samedi 4 février 2012

Lumpen-cyborg

Il paraît qu’à la fin de sa vie, Pasteur, désabusé, donna finalement raison à Claude Bernard, son rival de toujours : le microbe n’est rien, le milieu est tout. Manière de dire que c’est l’adaptation immunologique à un milieu qui fait la santé.

Ceci nous aide à mieux comprendre la relation kunique primordiale entre un corps individuel et un corps social. Si le corps social (artificiel) ne compose pas convenablement avec les corps individuels qui le constituent, et dont l’adaptation immunologique (génético-organique) demande un temps incomparablement plus long que le temps électronique du premier, alors la maladie sous toutes ses formes deviendra leur destin. La médecine d’urgence actuelle, avec les instruments du corps social électro-technique, s’engagera alors dans une fuite en avant désespérée pour combler un fossé qui ne cessera de s’élargir du fait même de ces instruments, et il n’y aura plus d’autre alternative pour elle que d’adapter artificiellement les corps individuels au corps prothétique. Les corps individuels, ce que nous appelons les individus, devenant ainsi progressivement les prothèses de leurs machines.

Mais souvenons-nous que le prolétariage, notre forme civilisationnelle actuelle, que d’autres appellent de façon moins heureuse capitalisme, contient depuis toujours cet élément de négation individuelle, caché seulement par la prodigieuse faculté d’illusion que le système entretient comme sa principale ressource. Le Capital abstrait s’auto-réalisant dans un processus toujours plus massif et universel au dépend des Hommes concrets, ce que j’appelle développement hégémonique du corps social pathologique, il tend inexorablement à faire des individus ses parasites. Or, les parasites, ou bien on les domestique ou bien on les extermine. Il s’ensuit qu’une ingénierie génétique au service du Capital, ne pourra jamais avoir d’autre objectif que de transformer les prolétaires que nous sommes tous devenus en lumpen-parasites ou en lumpen-cyborgs. Des cyborgs, hybrides humains-machines, parfaitement adaptés à leur milieu par déshumanisation radicale. Le corps social en parfaite santé aura muté en absorbant ses constituants humains et fonctionnera désormais sans accrocs. A moins que ce bel ordonnancement ne provoque au contraire une magnifique implosion. Car le corps social doit aussi composer avec le corps cosmique ou naturel, et sa première enveloppe terrestre. Or là, c’est le mystère. Ou bien fusion avec l’esprit de la terre à la manière teilhardienne ou post-humaniste, ou bien l'auto-destruction.

Adrien Royo

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