jeudi 15 décembre 2011

Il n'y a pas de richesse privée! S'il était compris, ce fait inavouable, que je ne cesse de répéter à longueur de blog, deviendrait un slogan révolutionnaire. Car tout l'édifice social actuel repose sur le mensonge de la richesse individuelle. C'est la croyance en cette richesse, ou plutôt dans la légitimité de cette richesse qui explique en grande partie l'impuissance politique actuelle.

Merci à Dany-Robert Dufour d'avoir amené dans son dernier livre: "L'individu qui vient", chez Denoël, des éléments grecs à ma rescousse. La pléonexia définissait dans la Grèce ancienne, le fait condamnable, amenant la démesure et donc le chaos, de prendre plus que sa part et de s'engager sur la voie d'une accumulation matérielle sans fin. Traduit par Hobbes (l'auteur du Leviathan) au XVIIIe siècle, cela donne le concept d'encroachment : empiètement indu sur le territoire d'autrui.

dimanche 11 décembre 2011

On aurait grand intérêt en ces temps incertains à s’occuper de la réalité. Et l’une des réalités les plus massives aujourd’hui, une des plus nécessaires à saisir pour pouvoir appréhender le monde, est celle du salariat en tant que système d’échange inégal entre acheteur et vendeur de la marchandise force de travail. Réalité qui pour être refusée avec toute la force du déni névrotique dans ses détails les plus essentiels par ses possesseurs mêmes, c’est-à-dire tout le monde, n’investit pas moins chaque recoin de notre vie de citoyens libres et égaux. Il est étrange, à y bien regarder, que l’on s’occupe tant de la sécurité des enfants et de leur apprentissage des règles de la vie, tout en négligeant de leur enseigner le plus utile : leur future qualité de proie. Comme si les mamans oiseaux ou lapin cachaient à leurs petits la situation de prédation qu’ils auront à connaître adultes sur leur territoire. Dans sa transposition humaine, cette négligence entrerait aisément dans la catégorie pénale de non assistance à personne en danger. A l’école, l’enseignement de l’ignorance dénoncée par Jean-Claude Michéa a atteint un tel degré qu’il est bien inutile d’espérer quoi que ce soit de ce côté. S’il y avait une chose à apprendre pourtant, c’est bien que cette marchandise particulière, indissociable du corps humain, peut aussi, comme toute marchandise, être un objet de spéculation. Tout comme le prix d’une céréale augmente ou baisse en fonction des ordres d’achat ou de vente passés sur son marché, ou en fonction des quantités produites ou réservées, le prix de la force de travail varie selon les situations. Par exemple, si beaucoup de vieux restent sur le marché du travail faute d’une retraite digne et méritée, la demande de travail augmentant, son prix moyen baissera. Dans une situation générale où il apparaît nécessaire à nos dirigeants d’augmenter les profits en intensifiant la pression sur les salaires, et de transférés des richesses de la poche des salariés vers celles des banquiers et des spéculateurs, ne serait-il pas tentant d’agir effectivement sur l’augmentation de leur nombre. Augmenter la production d’une marchandise permet d’en diminuer le prix, de même, augmenter le nombre de salariés, et donc la force de travail à disposition, permet de diminuer les salaires, ou du moins d’en contenir la hausse. Plus de salariés égal plus de concurrence égal moins de salaire. Cela marche aussi quand on importe massivement de la main-d’œuvre extérieure ou quand le chômage croît. Calcul cynique, me direz-vous. Oui, mais tellement à la mode en ce moment. De là à dire que les réformes récentes des retraites ne visent que ce résultat, il n’y a qu’un pas que je franchis sans hésiter. Non pas d’ailleurs que les responsables le fassent toujours consciemment et de manière délibérée, mais la logique implacable de la structure amène ces choix. La structure est plus forte que les individus. C’est pourquoi, il faut changer la structure. Paul Jorion citait récemment dans une de ses vidéos une phrase du jeune Marx : « La ferme hérite de l’aîné ». Il voulait dire exactement cela que c’est la ferme, la structure, qui décide souvent de l’héritage selon ses besoins et non l’inverse, que la structure, la machine inconnue, exprime sa logique propre par le truchement des individus. Dans ce cas, la liberté ne consiste pas à faire ce qu’on choisit, mais à connaître les mécanismes du non-choix pour infléchir le mouvement de la structure. En attendant, il est facile à ceux qui tiennent le manche, les oligarques prédateurs, de rogner sur les salaires différés : retraites, prestations sociales, ou sur les moyens de reproduction de la force de travail : loisirs, culture, etc., tout en intensifiant la concurrence entre salariés pour préserver leur rente et leur patrimoine ou pour les faire grossir. La cupidité n’ayant pas de limite.

Pléonexie, c’est ainsi d’après Dany-Robert Dufour (« L’Individu qui vient », chez Denoël) que les grecs anciens appelaient le fait d’en vouloir toujours plus, d’empiéter sur le bien d’autrui pour augmenter le sien propre. Cette pléonexie, était pour eux une malédiction qu’il fallait combattre, pour nous au contraire, homme libres du XXI siècle, elle est une valeur qu’il faut promouvoir sous le nom de concurrence. La pléonexie devient ainsi le moteur de la structure. Structure qui commande de jeter dans la misère et la destruction parfois tout être qui n’a pas eu la chance de naître propriétaire. Mais aujourd’hui, un seuil a été franchi et il se pourrait bien qu’elle préfère même s’autodétruire que de céder un pouce de son désert.

Adrien Royo

samedi 10 décembre 2011

Si futur il y a

Nous, les Kuniques Bleus, déclarons solennellement aujourd’hui, 10 décembre 2011, les principes fondamentaux pour des constitutions futures.

Déclaration universelle des principes fondateurs de tout contrat social au XXIe siècle :

Article 1 - La richesse privée est une convention collective.
Article 2 - La démocratie est le gouvernement des pauvres.
Article 3 - Toute ressource naturelle est un bien commun.


Il n’ait pas d’autre richesse que sociale. Toute appropriation privée des fruits d’un travail collectif doit faire l’objet d’un consentement collectif dûment exprimé. Ce principe interdit la concentration des richesses et doit susciter des formes nouvelles de production et d’échange.

1 - La vraie démocratie étant le gouvernement de tous, il apparaît que les pauvres, compris comme la frange des 90% de la population qui ne possèdent pas les moyens de production ou d’échange, doivent exercés le véritable pouvoir.

2 - Les ressources naturelles étant l’héritage commun des êtres humains sur cette terre, il est nécessaire de les rendre inaliénables pour assurer leur partage équitable.

3 - Nous soutenons que ces trois principes, dans leur simplicité et leur concision, suffisent à garantir une forme constitutionnelle tournant le dos à des siècles d’aveuglement, d’arrogance, de pillage et de spoliation. La crise terminale de la civilisation du cynisme et du mépris, nous offre aujourd’hui la dernière occasion de promouvoir un changement fondamental de paradigme. Le choix final ne sera pas entre gauche et droite, religieux ou laïc, ancien ou nouveau, mais entre kunisme et cynisme, individu et machine, visage et monstre.

Adrien Royo
Pour les Kuniques Bleus

mardi 6 décembre 2011

de la règle d'or à la loi d'airain

Une règle d’or pour déréguler. Si nous n’avions pas si mal à la tête ces temps-ci, il y aurait de quoi se fendre la poire. Une règle d’or qui tombe sur les doigts des 99% qui subissent pour aider les 1% qui s’amusent à la roulette mondiale, il faut être au XXIe siècle pour voir ça. C’est un peu comme si un glouton mettait au régime ses fournisseurs pour maigrir. La règle d’or de l’élite va se transformer en loi d’airain pour nous, c'est évident. Vous avez déjà perdu votre chemise ? Maintenant, baissez le pantalon! La dette, ils vous l’ont imposé, mais c’est vous seuls qui la paierez. Et ceux qui vous l’ont imposée sont également ceux qui la dénonçaient le plus fort. La cigale prenait le masque de la fourmi pour convaincre les autres fourmis. Ne croyez pas les fourmis d’aujourd’hui, qui laissent les cigales s’ébattrent à Wall Street avec l'argent qu'elles vous ont volé. Foutons les bons pères de famille à la porte! Ou bien, qu'ils nous rendent notre argent avant de nous faire la morale.

samedi 3 décembre 2011

Pour sauver l'Europe, tuons la démocratie!

L’Europe, telle que nous la connaissons aujourd’hui, cette construction artificielle sans fondements démocratiques, créature du Marché (divin Marché, comme dirait Dany-Robert Dufour), sorte d’hyper ville nouvelle imaginée par les élites pour des européens hors sol au temps de cerveau disponible vendu à Coca-Cola par TF1, fut érigée ces dernières quarante années sur du sable technocratique à grands coups de mensonges, de propagandes et d’intimidations. Elle devait apporter la paix, la croissance et le progrès, elle ne sert partout qu’à démolir les anciens terriers pour livrer les individus « libérés » aux fauves de la plaine, confortablement installés sur leurs litières dorées. Comme les faisans d’élevage à qui l’on accorde la liberté finale pour mieux les abattre, les européens sous dictature libérale sont libérés de toutes leurs protections, qu’elles soient douanières, bancaires, politiques ou sociales, pour être jetés nus à l’assaut des forteresses mondiales du commerce. Le dogme de la concurrence libre et non-faussée aboutissant à la ruine de tous et à l’asservissement de chacun.

Le Marché, entendu comme nouvelle religion mondiale, organisé en une structure cybernético-oligarchique, c’est-à-dire en une machine automatique globale servant les intérêts d’un groupe de plus en plus restreint d’individus, affiche une tendance naturelle à l’impérialisme et à l’hégémonie. Capable de distribués ses prébendes et subsides, au travers de différents lobbies, à tous ses agents d’entretien, du plus haut au plus petit de l’échelle sociale, il possède une force de frappe incommensurablement plus grande que tous les pouvoirs jamais établis sur la terre. Il manipule l’opinion par les médias qu’il rémunère, il obtient l’obéissance des peuples par le sophisme politique et les forces militaro-policières à sa botte, il forme les esprits par l’industrie culturelle de masse. Les gouvernants, pour la plupart, sont les instruments volontaires et cyniques de cette machine à déshumaniser et à déraciner.

L’un d’entre eux, parmi les plus cyniques ou stupides, propose maintenant à ses chers compatriotes, pour endiguer la crise mondiale, de faire tomber les tabous qui freinent la compétitivité française. Quels tabous ? Rien moins que l’égalité, la liberté et la fraternité républicaines. Car enfin, est tabou ce qui pour un peuple donné relève du sacré, est sacré ce qui n’est pas profane. Si bien que faire tomber les tabous revient à profaner ce qu’il y a de plus sacré. Et c’est bien ce qu’ose demander ce chef d’Etat à ses concitoyens : profaner les fondements de la République, après s’être efforcé pendant cinq ans de brûler les restes du contrat social gaullien signé pendant l’occupation par les différentes forces politiques en résistance (Charte du Conseil national de la Résistance) établissant les conditions minimales du vivre ensemble par l’instauration d’une protection sociale pour tous et d’un système de retraite pérenne. Faire tomber les tabous qui freinent la compétitivité française, cela veut dire pour nos élites s’aligner sur le moins disant social en Europe et dans le monde et répéter les prières libérales éculées: baisser les salaires et la protection sociale des plus faibles au niveau de ce que réclame la concurrence internationale déloyale. Français, encore un effort pour être chinois ! Vous êtes, sachez-le, trop payés et trop protégés pour pouvoir concurrencer les esclaves salariés des autres pays. Vous coûtez trop cher à l’Etat. Ces messieurs vous veulent à poil ou en costume rayé blanc et noir, compris ? Retroussez vos manches, bande de fainéants, sinon c’est Monsieur le Président lui-même qui vous les retroussera. On ne peut pas faire autrement, c’est Monsieur le banquier mondial qui vous le dit, et il sait de quoi il parle. Faire tomber les tabous qui freinent la compétitivité française, c’est perdre sa souveraineté, donc sa liberté, perdre les acquis de la Résistance, donc l’égalité, et perdre ses valeurs, donc la fraternité. C’est donc fouler aux pieds notre drapeau, notre devise et notre histoire. Maintenant vous savez de quoi Sarkozy est le nom. Hélas! je crains qu'il ne soit pas le seul.

Enième marchandage de notre président avec la chancelière allemande: je te vends les dernières traces d’indépendance françaises et tu me donnes les eurobonds, c’est-à-dire la mutualisation et la monétisation des dettes européennes dont l’Allemagne ne voulait sous aucun prétexte il y a deux mois. Sarkozy vient d’échanger la France contre des bonds du trésor émis par la BCE, avec l’espoir de sauver le système. Après avoir vendu l’or de la France, il vendra la France elle-même et ne sauvera rien du tout. Quant à Merkel, elle a déjà vendu l’Allemagne aux banquiers et aux spéculateurs, ne lui reste qu’à attendre comme les autres leur bon vouloir et donc la catastrophe. Catastrophe dont ce marchandage inattendu ne fait que révéler l’imminence. Merkel s’asseyant sur le non-interventionnisme de la BCE, Sarkozy s’asseyant sur le modèle français, les deux s’asseyant sur la démocratie. 

Adrien Royo
 

mercredi 30 novembre 2011

Il est probable que l’euro ne passe pas l’hiver. Personnellement, je ne le pleurerai pas. J’avais voté non au Traité de Maastricht parce qu’il me semblait que l’on mettait la charrue économique avant les bœufs démocratiques, j’avais voté non au Traité constitutionnel parce qu’il faisait de cette charrue mal placée une charrette à bras pour transporter les moutons à tondre. La charrette fut remplacée au parlement par des wagons à bestiaux appelés Traité de Lisbonne. Au bœuf démocratique, le peuple, on ne demandait l’avis que pour s’assurer qu’il avait bien compris le message oligarchique, qu’il était bien devenu mouton. S’il répondait selon le dogme, on le félicitait avant de le tondre, si, mal conseillé, il s’en écartait, on le tondait quand même après l’avoir morigéné.

Bête comme il est, le peuple a parfois du mal à comprendre qu’on le spolie pour son bien. C’est pourquoi, il faut lui envoyer les technocrates, c’est-à-dire les experts en sophismes, pour lui inculquer la vérité révélée : le mal c’est le bien, le vole c’est le progrès, l’injustice c’est le bonheur. Les technocrates sont les seuls à pouvoir se tromper tout le temps en n’ayant jamais tort. C’est pour cet exploit toujours renouvelé que les oligarques les payent grassement. Pour leur faculté à proférer des insanités sans jamais perdre de leur aplomb et de leur morgue. Populisme est actuellement le mot sésame qu’ils répètent à l’envi comme un mantra pour éloigner le peuple de ses démons : la justice, la vérité et l’espérance. Populisme serait le contraire de démocratie. Mais, si la démocratie réelle (comme on disait socialisme réel du temps de Staline) prouve chaque jour son inversion, il ne faut pas s’étonner que son contraire commence à devenir désirable. Le mot ayant été confisqué et désignant maintenant le contraire de ce qu’il signifiait, peut-être que le contraire de ce qu’il désigne signifie réellement ce qu’il est. Le populiste étant pour le technocrate celui qui écoute le peuple, il avoue ainsi que sa démocratie le méprise. Et en effet la technocratie, qu’elle soit verte, rose ou bleue, est fondée sur l’idée que le peuple ne peut pas savoir ce qui est bon pour lui. Et quand, par-dessus le marché (ou plutôt bien dedans), les ploutocrates la domine, elle est aussi capable de le convaincre qu’il est bon pour lui de mourir de faim.

Adieu, l’euro, donc ! Et vive le peuple !
Adrien Royo
         

lundi 28 novembre 2011

"Moins d'Etat dans les affaires et plus d'affaires dans les Etats" était l'un des slogans de Calvin Coolidge, 30e président des USA. Pionnier de la dérégulation, il mit ses principes du laisser-faire en œuvre 6 ans avant la grande crise de 29. Il fut élu en 1923. Il ne manqua pas d'imitateurs zélés partout dans le monde. Il n'entendait cependant pas les affaires au sens que lui donnent aujourd'hui les escrocs mondialisés.