jeudi 23 février 2012

La cybernétisation de l'Europe

Des technocrates subrepticement substitués aux politiques démissionnaires ou incompétents, à la faveur d'une crise causée précisément par leur lecture technocratique du monde, voilà une application idéale du modèle cybernétique.

De la post-démocratie au post-humanisme, il n'y a qu'un pas de cyborg. Et du post-humanisme à la dictature du corps social prothétique, il n'y a que l'épaisseur d'une puce électronique.

mercredi 22 février 2012

Des cendres sur la tête

Nous sommes le mercredi des Cendres. Au haut moyen-âge, ceux qui avaient commis des péchés, se couvraient ce jour-là de cendres, confessaient leur faute publiquement, revêtaient un sac, et passaient quarante jours hors de la communauté.

Je verrais bien la même sanction appliquée à certains financiers et politiques aujourd'hui pour crime de lèse-démocratie. Avant qu'ils ne soient traduit en justice pour crimes tout court.

"Si vous êtes chrétiens, donnez; les pauvres sont les membres du Christ. Si vous êtes citoyens, donnez; le peuple, c'est la patrie vivante. Si vous êtes honnêtes gens, rendez. Car ce bien n'est qu'un dépôt.

Rendez... Et la nation vous donnera davantage. Il ne s'agit pas de vous jeter dans l'abîme, pour le combler. On ne vous demande pas que, nouveaux martyrs, vous vous immoliez pour le peuple. Il s'agit, tout au contraire, de venir à votre secours, et de vous sauver vous-mêmes." (Jules Michelet - Histoire de la Révolution Française) 

samedi 18 février 2012

National Defense Authorization Act

Intéressons-nous de près à cette nouvelle loi états-unienne, signée par Obama début janvier, qui permet à l'armée US d'arrêter et d'incarcérer sans limite quiconque est soupçonné de menacer la sécurité nationale, sur le sol américain ou partout ailleurs. Une loi qui amplifie encore le Patriot act liberticide de Bush et qui n'augure rien de bon pour les citoyens de là-bas et d'ici.

La logique est toujours la même: supprimer la liberté pour assurer la sécurité. Sous entendu, en dernier ressort, supprimer la liberté des citoyens pour assurer la sécurité de l'oligarchie. Car aucun citoyen n'est plus en sécurité dans une tyrannie. Aucun citoyen n'est plus en sécurité si on lui enlève la liberté. Quand tout le monde marche au pas et n'ose plus rien dire, cela s'appelle une dictature. 

Ici, un article sur la question :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ndaa-obama-elargit-la-loi-d-107670

vendredi 17 février 2012

Président du système

Monsieur Hollande serait le candidat du système et des élites. C'est vrai. Mais monsieur Sarkozy en est déjà le Président.

Logiciel oligarchique ou sociélisme kunique

La démocratie est une chose trop sérieuse pour la laisser au peuple. Voilà ce que nos élites pensent tout bas depuis le début des temps pseudo-démocratiques. C’est pourquoi ils s’efforcent de la confisquer par tous les moyens. Naguère encore, l’évidence pouvait être masquée. Aujourd’hui, les coutures du déguisement craquent de partout.

Comment nier par exemple que, depuis deux ans, la Grèce abandonne chaque jour un peu plus de sa souveraineté au profit d’un comité d’experts internationaux non élus qui se mettent à son chevet comme des médecins au chevet d’un malade ou des mécaniciens au chevet d’un moteur déficient. Comme des spécialistes en tout cas, possédant tout le savoir-faire. Ces métaphores techniques rendant compte d’un véritable vécu techno-cratique de nos sociétés, au sein desquelles les interactions entre les personnes ou les groupes se perçoivent comme des impulsions électro-symboliques à l’intérieur d’une grande machine informationnelle, d’un grand réseau complexe de calculateurs programmés.

Or, cette pratique a un nom : la cybernétique.

Le mot vient du grec kubernêtikê (utilisé chez Platon), qui désigne le pilotage d’un navire. De cette racine sortirait gouvernail, gouvernement et gouverneur. Norbert Wiener, éminent mathématicien américain, le reprit à son compte juste après la deuxième guerre mondiale pour nommer sa nouvelle science, supposer unifier toutes les autres, la science des systèmes autorégulés, vivants ou non-vivants. Il s’agissait pour lui comme pour John Von Neumann, autre génie des mathématiques, ayant participé à la création des premiers ordinateurs, d’élaborer, plus ou moins explicitement, un hypersystème décisionnel destiné à assister les êtres humains dans des choix stratégiques et sociaux de plus en plus complexes. Le choc de la guerre l’ayant poussé à chercher dans la technologie, et notamment dans la technologie informationnelle naissante, le moyen de compenser la faiblesse humaine et la volonté de puissance des dirigeants. Il lui apparaissait que le choix démocratique simple, sans le truchement supposé neutre de la machine, et le gouvernement des hommes par les hommes, aboutissait toujours aux pires catastrophes. La solution, et cela partait d’un bon sentiment, se trouvait peut-être alors dans la techno-science de l’information.

Je crois pour ma part que ce principe marquait simplement une étape, à l’insu des principaux intéressés, du développement inéluctable d’un corps social techno-prothétique en phase finale d’émancipation. Et que les scientifiques, sincèrement préoccupés de l’amélioration des processus décisionnels, se firent malgré eux les auxiliaires d’une hégémonie nouvelle dont nous voyons en ce moment même les plus beaux effets. Car le système général qu’il s’agit de piloter avec le maximum d’expertise, contrairement à la croyance commune, n’est pas neutre. Sa direction était déjà contenue dans ses principes, et son pilotage ne consiste jamais qu’à s’assurer du maintien de ce cap. De sorte qu’on peut dire que le pilote lui-même est piloté. Bien malin, celui qui, plongé corps et âme dans la Machine, saura démêler l’inextricable lien qui unit les rétroactions enchaînées. Qui, du pilote ou des exécutants rassemblés (sous-systèmes humains et machines), détient le véritable contrôle dans cette merdosphère? En réalité, tout est hors contrôle depuis longtemps et les profiteurs du désordre cybernétique se feront un jour manger comme les autres. Tant il est vrai qu’aujourd’hui comme hier tout se joue entre l’individu et son corps social, c’est-à-dire entre l’individu projet et le corps social avorteur. Le Saturne dévorant ses enfants restant l’image la plus juste de cette antinomie.

Remarquons au passage que le mot cyborg (cybernetic organism), inventé comme par hasard au début des années 60, c’est-à-dire au moment où le monde basculait dans l’immonde notoire (espace non-humain), ne désigne pas seulement le robot de science-fiction, mais d’abord et surtout cet hybride que nous sommes tous en train de devenir, à notre « corps » défendant, ce mutant du 21e siècle dont Mary Shelley, racontant l’histoire du docteur Frankenstein, avait eu l’intuition. Bien sûr que le corps social est par nature hybride. Car la technologie ne se limite pas à la machine, elle comprend aussi toute la sphère symbolico-culturelle. Mais à la fin du 20e siècle, les prothèses prenaient une dimension hégémonique inconnue jusqu’alors, et à travers la cybernétique, une dimension politique même, ou anti-politique, pour parler arendtien, ce qui changea complètement la situation.

La gestion techno-cratique de la crise actuelle, en Europe et ailleurs, offre un magnifique exemple de ce qui a lieu partout désormais. Des représentants (de commerce) du système global auto-régulé, conçu idéologiquement comme naturel et indépassable, prennent la place des représentants du peuple pour décider de ce qui est bon pour lui. Simples émanations « naturelles » d’essence cybernétique, ils sont seuls capables de bien gouverner l’économie comme la nature.

La cybernétique, née sous les auspices de la peur d’une guerre ultime, montre aujourd’hui son vrai visage totalitaire : organe principal de la domination de l’Homme par l’Homme, de l’Homme naissance par l’Homme prothétique. Le résultat de cet antagonisme métaphysique décidera seul de l’avenir du genre humain. Tous les autres antagonismes, soyez-en certains, n’étant en dernière instance que des expressions particulières de ce dernier.

Nous cherchions l’antagonisme des antagonismes, la cause des causes, les voici. La lutte des corps. La lutte du corps social contre le corps individuel à l’intérieur d’un même organisme général constitué de trois parties distinctes et néanmoins coextensives : individuelle, sociale et cosmique. La lutte des classes n’étant qu’une lutte inférieure parmi d’autres en cette « polémie » fondamentale. Que des corps individuels ne comprennent pas dans quel im-monde ils vivent, et qu’ils participent à leur propre aliénation sans le savoir, n’infirme pas l’hypothèse selon laquelle une malformation congénitale non traitée, ou une pathologie nouvelle incomprise, gangrène un corps social égocentré et auto-mobilisé. Cela ne contredit pas non plus cette autre hypothèse complémentaire qui fait du corps social un incubateur d’individus dont la fonction est pathologiquement détournée pour phagocyter les pré-individus que nous sommes, les individus en gestation. L’individu sociel ou kunique étant comme j’ai eu l’occasion de le dire souvent un pré-individu émancipé, ayant dominé son corps social. L’inverse de ce que l’on conçoit communément comme liberté. Elle n’est pas détachement du corps social, mais au contraire intégration du corps social en un corps sociel, individuel et social réunis.

Oui, je sais, cela paraît fou. Je n’y peux rien. En cette occurrence comme en d’autres, c’est la vérité qui est folle.

Adrien Royo
 

mardi 14 février 2012

Immunologies concurrentes

Magnifique illustration des effets d'un corps social pathologique sur le corps cosmique (ou naturel) et sur le corps individuel. Voir les autres articles sur le sujet dans ce blog.

lundi 13 février 2012

Sociélisme

L’apparition du SIDA à la fin du 20e siècle, marque et accompagne un tournant décisif dans l’effondrement morphologique de l’humanité. Le corps pluriel kunique, le pluricorps cosmo-sociel (pour corps social et individuel à la fois), dévoile maintenant ses symptômes de désordre. L’immunologie sociale, à savoir la fonction du système général humain à visage prolétariste, qui assure la protection et le développement de son intériorité propre, exhibe de plus en plus éhontément sa parfaite incompatibilité avec les nécessités immunologiques individuelles.

Pour ne prendre qu’un exemple : le temps électronique, la nano-temporalité de la Machine, s'oppose à la durée humaine qui se compte en années, voire en générations.

De l’ère de la nanoseconde, l’Homme se voit donc automatiquement exclu en tant que maître de ses prothèses. Par Machine, j’entends l’ensemble des machines cybernétiques fonctionnant en réseau.

Le SIDA étant une maladie de l’immunité, un effondrement du système immunitaire individuel, maladie de l’aliénation et non de l’amour, agit en révélateur de ce qui se joue désormais entre l’Homme et ses prothèses. Au lieu d’élever l’individu, d’en favoriser l’émancipation, ces dernières réduisent peu à peu sa liberté et sa conscience. Le corps social déclare la guerre aux individus. Le SIDA est une des traductions physiologiques de cette guerre. La plus spectaculaire, et donc la plus facile à décrypter. Encore qu’à ma connaissance, personne jusqu’ici ne l’ait jamais fait (peut-être un peu Michel Bounan, dans le Temps du Sida (1990)).

Pour sauvegarder les principes vitaux de son métabolisme artificiel, le corps social agit en contradiction avec les besoins vitaux du corps individuel, et fragilise son système immunitaire.

Je prétends que toute nouvelle maladie, ou tout retour de maladie ancienne, revêt aujourd’hui un caractère d’immunodéficience. L’inadaptabilité du corps individuel au corps social monstrueux expliquant en grande partie leur émergence. En sorte qu’aucun traitement individuel ne pourra plus en venir à bout. Il faudra inventer une nouvelle clinique. Le médecin du 21e siècle sera donc révolutionnaire ou ne sera pas, dans la mesure où il devra s’occuper du corps social autant que du corps individuel, soigner le corps « sociel », devenir « sociéliste ». C’est-à-dire au final devenir médecin holiste.

La médecine actuelle ne fait que réparer ce que le corps social pathologique, qu’elle soutient en tant que technocratie, détruit. En ce sens, elle n’a pas de fondements véritables. Voir Ivan Illich : Némésis Médicale.

Par ailleurs, le succès des pratiques de bien-être ou de développement personnel, entre dans la catégorie des diversions stratégiques du système, qui tente ainsi d’échapper à la conscience individuelle, toujours dangereuse. De même pour certaines formes de religiosité. Un certain bouddhisme, par exemple, favorise magnifiquement le déni en matière de corps social. Rien de tel qu’un bouddhiste écolo occupé de son bien-être pour jouer les utilités. Mais, il y en a d’autres.

Le kunisme en appelle donc à une conscience sociel.

Adrien Royo