lundi 13 février 2012

Sociélisme

L’apparition du SIDA à la fin du 20e siècle, marque et accompagne un tournant décisif dans l’effondrement morphologique de l’humanité. Le corps pluriel kunique, le pluricorps cosmo-sociel (pour corps social et individuel à la fois), dévoile maintenant ses symptômes de désordre. L’immunologie sociale, à savoir la fonction du système général humain à visage prolétariste, qui assure la protection et le développement de son intériorité propre, exhibe de plus en plus éhontément sa parfaite incompatibilité avec les nécessités immunologiques individuelles.

Pour ne prendre qu’un exemple : le temps électronique, la nano-temporalité de la Machine, s'oppose à la durée humaine qui se compte en années, voire en générations.

De l’ère de la nanoseconde, l’Homme se voit donc automatiquement exclu en tant que maître de ses prothèses. Par Machine, j’entends l’ensemble des machines cybernétiques fonctionnant en réseau.

Le SIDA étant une maladie de l’immunité, un effondrement du système immunitaire individuel, maladie de l’aliénation et non de l’amour, agit en révélateur de ce qui se joue désormais entre l’Homme et ses prothèses. Au lieu d’élever l’individu, d’en favoriser l’émancipation, ces dernières réduisent peu à peu sa liberté et sa conscience. Le corps social déclare la guerre aux individus. Le SIDA est une des traductions physiologiques de cette guerre. La plus spectaculaire, et donc la plus facile à décrypter. Encore qu’à ma connaissance, personne jusqu’ici ne l’ait jamais fait (peut-être un peu Michel Bounan, dans le Temps du Sida (1990)).

Pour sauvegarder les principes vitaux de son métabolisme artificiel, le corps social agit en contradiction avec les besoins vitaux du corps individuel, et fragilise son système immunitaire.

Je prétends que toute nouvelle maladie, ou tout retour de maladie ancienne, revêt aujourd’hui un caractère d’immunodéficience. L’inadaptabilité du corps individuel au corps social monstrueux expliquant en grande partie leur émergence. En sorte qu’aucun traitement individuel ne pourra plus en venir à bout. Il faudra inventer une nouvelle clinique. Le médecin du 21e siècle sera donc révolutionnaire ou ne sera pas, dans la mesure où il devra s’occuper du corps social autant que du corps individuel, soigner le corps « sociel », devenir « sociéliste ». C’est-à-dire au final devenir médecin holiste.

La médecine actuelle ne fait que réparer ce que le corps social pathologique, qu’elle soutient en tant que technocratie, détruit. En ce sens, elle n’a pas de fondements véritables. Voir Ivan Illich : Némésis Médicale.

Par ailleurs, le succès des pratiques de bien-être ou de développement personnel, entre dans la catégorie des diversions stratégiques du système, qui tente ainsi d’échapper à la conscience individuelle, toujours dangereuse. De même pour certaines formes de religiosité. Un certain bouddhisme, par exemple, favorise magnifiquement le déni en matière de corps social. Rien de tel qu’un bouddhiste écolo occupé de son bien-être pour jouer les utilités. Mais, il y en a d’autres.

Le kunisme en appelle donc à une conscience sociel.

Adrien Royo

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