mercredi 10 juin 2015

Macron, l'esthéticien

On s'interroge souvent sur la question de savoir si le chômage, en France et ailleurs, est structurel ou conjoncturel. Question aussi vide que récurrente. Il est évidemment structurel et général si l'on admet que le chômage est la forme moderne de ce qui s'appelait auparavant pauvreté ou misère et pas seulement le nom donné aux salariés privés d'emploi et indemnisés, rangés sous forme statistique dans les disques durs des administrations. C'est ainsi qu'aux États-Unis par exemple, n'est pas chômeur le prisonnier noir dans sa cellule, le clochard dans les rues de New-York, ou le vendeur à la sauvette du Missouri, ce qui permet de présenter de belles statistiques démontrant la parfaite santé de l'économie et la reprise éclatante après une période de vaches maigres qu'il fallait affronter avec courage - que voulez-vous la nature est ainsi faite - après la pluie le soleil, etc.

Cependant le chômage n'est pas structurel dans le sens où il serait lié à une structure organisationnelle ou étatique qui pourrait être changée. Il est structurel en ce sens (Marxien) qu'il est un produit nécessaire du fonctionnement même de la machine prolétariste, une conséquence normale de la contradiction interne du système global de la Valeur s'autovalorisant. Il est structurel parce que ce système doit impérativement, c'est dans son ADN, détruire ce qui le fait vivre, à savoir le travail humain productif. Le prolétarisme, ce que l'on appelle communément le capitalisme, est une « impossibilité en mouvement » (Marx), une maladie auto-immune du corps social. Le chômage n'étant qu'un de ses nombreux symptômes. Et comme rien n'est plus habituel que de prendre le symptôme pour la maladie, on brandit l'épée de l'économie pour partir à l'assaut du chômage, tandis que prospère le virus spectaculaire incompris dont l'économie est le premier support.

Ce regard sur le monde, le regard du Marx ésotérique, comme dirait Robert Kurz ou Anselm Jappe, dévoile l'imposture fondamentale de toute gesticulation étatique. Toute action d'un gouvernement quel qu'il soit, simple outil au service de la machine fétichiste, pour éradiquer le chômage, ne peut être qu'une vaste entreprise de ravalement. Les gouvernants sont des équipes d'esthéticiens chargés de maintenir le mensonge en état de survie clinique, de refaire une beauté régulière à un monstre social atteint de la lèpre marchande. Et Macron est un grand esthéticien, un esthéticien de gauche par surcroît, ce qui est un gage d'efficacité dans la manipulation des masses encore un peu laborieuses. 

Adrien Royo

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