mercredi 16 novembre 2011

Le travail de Dieu

Le directeur de la banque américaine toute puissante Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, se plaît à dire qu’il fait le travail de Dieu. Je ne sais pas, pour ma part, s’il fait le travail de Dieu, Dieu ne m’ayant rien dit à ce sujet, mais je suis sûr qu’il fait en toute légalité un travail d’escroc. Escroc, lorsqu’il incite ses clients à acheter des produits sur lesquels il va ensuite parier à la baisse; escroc lorsqu’il manipule les prix des matières premières ; escroc lorsqu’il condamne des pays entiers, voire des continents, à la misère ; escroc lorsqu’il place les siens aux postes clés de l’administration publique américaine ou aux postes de direction des affaires européennes (récemment Mario Monti en Italie ou Mario Draghi à la BCE).

La crise, dite de la dette, directement liée à la spéculation des institutions surpuissantes que sont devenues certaines banques, a plusieurs fonctions. La première est très certainement de faire grossir la dette pour augmenter les possibilités d’enrichissement. Appelons-la fonction génétique ou spéculative dans la mesure où le tropisme « faire de l’argent à tout prix et quelles qu’en soient les conséquences à l’échelle humaine » fait partie intégrante de leur nature. La deuxième fonction est de réduire à néant le peu de pouvoir politique restant. Pouvoir national pseudo-démocratique dont il faut éliminer les vestiges. On ne sait jamais, les peuples pourraient exiger des contrôles, des régulations, ou des condamnations pour les délits et crimes en tout genre perpétrés à l’ombre de la loi des marchés. Fonction préventive. La troisième, pourrait être de s’approprier définitivement tout l’espace économique en avalant les morceaux tout saignants des services publics et sociaux encore debout. Il s’agirait « d’inciter (obliger) les pays qui en possèdent encore, à se débarrasser définitivement de leurs derniers « services publics », à les vendre, qu’il s’agisse de réseau de transports, de distribution d’énergie, d’acheminement du courrier, de la santé, de la protection sociale, etc. Une vente qui les rendrait miraculeusement rentables au dépend du "service" rendu. La privatisation et la réduction des déficits font partie des conditions pour « aider » des pays ou garantir leurs dettes. ». Fonction impérialiste. La quatrième et dernière fonction, la fonction oligarchique, vise le contrôle et l’asservissement des pauvres (80% de la population), hébétés par la violence et l’ampleur des attaques. Il s’agirait « d’inciter (obliger) les salariés à accepter de plus en plus de « souplesse », de plus en plus de « flexibilité » et de moins en moins de protection sociale. »

Si cela est le travail de Dieu, je n’ose imaginer ce que pourrait être celui du Diable.

Adrien Royo

samedi 12 novembre 2011

Sentinelle du peuple


Que nous apprennent des sentinelles du peuple comme Etienne Chouard ? Que les marchés, c’est-à-dire les banques, les organisme financiers, les investisseurs, les riches, créent de la dette pour fabriquer de la monnaie artificielle (non référée à l’or ou à l’argent), de la monnaie de singe, moyen de spéculation. Qu’ils jonglent ensuite avec cette monnaie scripturale (écriture sur une ligne de compte) par élaboration de produits financiers toujours plus sophistiqués, risqués et rentables. Que leur intérêt bien pensé est donc de créer de l’endettement, qu’il soit public ou privé. Plus grande est la dette globale, plus il y a de monnaie en circulation et plus il y a de possibilités de s’enrichir. Qu’à cette fin, tous les moyens sont bons : s’arroger le monopole de la création monétaire aux détriments des Etats (création de la Réserve Fédérale aux USA ; loi Pompidou-Giscard de 1973 en France ; article 104 du Traité de Maastricht ou 123 du Traité de Lisbonne ; indépendance de la BCE, etc.), ou spolier les citoyens directement en les forçant à s’endetter (par la baisse des salaires et les incitations mensongères, subprimes). Que lorsque des produits financiers aussi destructeurs que les crédits dérivés, CDS (Credits defaults swaps), s’ajoutent au tableau, le processus prend une allure suicidaire. Que rien ne peut plus arrêter la fièvre spéculative et l’appât du gain. Que les dettes explosent mécaniquement par le seul fait que les intérêts s’ajoutent aux intérêts et que le capital, lui, courent les rues du commerce mondial pour s’arrêter dans les poche des plus riches. Et que, pour finir, 99% de la population mondiale pâtit de cette situation.

Il est intéressant de constater que le prétexte initial pour confier aux marchés le quasi monopole de la création monétaire : la planche à billet créatrice d’hyperinflation (les banques privées, à travers l’investissement, créant supposément de la vraie richesse), tombe de lui-même en ces temps de crise. D’abord parce que la planche à billet tourne à plein régime aux Etats-Unis et en Europe pour combler les trous énormes creusés par la finance délinquante et parasite, et que l’inflation n’est endiguée qu’au prix d’une contrainte aberrante sur les salaires ; d’autre part parce que la monnaie scripturale, créée par l’emprunt, et la monnaie fiduciaire, mise en circulation par les Etats, sont aussi artificielles l’une que l’autre. Dans les deux cas, si abus il y a, ce sont les pauvres qui payent l’addition. C’est pourquoi la question de la démocratie (la vraie) est essentielle. Qui contrôle la monnaie ? A qui appartient l’Etat ?

Adrien Royo

jeudi 11 août 2011

La politique à la corbeille


La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille, disait De Gaulle.

C'était avant la libéralisation mondiale.

Désormais, il n'y a plus de politique du tout. A quand un Président de la République élu par les gros actionnaires au suffrage censitaire? Ce serait certainement moins hypocrite que le suffrage universel soumis au chantage des marchés.

Après la corbeille, il était inévitable que la politique, c'est-à-dire la direction démocratique d'un Etat, et non le management d'une hyper-entreprise, attérisse à la poubelle.

les vrais assistés d'aujourd'hui sont les rentiers qui spéculent sur l'effondrement des Etats en leur savonnant la planche à billets. Ils parient sur la chute d'un pays en le poussant très fort dans les orties. Cela revient à parier qu'ils seront toujours les maîtres du jeu. Il suffirait, pour qu'ils déchantent, de se retourner et de leur mettre une gifle. Des rentiers opulents seraient ruinés? La belle affaire! Attendons plutôt de l'être tous, en effet. Il vaut mieux un pays dans la misère, qu'un seul rentier mécontent. Il vaut mieux 60 millions de pauvres que dix spéculateurs ruinés. Surtout, encore une fois, que cet argent qu'ils placent n'est pas à eux.

Adrien Royo


J’aurais sans doute plus de mal à convaincre de l’inexistence de la richesse privée si les circonstances actuelles liées à la crise économique n’apportaient de l’eau à mon moulin social.

Le scorpion demande à la grenouille de l’aider à traverser la rivière. La grenouille refuse, elle a peur de lui. Tu es dangereux, tu me piquerais. Comment ! répond le scorpion, quel intérêt aurais-je à te piquer ? Si tu meurs, je meurs avec toi. La grenouille, convaincue, accepte le scorpion sur son dos. Mais, au milieu du guet, le scorpion pique la grenouille. Pourquoi ? a-t-elle le temps de demander avant de mourir. Parce que c’est dans ma nature, répond le scorpion.

Nous sommes en 2007, à la veille de l’élection présidentielle française. La dette publique est insupportable. Les générations futures paieront notre incurie, notre laxisme, notre égoïsme, nos prodigalités luxueuses (notamment en direction des plus pauvres). Réduire les dépenses publiques et les recettes, voilà le credo. Baisser les impôts, qui découragent l’activité, et diminuer les charges de l’Etat. La France n’en peut plus. Nous sommes le pays le plus endetté. Regardons autour de nous. Tous les autres font des efforts, travaillent sans rechigner, acceptent de sacrifier un peu de leur confort. Et nous, nous nous arc-boutons sur nos acquis. On connaît les remèdes. Que voulez-vous, les français sont d’incurables rêveurs. Heureusement, Sarkozy est élu. Ouf !!!

2008, la crise !!! Et l’obligation de venir au secours des banques privées. Les déficits se creusent. Les experts nous disent que c’est inévitable. La dépense publique augmente et les recettes baissent. La dette est vertueuse. Elle permet la stabilisation du système. Partout, elle enfle. On ne peut pas faire autrement. On connaît le remède.

2010. Grâce aux efforts consentis collectivement, les banques privées sont sauvées, elles recommencent à faire des bénéfices. Mais la dette enfle encore, c’est la septième plaie d’Egypte. Elle redevient insupportable. La France est mal placée. Pas assez d’efforts collectifs. Nos enfants nous maudirons jusqu’à la septième génération de leur avoir transmis un héritage si douloureux. Nos libéralités nous perdrons. Nous dépensons trop. Nous vivons au-dessus de nos moyens. On connaît le remède.

La dette publique a permis d’éponger les dettes privées, la collectivité est venue au secours des marchés, et les marchés, cependant, punissent les Etats de les avoir sauvés. Pourquoi? demandent les citoyens. Parce que c’est dans notre nature, répondent les marchés.

La liberté des marchés, l’expression des avidités individuelles, forme des bulles incontrôlables. Lorsque celles-ci explosent on en appelle à la solidarité collective. Lorsque celle-ci a porté ses fruits, on s’empresse de la glisser sous le tapis pour ne plus avoir à la considérer. Nous laissons libres les marchés de prendre des risques, mais, en bonne mère, nous les secourons quand ils se trompent. En bref, nous les assistons. Les fils prodigues engagent des paris qu’ils ne perdront jamais complètement. J’en déduis que les dettes privées n’existent pas. Il n’y a que des dettes publiques momentanément accaparées. Les mots employés hier par le premier ministre britannique pour qualifier les émeutes londoniennes, auraient fort bien pu être énoncés pour désigner en 2008 les assassins de la City. Ils causèrent avec leurs ordinateurs et leurs complets vestons infiniment plus de dégâts que leurs imitateurs de banlieue avec leurs casquettes et leurs marteaux. Si les dettes privées menacent la pérennité d’un collectif, c’est qu’elles sont liées à ce collectif de telle manière qu’on ne puisse distinguer ce qui est de l’un et ce qui est de l’autre. C’est si vrai que certaines banques anglaises furent nationalisées à la hâte en 2008. Quand la responsabilité ne prolonge pas la liberté, c’est qu’il n’y a pas de liberté. Qu’est-ce que la liberté, si elle n’est pas assumée ? Et si le risque est trop important de laisser libre des banques et des institutions financières, c’est qu’elles sont des biens collectifs devant être soumis au contrôle collectif. On les laisserait mourir de leur belle mort, autrement, en cas de problème. Où l’on voit que la richesse privée est une convention, une fiction collective. S’il n’y a pas de dettes privées, c’est qu’il n’y a que de l’argent public et de la richesse collective. 

Adrien Royo

mercredi 27 juillet 2011

La richesse privée n'existe pas


J’ai souvent dit que la richesse privée n’existait pas en soi, qu’il n’y avait de richesse que sociale, c’est-à-dire créée par tous, les vivants et les morts, et que les modalités de son partage devait faire l’objet d’une décision démocratique. A un moment où il est beaucoup question de plafonnement des revenus ou des salaires, peut-être n’est-il pas superflu de reprendre l’argumentaire.

Toute personne qui devient riche aujourd’hui le doit, pour une très grande part, une part grandissante, du fait de l’interdépendance toujours plus grande des humains, au travail collectif vivant et mort dont il ne peut s’abstraire. Routes, voies ferrées, avions, moyens de communication en tout genre, extraction minière, énergie, police, armée, éducation, savoirs, etc., toutes choses dont il bénéficie avant même de naître et qu’il n’a jamais payées lui-même. Qu’il reçoit donc en héritage, et dont sa situation propre, plus ou moins confortable au départ, lui permet de profiter de manière inégale. Par travail vivant, j’entends bien sûr le travail collectif présent, et par travail mort, le travail accumulé des ancêtres. Tout ceci constitue ce que j’appelle un corps social, prolongement d’un corps individuel qui seul ne peut exister.

Tout corps individuel nouveau se greffe donc d’emblée sur un corps social déjà existant avec lequel il forme une entité globale cohérente et insécable.

Mais la greffe avec ce corps social partagé par tous, je veux dire par tous les humains, car un pays n’est qu’une partie du corps social monde, ne prend pas la même forme pour chaque individu. Si le corps social global est ce qui existe pour tous préalablement à l’existence de chacun, le visage qu’il présente est changeant. En tant qu’espace transitionnel, le filtre familial opérera, selon sa condition, des transferts inégaux d’un corps à l’autre. Les uns profiteront peu, les autres beaucoup, d’un même héritage. Et ceux qui, par chance, en auront beaucoup profité seront évidemment mieux placés ensuite pour s’en approprier, par leur travail ou leurs rentes, des parts plus généreuses. Cette boucle d’inégalité, l’inégalité au départ augmentant l’inégalité à l’arrivée, devient inacceptable lorsqu’elle passe un certain seuil. C’est pourquoi il est essentiel de procéder sans cesse à des ajustements, des rééquilibrages, en redistribuant de façon juste, c’est-à-dire démocratique.

D’autre part, quel que soit son travail, son intelligence, sa créativité, sa compétence et son énergie, aucun homme ne peut valoir infiniment plus que son prochain. Ou alors sa valeur n’est plus mesurable en argent. Les journées, même poussées à l’extrême ne font jamais que vingt-quatre heures, et l’énergie que déploie un mineur de fond, un ouvrier du bâtiment ou un paysan, ne me semble pas moins grande que celle d’un trader de Wall Street. Je sais bien que la force de travail est un marché comme un autre et qu’il obéit avant tout à la loi de l’offre et de la demande, qu’un patron aux grandes capacités sera plus demandé et donc mieux payé qu’un autre. Mais la question de droit reste ouverte : les limites de l’appropriation privée doivent-elles être, oui ou non, posées ? Oui, sans hésitation. Car il n’y a pas d’autre légitimité possible pour la richesse personnelle qu’une décision commune et démocratique. Si chacun pouvait décider par lui-même et pour lui-même de ce qu’il peut se permettre en société, où s’arrêterait le crime ? Il n’y aurait pas de crime. Et un ordre inégalitaire maintenu seulement par la force, qu’elle soit symbolique, réelle ou institutionnelle, tombera par la force. De quel droit arrêter un pauvre qui voudrait s’approprier une part supplémentaire de la richesse collective en volant le riche, si la richesse de ce dernier n’était pas auparavant socialement légitimée. L’est-elle actuellement ? Oui de fait, mais non en droit. Ce n’est pas parce que la plupart prend pour acquis le droit à l’appropriation illimitée, et pense même qu’il n’y a pas d’appropriation, mais seulement la juste récompense d’un travail honnête, que ce droit est légitime. On pensait aussi, avant l’abolition de l’esclavage, qu’il était juste de pouvoir acheter et vendre des hommes. On connaît la suite. Récompenser les talents et les initiatives, certes, mais comment et dans quelles limites ? C’est ce que nous devons tous décidés parce nous sommes tous concernés à part égale.

Payer des impôts semble injuste surtout à ceux qui ont beaucoup d’argent. Comme si cet argent était à eux. Il faut changer de modèle.

L’héritage collectif dont je parlais plus haut est le même pour tous à la naissance mais son accès est inégal. Si nous voulons réellement œuvrer pour l'émancipation, il nous faudra mettre le corps social en libre accès. Plus de péages, plus de privilèges. Redistribution massive et réhabilitation des entrées. Et revenu d'existence, bien sûr.

Adrien Royo

mardi 26 juillet 2011

samedi 2 juillet 2011


L'humanité souveraine a inventé ces derniers temps de magnifiques outils. Sa grandeur, aujourd'hui, serait d'apprendre à s'en passer.