiels, comme je n'ai aucune confiance dans tout ce qui vient de
l'agro-industrie, de l'industrie pharmaceutique, de l'industrie
militaire, de la culture mondaine, de la propagande étatique, de la
publicité, ou de la politique partisane . Si cela fait de moi un
complotiste, tant pis. J'ai entendu trop de mensonges venant de ces
porteurs de lumières.
Pour
avoir une chance aujourd'hui de percevoir un peu de vérité vraie,
il faut s'émanciper de tout cela.
1-
Changer son alimentation pour s'émanciper de l'agro-industrie;
2-
Changer sa façon d'envisager la santé pour s'émanciper des
professionnels de la maladie et du médicaments;
3-
Changer sa façon de voir le monde pour s'émanciper des médias et de la
culture de masse;
4- Changer son regard sur la politique pour s'émanciper des marionnettes
du prolétarisme mondialisé;
5-
Changer de logiciel philosophico-spirituel pour s'émanciper des
intellectuels d'élevage.
Avec
ça, que l'on me classe où l'on voudra. Peu me chaut!
Adrien
Royo
dimanche 29 mars 2015
mardi 17 mars 2015
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