mardi 14 juillet 2015

Honte à l'Europe!

Donc, il y eut accord cette nuit entre le gouvernement grec et les autres gouvernements de la zone euro. Accord à l'unanimité qui plus est. Un bon accord nous dit même François Hollande, relayé ce matin sur la radio nationale par son premier ministre. Un accord qui permet à la Grèce de rester dans la zone euro. A quel prix? Oh! Pas grand chose: la perte complète de sa souveraineté, le démantèlement du pays, l'humiliation, la pauvreté, la colère prochaine, le nationalisme revigoré (seul exutoire désormais), la dette (car les mesures proposées ne font que prolonger, en les amplifiant, celles qui avaient déjà échoué précédemment), la tutelle et l'esclavage.

Ces négociations post-référendum, qui ressemblent fort à une demande de reddition, auront appris à ceux qui l'ignoraient les règles du Monopoly européiste: la loi de la jungle déguisée en démocratie d'opinion. Chacun poursuit ses intérêts propres au nom des intérêts supérieurs de l'Europe en présentant l'inverse aux électeurs crédules: la poursuite des intérêts européens au nom des intérêts supérieurs de la nation. Il n'y a plus en réalité ni Europe ni nations, mais un no man's land où seul règne l'intérêt supérieur de la Valeur s'autovalorisant, c'est-à-dire, en cette époque terminale du prolétarisme, l'intérêt supérieur du capital fictif sous forme de monnaie scripturale, autrement dit la Banque. De souverain ici, il n'y a plus que la dette.

Va-t-on enfin comprendre que la construction européenne n'est qu'une vaste entreprise de destruction de ce qui bon an mal an servait de cadre légal et démocratique à une communauté de valeurs et d'intérêts: les États? Qu'elle sert à désarmer les peuples face à la puissance des Attilas technologico-marchands. Que les États en question aient eu leurs heures noires, qu'ils ne soient pas la panacée, ne doit pas empêcher de regarder cette nouvelle vérité en face. D'ailleurs il ne s'agit pas de supprimer les États, mais d'en créer un plus grand, un méga-État sans nation, par fusion des États historiques réputés dépassés. Seulement les États ne se managent pas comme des entreprises, du moins le peuple d'une nation, dans sa diversité, ne peut se gérer comme les ressources humaines d'une multinationales. On peut effectivement fusionner des technologies, des infrastructures, des banques, des portefeuilles d'actions, des sites industriels; il est beaucoup plus difficile de fusionner des monnaies, et plus encore des communautés, avec leurs codes forgés au cours des siècles, leurs langues, leurs valeurs, leurs coutumes et leurs mythologies. Et dans ces peuples divers, il y a une catégorie de citoyens moins prêts que les autres à fusionner: ce sont les pauvres, les plus nombreux, ceux qui n'ont de protection dans ce monde que les lois mal fagotées de leur État. Si vous avez un patrimoine, peut vous importe qu'il se loge sous la bannière bleue ou rouge, du moment que cette bannière garantit la propriété privée et protège les biens. Mais si vous n'avez rien, qui d'autre peut encore s'interposer entre le marché sauvage et vous, sinon l'État ? Fausse protection bien sûr, mais l'imaginaire collectif est ainsi fait. C'est ce qui explique le succès actuel des différents nationalismes, et la réponse préventive des fossoyeurs intéressés des nations qui brandissent les mots populisme ou fascisme comme des armes. Le fascisme, s'il n'est pas déjà là, ce sont eux qui le réinventent. Quand la pression augmente sur les épaules des petits et des fragiles, un seul recours: la protection de leur État, celui qu'ils pensent avoir construit à la force de leur poignets et à la sueur de leurs fronts. Et si l'État les trahit, ne reste que le super État, parfois résumé en une seule personne en laquelle ils placent leur confiance. Et si l'affaire tourne au cauchemar, ce seront eux, les petits, les sans-grades qui seront cloués au pilori pour avoir mal voté. Personne ne se souviendra qu'on leur avait seulement proposé de choisir entre la peste et le choléra en les harcelant de toute part. Et ce « on », qui est-il donc? Les puissants irresponsables jamais poursuivis.

La Grèce aujourd'hui sert de laboratoire. Elle permet aux maîtres du monde de la valeur de calculer à petite échelle le degré de soumission et de résistance des populations. Il s'agit d'un crash-test grandeur nature. On menace, on fait chanter, et quand le petit se révolte, on tire plus fort sur la laisse. Mais c'est toujours pour son bien, un bien qu'il ne semble pas connaître lui-même puisqu'il regimbe. Ou bien on fait diversion grâce à elle. On s'attaque à la Grèce pour faire oublier le véritable objectif qui est ailleurs. Lequel? L'ancien ministre Varoufakis semble en avoir une idée lorsqu'il dit que le médecin allemand: l'infaillible, l'incorruptible, l'exemplaire, voulait faire peur à la France en sortant la Grèce de la zone euro (Schaüble lui-même lui aurait glisser à l'oreille).

Comment aller plus loin dans le mépris que lors de cette pitoyable comédie de la semaine dernière et du faux épilogue de cette nuit? Solidaires dites-vous? Qui est solidaire? L'Allemagne? Certes non! La France? Encore moins! Au bénéfice de qui l'Europe existe-t-elle? De tous, vraiment? Ne serait-elle pas plutôt le faux-né d'une sorte de néo-impérialisme? La guerre continuée avec d'autres moyens. Aujourd'hui, l'arme financière, avec la dette en particulier, vous écrase un pays mieux que les Panzers allemands ou les bombardiers US de Nagasaki. Avec l'avantage qu'elle passe pour humanitaire et démocratique. C'est la guerre propre par excellence. Pas de bruit autre que les manifestations qu'on organise contre elle. Des morts en pagaille, mais silencieux et isolés. Et les coups les plus rudes venant toujours de son propre camp.

L'Europe unie? Laissez-moi rire. On s'entre-espionne, on se fait la guerre commerciale par procuration ou directement, on se dumpingise, on s'endettise, etc. On pourrait se dire alors que ce sont justement les vestiges des différents nationalismes qui gênent le bel ordonnancement artificiel. C'est la tarte à la crème de nos médiatiques. On n'entend que ça. Ce n'est pas vrai. Cette belle architecture chaotique et branlante est la forme même de l'avenir tel que voulu par la machine globale, la matrice prolétariste. Il n'y a pas d'autre mieux à attendre que celui qui se lit dans les plans sur la comète des docteurs Folamour qui nous gouvernent; sur les livres d'images sonores pour enfants attardés qu'ils nous servent à toute heure, et notamment à l'heure des informations à la télé ou ailleurs.

La bulle de la dette souveraine gonfle de jour en jour partout dans le monde et de cette bulle à la croissance exponentielle naîtrait le bonheur et la prospérité? Allons donc! A quel imbécile veut-on faire croire une chose aussi absurde? Nous sommes des post-galiléens tout de même, des post newtoniens, descartiens, voltairiens; nous sommes des positivistes, réalistes, lumièristes, pragmatistes, on nous ne la fait plus. Nous avons appris à penser par nous-mêmes, nous avons vaincu les églises, les idéologies et les obscurantismes. Nous sommes la science! Comment croirions-nous que d'une bulle hyperbolique puisse sortir le vrai, le beau et le bien? Et pourtant tout le discours économico-politique de nos experts en néant repose sur cette absurde prémisse. Retirez la prémisse et le discours de l'expert, dont la cravate seule garantit son savoir, s'écroule comme un château de carte. Il n'est plus rien, il est nu et plus ignorant qu'à son premier jour sur la terre.

La Grèce ne sort pas de la zone euro! La belle affaire! Sa dette croîtra cependant et son esclavage avec. Que cherche-t-on à sauver réellement? Pas la Grèce en tout cas. Ni les européens. Du moins pas tous. On cherche à sauver les restes calcinés de l'idée européenne abstraite. On cherche à escamoter les résultats désastreux d'une expérience de laboratoire à l'échelle d'un continent, menée par des apprentis sorciers croyant eux aussi à l'homme nouveau fabriqué en série sur les chaînes de montages de la république universelle. Pour notre bien, toujours!

Qu'ils ne s'impatientent pas ces expérimentateurs philanthropes, les renforts arrivent, montés sur les chars transhumanistes. Ne vous inquiétez pas, on les fabriquera ces humains idéals! Et l'Europe deviendra inutile. Nous aurons affaire à des humains (ou des cyborgs) universels. International sera alors vraiment le genre humain. Les blouses blanches auront gagné. Sauf si la bulle éclate avant que leurs recherches n'aboutissent. Auquel cas, il faudra penser à reconstruire... Sans les blouses blanches aux commandes.

Adrien Royo

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