Corpus
ex Machina
Concertférence
Adrien
Royo
(Kunique
System Incorporated)
Introduction
Il
y a plusieurs manières d’appréhender l’adresse individuelle à
un public. J'ai choisi pour ma part le chœur à chœur. Chœur avec
un h. Une sorte d’auto-spectacle.
Considérant
que je suis moi-même le spectacle, non pas parce que je me présente
ici devant vous, mais parce que je participe comme vous tous d’un
monde qui est intégralement spectacle, je ne peux que me laisser
glisser dans vos regards pour essayer de me connaître, tandis que
vous vous connaîtrez peut-être vous-mêmes en vous glissant dans le
mien.
Car
ce n’est pas, contrairement à ce qu’il croit, de l’intérieur
de lui-même que l’individu s’exprime, du moins sous la forme que
l’on donne généralement à cet intérieur, mais depuis la matrice
invisible d’un corps social (et aussi plus que social) dont il
n’est qu’un moment. Son discours ressemblera donc toujours
davantage à l’écume verbale d’un océan supra individuel, qu’à
une élaboration consciente à partir d’un simple héritage
culturel.
Ce
que je veux dire, c’est que je me fais, ici et maintenant, le
porte-voix d’un chœur d’objets avant de me vouloir explorateur
d’un corps objet. Et je me fais porte-voix parce que je crois qu’il
n’y pas d’autre choix pour un être humain réellement conscient
que de laisser parler ce qui le traverse de part en part.
Ce
n’est pas de la modestie, c’est la simple expression d’un
réalisme conséquent. Je suis toujours parlé en même temps que je
parle. Nous sommes les enfants d’un texte, dirait Pierre Legendre.
Nous sommes les enfants de la Technique, dirait Jacques Ellul. Nous
sommes les enfants de la Valeur, dirait Karl Marx.
Le
monde n’est pas seulement hors de moi, il est moi aussi. Pour en
exprimer la forme possible, je n’ai donc pas à chercher plus loin
qu’au bout de mon nez, au bout de ma langue, au bout de mes doigts,
dans mon activité réelle et celle de mes voisins immédiats. Un
regard sincère sur nos actes quotidiens devrait suffire à en
éclairer l’architecture.
Alors,
commençons par un portrait, le portrait de l’homme moderne, de
l'homme industriel, mon portrait et le vôtre par la même occasion,
dessiné par un artiste de la révolte au milieu du XXe siècle: Guy
Debord. Celui-là même qui fit paraître en 1967 « La Société du
Spectacle ».
Plaçons-nous
dans la situation. Nous voici dans une salle de cinéma. Un film
commence, les lumières s’éteignent. Le titre apparaît : In
girum imus nocte et consumimur igni. C’est un palindrome : une phrase qui se lit à l’endroit et à
l’envers de la même manière, lettre après lettre. Une phrase
circulaire, une phrase qui tourne en rond. Traduite en
français, cela donne d'ailleurs : nous tournons en rond dans la
nuit et nous sommes consumés par le feu… Nous tournons en rond
dans la nuit et nous sommes consumés par le feu…
Voix
off :
[« Je
ne ferai dans ce film aucune concession au public. Plusieurs
excellentes raisons justifient, à mes yeux, une telle conduite ;
et je vais les dire. Tout d’abord, il est assez notoire que je n’ai
nulle part fait de concession aux idées dominantes de mon époque,
ni à aucun des pouvoirs existants. Par ailleurs, quelle que soit
l’époque, rien d’important ne s’est communiqué en ménageant
un public, fût-il composé des contemporains de Périclès ;
et, dans le miroir glacé de l’écran, les spectateurs ne voient
présentement rien qui évoque les citoyens respectables d’une
démocratie. Voilà bien l’essentiel : ce public, si
parfaitement privé de liberté, et qui a tout supporté, mérite
moins que tout autre d’être ménagé. Les manipulateurs de la
publicité, avec le cynisme traditionnel de ceux qui savent que les
gens sont portés à justifier les affronts dont ils ne vengent pas,
lui annoncent aujourd’hui tranquillement que « quand on aime
la vie, on va au cinéma ». Mais cette vie et ce cinéma sont
également peu de chose ; et c’est par là qu’ils sont
effectivement échangeables avec indifférence. Le public du cinéma,
qui n’a jamais été très bourgeois et qui n’est presque plus
populaire, est désormais presque entièrement recruté dans une
seule couche sociale, du reste devenue large : celle des petits
agents spécialisés dans les divers emplois de ces « services »
dont le système a si impérieusement besoin : gestion,
contrôle, entretien, recherche, enseignement, propagande, amusement,
et pseudo-critique. C’est là suffisamment dire ce qu’ils sont.
Il faut compter aussi, bien sûr, dans ce public qui va encore au
cinéma, la même espèce quand, plus jeune, elle n’en est qu’au
stade d’un apprentissage sommaire de ces diverses tâches
d’encadrement. Au réalisme et aux accomplissements de ce fameux
système, on peut déjà connaître les capacités personnelles des
exécutants qu’il a formés. Et, en effet, ceux-ci se trompent sur
tout, et ne peuvent que déraisonner sur des mensonges. Ce sont des
salariés pauvres qui se croient des propriétaires, des ignorants
mystifiés qui se croient instruits, et des morts qui croient
voter. »]
[« De
progrès en promotion, ils ont perdu le peu qu’ils avaient, et
gagné ce dont personne ne voulait.
Ils
collectionnent les misères et les humiliations de tous les systèmes
d’exploitation du passé. Ils n’en ignorent que la révolte.
Ils
ressemblent beaucoup aux esclaves, parce qu’ils sont parqués en
masse, et à l’étroit, dans de mauvaises bâtisses malsaines et
lugubres.
Mal
nourris d’une alimentation polluée et sans goût.
Mal
soignés dans leurs maladies toujours renouvelées.
Continuellement
et mesquinement surveillés.
Entretenus
dans l’analphabétisme modernisé et les superstitions
spectaculaires qui correspondent aux intérêts de leurs maîtres.
Ils
sont transplantés loin de leurs provinces ou de leurs quartiers,
dans un paysage nouveau et hostile, suivant les convenances
concentrationnaires de l’industrie présente.
Ils
ne sont que des chiffres dans des graphiques que dressent des
imbéciles. Ils meurent par série sur les routes.
A
chaque épidémie de grippe…
A
chaque vague de chaleur…
A
chaque erreur de ceux qui falsifient leurs aliments…
A
chaque innovation technique profitable aux multiples entrepreneurs
d’un décor dont ils essuient les plâtres.
Leurs
éprouvantes conditions d’existence entraînent leur dégénérescence
physique, intellectuelle, mentale.
On
leur parle toujours comme à des enfants obéissants, à qui il
suffit de dire : « il faut … »
Et
ils veulent bien le croire.
Mais
surtout, on les traite comme des enfants stupides, devant qui
bafouillent et délirent des dizaines de spécialisations
paternalistes…
Improvisées
de la veille.
Leur
faisant admettre n’importe quoi en le leur disant n’importe
comment…
Et
aussi bien le contraire le lendemain.
Séparés
entre eux par la perte générale de tout langage adéquat aux faits…
Perte
qui leur interdit le moindre dialogue…
Séparés
par leur incessante concurrence…
Toujours
pressés par le fouet…
Dans
la consommation ostentatoire du néant…
Et
donc séparés par l’envie la moins fondée et la moins capable de
trouver quelque satisfaction…
On
leur enlève, en bas âge, le contrôle de ces enfants…
Déjà
leurs rivaux…
Qui
n’écoutent plus du tout les opinions informes de leurs parents…
Et
sourient de leur échec flagrant…
Méprisent,
non sans raisons, leur origine, et se sentent bien davantage les fils
du spectacle régnant que ceux de ses domestiques qui les ont par
hasard engendrés.
Ils
se rêvent les métis de ces nègres là. Derrière la façade du
ravissement simulé, dans ces couples comme entre eux et leur
progéniture, on n’échange que des regards de haine.
Cependant,
ces travailleurs privilégiés de la société marchande accomplie ne
ressemblent pas aux esclaves en ce sens qu’ils doivent pourvoir
eux-mêmes à leur entretien. Leur statut peut être plutôt comparé
au servage, parce qu’ils sont exclusivement attachés à une
entreprise et à sa bonne marche, quoique sans réciprocité en leur
faveur ; et surtout parce qu’ils sont étroitement astreints à
résider dans un espace unique : le même circuit des domiciles,
bureaux, autoroutes, vacances et aéroports toujours identiques.
Mais
ils ressemblent aussi aux prolétaires modernes par l’insécurité
de leurs ressources, qui est en contradiction avec la routine
programmée de leurs dépenses. Il leur faut acheter des
marchandises, et l’on a fait en sorte qu’ils ne puissent garder
de contact avec rien qui ne soit une marchandise.
Où
pourtant, leur situation économique s’apparente plus précisément
au système particulier du « péonage », c’est en ceci
que, cet argent autour duquel tourne toute leur activité, on ne leur
en laisse même pas le maniement momentané. Ils ne peuvent que le
dépenser, le recevant en trop petite quantité pour l’accumuler.
Ils se voient obligés de consommer à crédit ; et l’on
retient sur leur salaire le crédit qui leur est consenti, dont ils
auront à se libérer en travaillant encore. Comme toute
l’organisation de la distribution des biens est liée à celle de
la production et de l’Etat, on rogne sans gêne sur leurs rations,
de nourriture comme d’espace, en quantité et en qualité. Quoique
restant formellement des travailleurs et des consommateurs libres,
ils ne peuvent s’adresser ailleurs, car c’est partout que l’on
se moque d’eux. Ceux qui n’ont jamais eu de proie, l’on lâchée
pour l’ombre.
Le
caractère illusoire des richesses que prétend distribuer la société
actuelle, s’il n’avait pas été reconnu en toutes les autres
matières, serait suffisamment démontré par cette seule observation
que c’est la première fois qu’un système de tyrannie entretient
aussi mal ses familiers, ses experts, ses bouffons. Serviteurs
surmenés du vide, le vide les gratifie en monnaie à son effigie.
Autrement
dit, c’est la première fois que des pauvres croient faire partie
d’une élite économique, malgré l’évidence contraire. Non
seulement ils travaillent, ces malheureux spectateurs, mais personne
ne travaille pour eux…
Et
moins que personne les gens qu’ils payent : car leurs
fournisseurs mêmes se considèrent plutôt comme leurs
contremaîtres, jugeant s’ils sont venus assez vaillamment au
ramassage des ersatz qu’ils ont le devoir d’acheter. Rien ne
saurait cacher l’usure véloce qui est intégrée, dès la source,
non seulement pour chaque objet matériel, mais jusque sur le plan
juridique, dans leurs rares propriétés. De même qu’ils n’ont
pas reçu d’héritages, ils n’en laisseront pas. »]
Fin
de la voix off.
(Réf. musicales en passant): Missa brevis –
J.S.Bach (BWV 233) ; Different trains - Steve Reich; Bugge
Wesselstof, Red Snaper, Magma.
I
« Eternels passagers de
nous-mêmes, il n’est pas d’autre paysage que ce que nous sommes.
Nous ne possédons rien, car nous ne nous possédons pas nous-mêmes.
Nous n’avons rien parce que nous ne sommes rien. Quelles mains
pourrais-je tendre, et vers quel univers ? Car l’univers n’est
pas à moi : c’est moi qui suis l’univers. »
Il
s’agit du corps, du corps, du corps, du corps agi.
Il
s’agit du corps, du corps, du corps, du corps agi.
Il
s'agit du corps... agi.
Corps
texte.
Corps
à faire/ à défaire.
Corps
épris
Corps
esprit.
Corps
d’état.
Corps
machine.
Corps
obstacle/ élément/ paradoxe/ étalon.
Corps
miroir/ disposé/ exposé.
Corps
mystère.
Corps
temple/ éperdu/ effacé.
Corps
espace.
Corps
temps.
Corps
abîme/ dépensé/ dispensé.
Corps
simple/ ex-pensé/ digressé/ digressant.
Corps
aveugle.
Corps
à naître/ évanoui/ existant/ simulé/ constitué/ exagéré/
dissimulé/
Symbolique/ évènement/ diabolique.
Corps
à voir/ à savoir.
Corps
pur/ impur/ souillé.
Corps
fait/ imaginé.
Corps
sage/ langage/ bagage/ individuel/ sans individu.
Corps
coulé/ écoulé/ avalé/ juridique/ évadé/ égaré/ transmué.
Corps
saisi/ dessaisi.
Corpus
ex machina.
Il
s’agit du corps, du corps, du corps, du corps agi.
Il
s’agit du corps, du corps, du corps, du corps agi.
Il
s'agit du corps... agi.
Corps
marché/ marchant/ démarchant.
Corps
technique/ hypothétique/ prothétique.
Corps
social/ monstrueux/ cybernétique.
Corps
système/ logiciel.
Corps
diffus/ éclaté/ dilaté.
Corps
obscur/ négatif/ matériel/ immatériel/ atomique/ subatomique.
Corps
sans fil/ relatif/ réifié.
Corps
réseau/ du réseau.
Corps
échantillon/ mondialisé.
Corps
copié/ copié collé/ échantillonné/ téléchargé.
Corps
avatar.
Corps
mémoire/ mémorisé/ intériorisé/ sublimé.
Corps
outil/ instrument/ émergent.
Corpus
ex machina.
Corps
bulle.
Corps
promis.
Corps
promesse.
Corps
projet.
Corps
kunique.
Corps
cynique.
Corps
cimetière.
Corps
monnaie.
Corps
échange.
Corps
valeur.
Corps
action.
Corps
croissance.
Corps
fossile.
Corps
interdit/ sans interdits.
Corps
pulsion/ affection/ désaffection.
Corps
affecté/ désaffecté/ sans affection.
Corps
donné/ repris/ volé.
Corps
humain/ inhumain/ extra-humain.
Corps
virtuel/ inorganique/ électronique.
Corps
libéral/ collectif/ libéré/ délibéré/ shivaïque/ extatique/
chimérique/
à venir/ à finir.
Corps
à deux.
Corps
à trois.
Corps
à quatre.
Corps
à mille.
Corps
à tous.
Corps
à moi.
Corps
peste.
Corpus
ex machina.
Il
s’agit du corps, du corps, du corps, du corps agi.
Il
s’agit du corps, du corps, du corps, du corps agi.
Il
s'agit du corps... agi.
Corps
abeille.
Corps
des cimes/ décimal.
Corps
du mal.
Corps
sans corps.
Corps
empreinte/ exutoire.
Corps
sans trace.
Corps
écho/ symphonie
Corps
létal.
Corps
pour soi.
Corps
passion.
Corps
en soi.
Corps
émoi.
Corps
banal.
Corps
total.
Corps
totalisant.
Corps
totalitaire/ asocial/ associé.
Corps
inné/ inéluctable.
Corps
acquis.
Corps
à toi.
Corps
à moi.
Corps
à nous.
Corps
à corps.
Corps
peste.
Corpus
ex machina.
II
L’extension
prothétique de l’homme, ce que j’appelle son corps social :
l’ensemble des machines collectives, symboliques ou réelles,
interconnectées en une hypermachine autosuffisante, hypertrophiée
désormais, déstabilise aujourd'hui le soma primordial constitué
d’un corps individuel, d’un corps social et d’un corps
cosmique; trois corps séparés ne faisant qu’un. L’immunologie
sociale gagnant sur l’individuelle au fil de l’évolution, un
équilibre fragile est rompu et la naissance de l’individu, qui n’a
encore jamais existé en tant que conscience trinitaire, se trouve
entravée. Or, cette naissance identifiant le projet humain, c’est
l’humanité elle-même, comme promesse, qui disparaît devant cet
obstacle.
Il
paraît qu’à la fin de sa vie, Pasteur, désabusé, donna
finalement raison à Claude Bernard, son rival de toujours : le
microbe n’est rien, dit-il, le milieu est tout. Manière de dire
que c’est l’adaptation immunologique à un milieu qui fait la
santé.
Ceci
nous aide à mieux comprendre la relation nécessaire entre corps
individuel et corps social. Si le corps social ne compose pas
correctement avec les corps individuels dont il est fait, et dont
l’adaptation immunologique demande un temps incomparablement plus
long que son évolution technologique à lui, alors ce que nous
pourrions appeler l'hypermaladie survient, et la médecine
industrielle, avec les instruments du corps social, s’engage dans
une fuite en avant désespérée pour combler un fossé qui ne cesse
de s’élargir du fait même de ces instruments. Il n’y a déjà
plus pour elle d’autre alternative que d'adapter toujours mieux les
individus au corps prothétique en expansion. Les corps individuels
devenant ainsi progressivement les prothèses de leurs machines.
Mais
souvenons-nous que le prolétariage, notre forme de civilisation
actuelle, que d’autres appellent de façon moins heureuse
capitalisme, contient depuis toujours cet élément de négation
individuelle au profit du collectif, caché seulement par la
prodigieuse faculté d’illusion que le système entretient comme sa
principale ressource. Le Capital abstrait s’auto-valorisant en un
processus toujours plus massif et universel au dépens des hommes
concrets, ce que j’appelle développement du corps social
pathologique, transforme les individus en prolétaires d'abord, puis
en parasites. Et, les parasites, soit on les domestique, soit on les
détruit.
«Toujours
le mystère du fond aussi évident que le sommeil du mystère de la
surface ...»
Des
gestes abandonnés nous traversent qu’il faut se réapproprier.
Maîtriser
son corps individuel ne suffit pas. Il faudrait inventer un yoga du
corps social.
III
Frères
humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
Vous nous voyez ci attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça dévorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie:
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
Vous nous voyez ci attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça dévorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie:
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Naissance
in-mercatus.
Rétro-naissance.
Rétroversion.
Vivre
et laisser naître.
Mouvement
imaginaire.
Sens
interdit.
Nous
invisible et pourtant hégémonique.
Je
partout, et moi nulle part.
Ou
bien l’inverse.
Obscur
en moi sans nous.
Mobilisation
générale.
L’espace
de la marchandise est courbe.
La
marchandise me pense donc je suis la marchandise.
Après
ta dernière mort, tu renaîtras machine.
Peaux
liées par la peau invisible.
Je-tu-il-nous.
Inconscients
collectivisés.
Souterrain
mythologique sans mythologie.
Crypto-mythologie.
Mythologie
ex-machina.
Dévotion
de chaque instant, sans croyance.
Ou
bien croyance en l’absence de croyance.
Religion
de pratiquants sans foi.
Naissance
d’un nouveau soleil.
Trou
noir déjà.
La
lumière cessant à sa frontière gravitationnelle, tout près de son
sol.
Le
ciel s’abattit sans bruit sur la terre. Resta le feu dernier de ses
étoiles mortes.
Frères
humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
Et
la machine s’émancipa.
Son
règne parmi nous.
Et
la forme du nous était la machine même.
Corps
social-maison.
Économie.
Liberté,
égalité, fraternité, progrès.
Corps
magnifique se détachant sur l’horizon.
Corps
sur un cheval, galopant vers l’ouest.
Débris
du corps dans la tranchée.
Travail,
famille, patrie.
Esprit
dans sa coquille.
Suspendu
à l’abîme sans fond.
Regardant
le monde par hublot.
Connaissez-vous
vous-mêmes!
Et
l’esprit-corps se heurtant à la pierre de son inconcevable.
En
son [fort] intérieur, sa mesure.
Vrai,
beau, bon.
Et
le corps du je danse au théâtre.
Exhibition.
Seul
face à Elle.
Cérémonie
du libre-échange.
Au
rendez-vous des solitudes.
Frères
humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
Et
l’autre, aux mille bras, coincé dans ses interactions.
Fasciné
par l’écran qu’il prend pour son miroir.
Ne
voyant que lui toujours en lui.
N’ayant
appris que lui jamais.
Pas
autrement.
Son
ego satisfait de se voir si entier.
Photographiable.
À
l’image du père.
Père-Projecteur.
Marchandise-Père.
Op[è]rable.
LE
Marchandise.
Pourquoi
pas ?
Les
images peuplent les rues.
Image
de soi devenue soi.
Et
la chair n’est plus triste puisqu’elle n’est plus.
Et
la chair n’est plus rien.
Et
moins elle existe comme séparée, plus elle doit se revendiquer
comme solitude.
Intensification
du fantôme.
Collectivisme
libéral par réduction du champ d’individu.
Sous
microscope idéologique, un isolat.
Égalité
devant le monstre.
Fraternité
à son service.
Liberté
dans sa mesure à lui.
Croissance
pour la croissance.
Marchandise
pour elle-même.
Toute
énergie sociale dirigée vers son centre.
Big
bang économique.
L’individu
s’éloignant de lui-même à la vitesse de la lumière.
Au
commencement même de sa création.
Intervalle
entropique.
La
masse par la vitesse des échanges au carré.
Silence.
Capit[u]lisme.
Adaptation.
Tempo
des choses.
En
rangs serrés.
Plus
de bourgeois.
La
prolétarisation du monde est accomplie.
Le
bourgeois, en tant qu’être-pour-la-marchandise, était prédestiné
au sacrifice.
Être-pour-la-marchandise
s’appelle maintenant tout individu.
Dictature
du prolétariat.
Société
sans classes.
Involution.
Réinvolution
finale.
Bourgeois
prolétaire.
Prolétaire
bourgeois.
Serviteur.
Exilé
volontaire dans sa propre maison.
Quasi-individu.
Quasi-néant.
Dans
la fraternité obligatoire des richesses misérables.
Crevant
à lui-même dans le confort de son image.
Et
le riche plus que le pauvre.
Le
premier, déjà le dernier.
Ici
et maintenant.
Tous
les derniers, main dans la main.
Ronde
sévère.
Frères
humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
Le
libéralisme est un collectivisme,
Et
le mouvement du capital un nihilisme.
Pratique
de la machine aveugle au destin de machine.
Monstre
gravitationnel au carrefour des chemins.
Serrant
les dents sur l’ombre.
Étourdissant
tapage.
Volière
en émoi.
Et
[moi] qui panique.
Homme
de peu.
À
genoux, fidèles!
De
peu de foi.
Liturgie
des valeurs.
Prières
jetables.
À
quoi sert le dimanche de hanter les églises?
Puisque
tout le monde sait que la messe est ailleurs.
Partout
ailleurs.
Là
où elle n’est pas.
Frères
humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
Vous nous voyez ci attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça dévorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie:
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merciz.
Vous nous voyez ci attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça dévorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie:
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
“Il
faut encore avoir du chaos en soi pour mettre au monde une étoile
dansante.”
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire