mardi 9 février 2021

Je décide de nous




« Je »

décide de « nous »


Adrien Royo





Qui je ?


Je suis ET je pense. Je pense, donc "il" est. "Il" est ce "je" qui pense. Mais où suis-je pour penser ce "il-je" ou bien ce "j'il"?


Descartes posait Dieu d'abord. Dieu pense, donc je suis. Voilà la vérité du cartésien. La conscience hors du sujet. C'est l'identité de la conscience et du sujet, paradoxalement, qui crée la séparation. Que "je" soit parce que quelque chose pense à travers "je" est hors de doute, mais de quoi ce "je" est-il le nom ?


"Je" n'était pas si clair pour moi. Dès l'origine ce "je" posa question. "Je" faisait un "nous" en plus. A moins que "nous" ait produit ce "je". "Ils" avaient fait "je", ça c'était sûr. Mes parents, qui formaient la base du "nous". Mais faisaient-ils "je" égal ?


Le "tu" me faisait mal. Il ne jouait pas le "je". Il tuait le "je". Après "tu", "je" l'avait bien cherché. "Il" désert, "je" Robinson. Vendre! dit "il".


"Je-nous" bloqué. Il fallait avancer quand même.




Poïesis : le corps en scansion




Il s'agit du corps, du corps, du corps, du corps... agi.


Corps texte.

Corps à faire/ à défaire.

Corps épris

Corps esprit.

Corps d’état.

Corps machine.

Corps obstacle/ élément/ paradoxe/ étalon.

Corps miroir disposé/ exposé.

Corps mystère.

Corps temple/ éperdu/ effacé.

Corps espace.

Corps temps.

Corps abîme/ dépensé/ dispensé.

Corps simple/ ex-pensé/ digressé/ digressant.

Corps aveugle.


Corps à naître/ évanoui/ existant/ simulé/ constitué/ exagéré/ dissimulé/

Symbolique/ évènement/ diabolique.

Corps à voir/ à savoir.

Corps pur/ impur/ souillé.

Corps fait/ imaginé.

Corps sage/ langage/ bagage/ individuel/ sans individu.

Corps coulé/ écoulé/ avalé/ juridique/ évadé/ égaré/ transmué.

Corps saisi/ dessaisi.


Corpus ex machina.




Il s’agit du corps, du corps, du corps, du corps... agi.


Corps marché/ marchant/ démarchant.

Corps technique/ hypothétique/ prothétique.

Corps social/ monstrueux/ cybernétique.

Corps système/ logiciel.

Corps diffus/ éclaté/ dilaté.

Corps obscur/ négatif/ matériel/ immatériel/ atomique/ subatomique.

Corps sans fil/ relatif/ réifié.

Corps réseau/ du réseau.

Corps échantillon/ mondialisé.

Corps copié/ copié collé/ échantillonné/ téléchargé.

Corps avatar.

Corps mémoire/ mémorisé/ intériorisé/ sublimé.

Corps outil/ instrument/ émergent.


Corpus ex machina.


«Je» n'était pas à l'aise en «nous». Il voulait comprendre.


Il s’agit du corps, du corps, du corps, du corps... agi.


Corps bulle.

Corps promis.

Corps promesse.

Corps projet.

Corps kunique.

Corps cynique.

Corps cimetière.

Corps monnaie.

Corps échange.


Corps valeur.

Corps action.

Corps croissance.

Corps fossile.

Corps interdit/ sans interdits.

Corps pulsion/ affection/ désaffection.

Corps affecté/ désaffecté/ sans affection.

Corps donné/ repris/ volé.

Corps humain/ inhumain/ extra-humain.

Corps virtuel/ inorganique/ électronique.

Corps libéral/ collectif/ libéré/ délibéré/ shivaïque/ extatique/ chimérique/

à venir/ à finir.

Corps à deux.

Corps à trois.

Corps à quatre.

Corps à mille.

Corps à tous.

Corps à moi.


Corpus ex machina.


Il s’agit du corps, du corps, du corps, du corps... agi.


Corps abeille.

Corps des cimes/ décimal.

Corps du mal.

Corps sans corps.

Corps empreinte/ exutoire.

Corps sans trace.

Corps écho/ symphonie

Corps létal.

Corps pour soi.


Corps passion.

Corps en soi.

Corps émoi.

Corps banal.

Corps total.

Corps totalisant.

Corps totalitaire/ asocial/ associé.

Corps inné/ inéluctable.

Corps acquis.

Corps à toi.

Corps à moi.

Corps à nous.

Corps à corps.


Corpus ex machina.




Le je de la marchandise



Mais ce qu'il faut garder à l'esprit, cependant, c'est que l'«il» du «je» est un «je» d'«il» aussi, un jeu de séparation pour explorer la vie, et que le «nous» et le «tu» est un «je» qui revient.


Dans ce jeu de la vie et de la mort, l'extérieur n'est qu'un jouet du moi. Le moi se projette et joue avec lui-même sans le savoir. Il joue à se faire peur, il joue à se faire plaisir, il joue à se faire souffrir, il joue et ne le sait. Il analyse et pense les éléments de son propre jeu, de sa construction. «Il» se cogne à «elle» car «elle» est ré-elle, c'est-à-dire qu'elle est le res(chose) qui revient, dur, centripète. Elle est le temps et l'espace, dans la séparation, du soi immobile et calme qui observe les mouvements du «je» dans le manifesté.


«Je» ne peut pas intervenir dans son propre jeu sans être conscient qu'il joue. S'il croit en son rêve, il y évolue en autre, il nourrit ses avatars comme autres, et perpétue le rêve ou le cauchemar. Il se trouve aliéné, autre en lui, et ne se rejoint pas. Le rêve se durcit en réel. Jamais la chose ne se repose et c'est lui, le «je», qui s'envole en effluves de songe.


L'extérieur se joue de son ori«je»ne. L'origine du «je» quant à elle reste introuvable.


Connais-toi toi-même... Double toi sur le toit du monde. Toi double aussi quand il sort du «je». Jeu avec toi sans discrétion.


Plonge à l'intérieur de toi, tu connaîtras le monde, et tu sauras que le monde est toi. Il te suffira alors de regarder le monde pour connaître «toi». «Je» apparaîtra comme «toi» et «nous» sera comme moi.


Auparavant, j'aimais observer le nous sans moi. Je l'observais du dehors comme un autre lointain. Je le sentais violent, agressif, assidument sournois, pinailleur, incohérent, désinvolte, inconscient, stupide, méchant et lourd. Je voulais le comprendre pour m'en préserver, le transformer pour le mettre en conformité avec son propre idéal. Il était tout sauf moi. Je savais pourtant déjà que j'étais lui. J'étais lui, pensais-je, mais il n'était pas moi. Il m'avait fait ce que j'étais mais je ne l'alimentais pas. Il me domestiquait, mais je n'avais aucune prise sur lui. Il n'y avait pas de moi sans nous, je croyais qu'il pouvait exister un nous sans moi. Comme si le moi pouvait flotter au-dessus du nous longtemps...


Je retombais bientôt du plus haut de ces cîmes brumeuses.


Si le nous était moi, c'était au moi qu'il me fallait revenir. Ou plutôt à ce «je» de dupe dans le grand jeu.


Tant que je laissais le petit «je» se regarder lui-même et observer cet «eux» qui l'entourait selon ses limites, la vie se présentait comme une durée s'étendant sur un axe unique, d'un début vers une fin, avec des entités ontologiquement séparées en interaction, dans un foisonnement vibrionnaire plus ou moins organisé, chacune de ces entités vivantes voyant l'ensemble et soi-même dans un rapport extérieur-intérieur d'intentionnalité. La conscience naît du cerveau, qui lui-même naît par accumulation de cellules en une évolution matérielle à partir de deux cellules originelles réunies par le hasard des rencontres, et cette conscience, qui est toujours conscience de quelque chose, toujours extérieure donc à ce qu'elle est, conscience du temps, de l'espace, des évènements, des autres et de soi-même, mourra avec les cellules qui en sont à l'origine, disparaîtra, tandis qu'une conscience nouvelle la remplacera jusqu'à ce que toute conscience disparaisse enfin et s'éteigne et laisse la place à cette matière universelle, issue d'elle-même, qui la créa par hasard et très momentanément.


La conscience intentionnelle ainsi créée, créant à son tour son histoire, sa réalité, son futur et son être, son devenir sans être plutôt, puisqu'aussi bien rien ne justifie, dans les limites qu'elle s'est elle-même fixées a posteriori, c'est-à-dire après naissance dans le monde qui la crée le créant, une sortie quelconque du périmètre de cette fiction qu'elle appelle réalité. Réalité qui n'est au final que la fiction dernière sur laquelle s'accordent les consciences créantes réunies par création fortuite créée.


Où l'on aboutit à une circularité existentielle créant elle-même les conditions de sa vérité selon des a priori reposant sur la base conditionnelle de sa naissance telle qu'elle se l'imagine. Les outils limités reçus d'emblée devenant mécaniquement notre unique horizon d'outils. Comme un androïde programmé ne sort pas du rapport programmé avec son environnement et lui-même, les humains socialement programmés éprouvent bien des difficultés à s'affranchir d'un rapport programmé avec eux-mêmes, et vivent le récit de leur

invention plutôt que leur réalité profonde.


Et si, par hypothèse, les choses étaient inversées ? Si la conscience créante de son monde était elle-même déjà créée avant sa naissance ? Si la conscience existait avant le cerveau et le corps qui la limitent, qui ne feraient alors que créer une histoire de corps et de cerveaux à la convenance des corps et des cerveaux ? Une sorte d'illusion à l'usage des corps et des cerveaux ayant pour but de conserver corps et cerveaux.


Faudrait-il alors réécrire les Méditations Métaphysiques de Descartes ? Peut-être pas si le Dieu exclu était remis à sa place et compris comme Conscience. Il faudrait juste rétablir le cogito comme suit : « Elle (la Conscience) pense, donc je suis ».


Et alors, bien entendu, il ne s'agirait plus de transformer l'illusion pour la mettre en conformité avec la volonté de l'illusionniste, mais de transformer l'illusionniste lui-même en créateur pour qu'il se crée lui-même à partir de la conscience d'illusionniste se connaissant comme telle.


L'illusionniste que je suis fabrique son monde et se fabrique lui-même dans son monde. Mais il ne peut le faire que parce que la Conscience vivante et créatrice le précède. C'est donc la Conscience qui fabrique à travers moi. Elle se joue d'elle-même et se propose un spectacle de sa création. Comme si elle avait besoin de mes yeux pour se voir. Sauf que mes yeux ne la voient pas directement et qu'ils se perdent d'abord dans l'illusion nécessaire, dans le spectacle qu'ils projettent. Car les yeux ne reçoivent pas d'images, ils les projettent. Comme l'image n'est pas dans le projecteur mais dans la pellicule ou le disque dur, l'image n'est pas dans les yeux mais dans le cerveau qui la sculpte. Et encore ne s'agit-il peut-être même pas d'une image, mais d'un amas d'informations lumineuses ressaisies par la Conscience qui les organise à l'aide d'un cerveau. Quel abîme !


Quoi qu'il en soit, le monde est comme il est parce que je me le représente ainsi. Et je me le représente ainsi parce que je le veux. Ou plutôt parce que je ne veux pas vouloir autrement qu'en «je». Ce n'est qu'en me replaçant dans le grand jeu du soi que «je» peut vouloir autre chose que sa peur et choisir qu'il en soit selon Sa volonté et non la sienne. Si je renonce à «je», je gagne le créateur du «je» et du «nous», qui est moi-même non-limité par mes peurs. «je» alors n'est plus impuissant face à l'autre qui n'était pas lui, il peut créer de nouveaux rapports, sur la base d'un rapport premier intrinsèque, où la peur diminue et l'amour augmente.


Le simple nécessaire, dans cette aventure nouvelle ou plus rien d'une certaine manière n'est autre absolument, s'appelle acceptation et gratitude.


Les choses sont ainsi parce que je les veux telles. Ce qui signifie qu'elles peuvent prendre une autre forme si je le décide en moi.


Ce qui aboutit à une série de paradoxes :


1- L'extérieur ne change que si je l'accepte d'abord comme il est.

2- Je ne suis totalement créateur et puissant que lorsque j'abandonne mes velléités créatrices particulières.

3- Je ne suis pleinement libre que lorsque je me soumets à la Conscience.

4- Je ne suis révolutionnaire que lorsque j'opère cette révolution intérieure qui consiste à me soumettre.

5- Je ne gagne que lorsque j'accepte de tout abandonner.


C'est en ce sens que les premiers sont déjà les derniers.


Il y a quelques siècles, la Marchandise a allumé la mèche du monde (de son monde, construction mentale en forme de machine globale, de système intégré). Puis Elle a prospéré, créant un monde à Son image. Elle nous a offert le confort matériel et l'illusion d'échapper aux lois naturelles de la maladie, de la souffrance et de la mort. Elle était la matérialisation, l'actualisation, de notre désir de survie et donc la forme extériorisée de nos peurs. Le techno-logos nous aiderait à surmonter notre faiblesse native et les prothèses technologiques remplaceraient avantageusement nos moyens biologiques. Aujourd'hui, la Marchandise est arrivée au faîte de son monde, Elle n'a plus besoin de l'homme, de l'homme total du moins. Elle n'a plus besoin, pour piloter Son monde, que d'un ersatz d'individu limité à son rôle de consommateur et de pilote adjoint de la machine. Elle n'a plus besoin que d'hommes-instruments, de moyens pour sa fin. Pour nous protéger de la vie, nous avons choisi de créer, projeter, un monstre collectif dévorant ses enfants créateurs. Nous avons donc choisi de nous dévorer nous-mêmes. Mais là encore il ne s'agit que d'une cascade de représentations individuelles formant un égrégore. S'il en était autrement, aucun espoir ne serait plus permis pour quiconque aurait vu le monstre de trop près. Son fonctionnement de machine auto-alimentée, et sa finalité d'accumulation impossible, ne laissant pas de doute sur la profondeur de l'abîme auquel elle conduit.


Pour catastrophique qu'il soit, le film n'en reste pas moins un film, une projection du moi apeuré. Paradoxalement plus apeuré encore depuis qu'il connaît les moyens mécaniques de l'apaisement. Sachant bien, au fond, que tous ces moyens ne sont qu'un leurre.


Esclave de lui-même et de ses limites supposées, esclave de ses croyances, il ne reste à l'homme technique que la surenchère technicienne d'auto-coercition. Mais s'en libérer est facile, il suffit de ne plus croire.


Dans le mouvement général d'automutilation, l'oeil de la conscience se pose encore sur nous.




L'oeil était dans la tombe



Le poème d'Hugo résonne encore dans notre caverne d'images.


Caïn, personnage de la Bible, fils d'Adam et Eve, tue son frère Abel et se voit exilé par Dieu. L'oeil du remord le poursuit en tout lieu. Il ne peut échapper à sa conscience.


« Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
Au bas d'une montagne en une grande plaine ;
Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine
Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
« Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir sinistre dans l'espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
« Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »
Et, comme il s'asseyait, il vit dans les cieux mornes
L'oeil à la même place au fond de l'horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
« Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l'aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
Sous des tentes de poil dans le désert profond :
« Etends de ce côté la toile de la tente. »
Et l'on développa la muraille flottante ;
Et, quand on l'eut fixée avec des poids de plomb :
« Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l'enfant blond,
La fille de ses Fils, douce comme l'aurore ;
Et Caïn répondit : « je vois cet oeil encore ! »
Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
Cria : « je saurai bien construire une barrière. »
Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours! »
Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible, que rien ne puisse approcher d'elle.
Bâtissons une ville avec sa citadelle,
Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »
Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
Construisit une ville énorme et surhumaine.
Pendant qu'il travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth ;
Et l'on crevait les yeux à quiconque passait ;
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,
Et la ville semblait une ville d'enfer ;
L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
Ils donnèrent aux murs l'épaisseur des montagnes ;
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l'aïeul au centre en une tour de pierre ;
Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !
L'oeil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit : " Non, il est toujours là. »
Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
On fit donc une fosse, et Caïn dit « C'est bien ! »
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn. »


Nous sommes tous, symboliquement, descendants de Caïn. Mais saurons-nous rester dans la lumière pour affronter l'aurore ?





« Connais-toi toi-même... »




Connais cet œil qui te regarde sans te juger, connais-le vraiment, sens-le en toi, sur toi, par toi. Toi en moi par lui, et moi en toi aussi. Oeil qui te confirme que tu n'es pas seul, que tu ne le seras jamais, quoi que tu fasses. Oeil que tu vois comme œil et qui est aussi oreille et bouche et mains et tout toi en lui. Et pas que...

Parce que...

Par ce que...

Par cela qui est...

Par ce La qui est...

Part ! cela qui hait...

Et que revienne celui qui est Me...

Qui est moi...

Qui aime...

par...

Dis...

Le...

La...

Qui aime...

Par...

Ce...

Cœur.


...et tu connaîtras l'univers et les dieux. »





Et le corps du je




Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous
merciz.
Vous nous voyez ci attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça
dévorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie:
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!


Naissance in-mercatus.

Rétro-naissance.

Rétroversion.

Vivre et laisser naître.

Mouvement imaginaire.

Sens interdit.

Nous invisible et pourtant hégémonique.

Je partout, et moi nulle part.

Ou bien l’inverse.

Obscur en moi sans nous.

Mobilisation générale.

L’espace de la marchandise est courbe.

La marchandise me pense donc je suis la marchandise.


Après ta dernière mort, tu renaîtras machine.

Peaux liées par la peau invisible.

Je-tu-il-nous.

Inconscients collectivisés.

Souterrain mythologique sans mythologie.

Crypto-mythologie.

Mythologie ex-machina.

Dévotion de chaque instant, sans croyance.

Ou bien croyance en l’absence de croyance.

Religion de pratiquants sans foi.

Naissance d’un nouveau soleil.

Trou noir déjà.

La lumière cessant à sa frontière gravitationnelle, tout près de son sol.

Le ciel s’abattit sans bruit sur la terre. Resta le feu dernier de ses étoiles mortes.


Et la machine s’émancipa.

Son règne parmi nous.

Et la forme du nous était la machine même.

Corps social-maison.

Économie.

Liberté, égalité, fraternité, progrès.

Corps magnifique se détachant sur l’horizon.

Corps sur un cheval, galopant vers l’ouest.

Débris du corps dans la tranchée.

Travail, famille, patrie.

Esprit dans sa coquille.

Suspendu à l’abîme sans fond.

Regardant le monde par hublot.

Connaissez-vous vous-mêmes!

Et l’esprit-corps se heurtant à la pierre de son inconcevable.

En son [fort] intérieur, sa mesure.

Vrai, beau, bon.

Et le corps du je danse au théâtre.

Exhibition.

Seul face à Elle.

Cérémonie du libre-échange.

Au rendez-vous des solitudes.


Et l’autre, aux mille bras, coincé dans ses interactions.

Fasciné par l’écran qu’il prend pour son miroir.

Ne voyant que lui toujours en lui.

N’ayant appris que lui jamais.

Pas autrement.

Son ego satisfait de se voir si entier.

Photographiable.

À l’image du père.

Père-Projecteur.

Marchandise-Père.

Op[è]rable.

LE Marchandise.

Pourquoi pas ?

Les images peuplant les rues.

Image de soi devenue soi.

Et la chair n’est plus triste puisqu’elle n’est plus.

Et la chair n’est plus rien.

Et moins elle existe comme séparée, plus elle doit se revendiquer comme solitude.

Intensification du fantôme.

Collectivisme libéral par réduction du champ d’individu.

Sous microscope idéologique, un isolat.

Égalité devant le monstre.

Fraternité à son service.

Liberté dans sa mesure à lui.

Croissance pour la croissance.

Marchandise pour elle-même.

Toute énergie sociale dirigée vers son centre.

Big bang économique.

L’individu s’éloignant de lui-même à la vitesse de la lumière.

Au commencement même de sa création.

Intervalle entropique.

La masse par la vitesse des échanges au carré.

Silence.

Capit[u]lisme.

Adaptation.

Tempo des choses.

En rangs serrés.

Plus de bourgeois.

La prolétarisation du monde est accomplie.


Le bourgeois, en tant qu’être-pour-la-marchandise, était prédestiné au sacrifice.

Être-pour-la-marchandise s’appelle maintenant tout individu.

Dictature du prolétariat.

Société sans classes.

Involution.

Réinvolution finale.

Bourgeois prolétaire.

Prolétaire bourgeois.

Serviteur.

Exilé volontaire dans sa propre maison.

Quasi-individu.

Quasi-néant.

Dans la fraternité obligatoire des richesses misérables.

Crevant à lui-même dans le confort de son image.

Et le riche plus que le pauvre.

Le premier, déjà le dernier.

Ici et maintenant.

Tous les derniers, main dans la main.

Ronde sévère.


Le libéralisme est un collectivisme,

Et le mouvement du capital un nihilisme.

Pratique de la machine aveugle au destin de machine.

Monstre gravitationnel au carrefour des chemins.

Serrant les dents sur l’ombre.

Étourdissant tapage.

Volière en émoi.

Et [moi] qui panique.

Homme de peu.

À genoux, fidèles!

De peu de foi.

Liturgie des valeurs.

Prières jetables.

À quoi sert le dimanche de hanter les églises?

Puisque tout le monde sait que la messe est ailleurs.

Partout ailleurs.

Là où elle n’est pas.


Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
Vous nous voyez ci attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça dévorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie:
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!


Novembre 2020

















 

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