vendredi 27 janvier 2012

La richesse privée, abus de bien social

Je n’insisterai jamais assez :

Dans la mesure où aucune richesse matérielle ne peut plus être individuelle, constituée désormais d’un mélange nécessaire de travail vivant abstrait et de travail social mort, la richesse privée, si les modalités de son acquisition et de son accumulation ne font pas l’objet d’un consensus démocratique dûment exprimé, s’apparente à un abus de bien social.

Aussi scandaleuse qu’apparaisse aujourd’hui une telle affirmation, elle est l’expression d’une vérité si évidente que tout le monde s’étonnera bientôt de ne pas l'avoir toujours sue. Car, comme toute vérité, celle-ci crève les yeux.

Je répète: la richesse privée, pléonexie ou encroachment, appropriation démesurée ou empiètement sur le territoire d’autrui, est un abus de bien social tant qu’elle n’est pas explicitement autorisée et encadrée par décision populaire.

Que les juristes se penchent sur la question!

Adrien Royo

mercredi 25 janvier 2012

Humeur de campagnes

Ca y est, à l’occasion de la campagne présidentielle, Obama ressort sa panoplie de Robin des Bois. On va voir ce qu’on va voir, maintenant les riches étatsuniens vont payer comme tout le monde. Equité fiscale ! Pendant la campagne, il a le droit de parler comme il veut, sa peau noircie, il s’exile à la Maison Blanche. Il s’amuse, se défoule et se déguise, c’est la récré. Une fois élu, on arrête les frais, il rentre tout blanc à la maison, c’est-à-dire à Wall Street.

Pour Hollande, c’est la même chose. Il prépare une campagne de premier tour sur les genoux de Montebourg et il mettra en œuvre le programme du Vals fourré aux alouettes. Les français voteront Arnaud et c’est Manuel qu’ils se farciront pendant cinq ans. C’est l’avantage socialiste d’en avoir plusieurs pour le prix d’un. Ils voteront pour la démondialisation et ils auront l’austérité. Car François n'est jamais que la doublure lumière de DSK.

Quant à Sarko, il rend déjà son tablier. Peut-être sent-il que le moment est venu d’aller se planquer quelque part avant que le boomerang de la crise ne lui revienne sur la tronche. Mentir tout le temps, ça use. Pauvre Martin, pauvre misère, dors sous la terre, dors sous le temps… 

Adrien Royo

lundi 16 janvier 2012

Le Tiers toujours payant

L'Espagne s'apprêterait à diminuer les salaires de 5% et à augmenter la durée légale du travail de deux heures. Miam miam, il fait bon être actionnaire par temps de crise. On a tout ce qu'on demande. Le AA, c'est Noël. Vivement le CC! il n'y aura plus alors qu'à supprimer le salaire et à rétablir l'esclavage. C'est avec des trucs comme ça qu'on redevient compétitifs. On ne pourra plus rien acheter, mais du moment que les élites sont contentes et que le Tiers paye. Siéyès le disait déjà : "le Tiers c'est le tout". Il voulait dire tout le travail et toute la misère. Citoyens, il va falloir reprendre la Bastille. Le 14 juillet, ça vous va? Avec le slogan suivant: le Tiers payant, ça suffit! Après la TVA apostolique et la rigueur romaine, Sarkozy va sûrement nous demander de nous sacrifier pour la Croissance. C'est nouveau, on ne nous l'avait jamais faite celle-ci. Dis donc Nico, il n'y a pas que des perdreaux de l'année parmi les électeurs. Il est vrai que de son côté Hollande nous demandera sans doute de nous couper un bras. Et Marine de couper celui du voisin arabe. Et Mélanchon? Il voudra couper celui de Marine. Quant à Joly, elle demandera poliment aux banquiers d'installer des panneaux solaires sur le toit de leurs buildings européens. 

Dans un accès d'ironie, j'avais, il y a quelques années, écrit cette phrase sur le drapeau européen, au milieu des étoiles de Marie : ne vous demandez pas ce que la Croissance peut faire pour vous, demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour la Croissance! Paraphrase de l'exhortation américaine bien connue de Kennedy. Elle avait le mérite de dire mieux que toute les clauses d'un traité quelconque, ce qui faisait le contenu du projet européen. Sacrifice de la majorité pour la croissance des revenus de quelques uns.

Adrien Royo

mercredi 11 janvier 2012

Les chrétiens aussi sont indignés :

Manifeste des chrétiens indignés
"Jadis les financiers étaient des hommes forts durs. Aujourd'hui, tous philanthropes, doux, aimables, magnifiques; d'une main ils affament, il est vrai, mais souvent de l'autre ils nourrissent. Ils mettent des millions d'hommes à la mendicité, et ils font des aumônes. Ils bâtissent des hôpitaux, et ils les remplissent." (Jules Michelet - Histoire de la Révolution Française)

Tout a changé, comme on voit.

samedi 7 janvier 2012

TVA confiscatoire

Un salaire est composite. Il comprend un élément direct, le salaire net, et un élément indirect, le salaire différé (cotisations sociales) ; un salaire que nous percevons tous les mois (ou plutôt que la banque perçoit tous les mois pour nous), et un salaire mutualisé dont nous recevrons une part sous la forme de prestations sociales. Évidemment, nos oligarques se gardent bien de présenter les choses de cette façon ramassée et simple. Il leur faut complexifier à outrance pour garder leur pouvoir et continuer de pinailler sur les charges patronales qui pèsent lourdement sur la compétitivité française. Curieusement, tout est beaucoup moins compliqué lorsqu’il s'agit de dividendes ou de rémunération des dirigeants. Ces deux parts là de la plus-value, quelle qu’en soit l’indécence ou l’exagération (souvenons-nous qu’un grand banquier américain du XIXe siècle comme JP Morgan, devait déployer des trésors d'imagination pour justifier un salaire trente fois supérieur à celui de son employé le moins bien rémunéré, alors qu’aujourd’hui un ratio de 1 à 500 ou de 1 à 1000 ne choque personne), ces deux parts là, donc, ne compromettent jamais la compétitivité. Même une récession mondiale ne compromet pas la compétitivité de ces entreprises qui surpayent leurs dirigeants pendant que le salarié de base s’endette pour s'acheter un vélo. Il est vrai que même la récession est très mal partagée.

Pour mesurer l’intensité de la propagande, il faut prendre du recul et relire des textes d’il y a un siècle et demi. Ceux de Marx, par exemple, disant dans le Capital que si un jour les ouvriers anglais entraient en concurrence avec les chinois, il leur faudrait, en bons libre-échangistes, accepter des salaires chinois. Ceux qui pensaient dépassé ce genre de propos n’ont qu’à feuilleter les journaux contemporains. Quelles que soient les conditions extérieures, une logique domine (voir pour cela l’étude de Lacroix-Riz sur les années 30 en Europe : Le Choix de la Défaite), celle du contrôle des salaires, et donc des salariés, par l’oligarchie. L’économie allemande, que l’on cite un peu trop en exemple en ce moment pour qu’elle survive aux cinq prochaines années, n’a pas d’autre urgence que de contenir les salaires en deçà du taux réputé inflationniste. Car l’inflation rogne sur les profits et diminue la rente. Si bien qu'à l'inverse de ce que prétendent les économistes d’élevage, ce sont bien les salariés qui profiteraient d'une inflation mesurée. A condition, bien sûr de rétablir l’indexation des salaires sur les prix qui existait pendant les Trente Glorieuses, période noire s’il en est.

Monsieur Sarkozy est donc logique avec lui-même et avec sa caste en voulant instaurer une « TVA sociale ». Remarquons l'ingéniosité perfide de l'oxymore. Celle-ci revient à faire payer les salaires différés par les salariés eux-mêmes. La TVA n’étant pas progressive, un pauvre paiera proportionnellement plus qu’un riche, dans la mesure où les achats de subsistance représenteront pour lui 100% de ses revenus.

Donc, pas question de revenir sur les modalités du partage de la plus-value. Tout sauf donner davantage aux pauvres. Ils le boiraient sans doute. Les dividendes, les grosses primes, les bonus et les très hauts salaires se maintiendront au niveau actuel, seul le pouvoir d’achat des plus faibles se dépréciera significativement. Pour votre bien, donnez-moi votre argent ! De toute façon, vous l’utiliseriez mal. Comme la caste supérieure qui détient le pouvoir, détient aussi les moyens de la publicité et de la pensée, vous ne trouverez nulle part dans les grands médias une critique un peu solide de cet état de fait. Aucun relais n’est à espérer du côté des puissants. De plus, comme vous êtes en démocratie et que vous pourrez choisir entre différents mêmes aux prochaines élections, il vous est demandé de faire silence pendant les travaux. Regardez ailleurs pour voir si on vous laisserait longtemps en une si confortable situation (Libye, Syrie, Iran, Irak, etc). En France, comme disait Coluche, nous sommes tous égaux, mais il y en a quand même de plus égaux que d’autres.

Adrien Royo

lundi 2 janvier 2012

Principe anthropologique pour une révolution

En complément de la Déclaration des principes pour toute constitution future, du 18 décembre 2011.


L’individu est une création sociale


L’individu n’a pas d’autre existence qu’organiquement lié à une structure sociale et à un ensemble cosmique. Aussi étonnant (délirant) que cela paraisse à première vue, il n’apparaît pas d’abord comme individu mais comme « sociêtre ». Il devient individu après coup si la forme sociale dans laquelle il naît favorise sa naissance et s’il le veut lui-même. En réalité, s’il réalise sa potentialité individuelle par et dans la société dont il reste indissociable. C’est pourquoi, la démocratie des droits de l’homme ne peut qu’échouer. Elle ne comprend pas l’individu à naître, mais donne des pseudo-droits à un fantôme. Toute organisation politique fondée sur ce mensonge s’auto-légitimera sans prendre ses véritables responsabilités.

Les hommes libres naissent égaux en droit puis vivent le restant de leurs jours dans l’aliénation. La Déclaration universelle n’étant jamais que le véhicule idéal de leur déni originel. Déni, ou refoulement, ou introjection de leur corps social comme organe extérieur multiple. La liberté née de ce refoulement ne sera donc jamais qu’une liberté de fantôme ou de zombi.

Les libr’hommes, au contraire, naissent dans l’aliénation puis actualisent, ou réalisent, leur liberté, en disciplinant leur corps social. Ils se savent cosmosociêtres refoulés, homo socialis sapiens non sapiens, et veulent se réapproprier leur corps social pour en faire une couveuse d’individus, un éclosoir de liberté.

Toute société devrait donc être tendue vers cet objectif de création d’individus. Je ne dis pas d’hommes nouveaux. Il n’y a pas d’hommes nouveaux, mais des individus potentiels qui cherchent à naître, c’est-à-dire à unifier leurs différents corps séparés (cosmique, social et individuel), et qui n’ont pas seulement besoin d’une déclaration de leurs droits fondamentaux mais aussi d’une déclaration de naissance en bonne et due forme.

Adrien Royo