mardi 10 mars 2009

Intendance

L’économie, ce n’est jamais que de l’intendance. Comment subvenir à ses besoins vitaux ? Que dirait-on d’une armée dont le superintendant se ferait chef d’état-major, stratège, bouffon et aumônier ?

Il est toujours du plus haut comique d’observer l’attitude de compassion dédaigneuse, le regard presque effaré, du représentant de la fine fleur économico-politique, du cybernéticien humaniste, lorsqu’un petit exécutant quelconque se permet de proposer, au nom de la justice et de l’égalité, une inflexion radicale de la ligne convenue. Il y a des lois, voyez-vous, que l’on ne saurait transgresser sans risquer la barbarie ! s’égosille-il. C’est au nom de ces mêmes lois, pourtant, que ce représentant zélé, autorisait il y a peu, avec enthousiasme et sans états d’âmes, le démantèlement complet de l’industrie française traditionnelle. Mines, usines métallurgiques et textiles, fermèrent brutalement, sans que cette inflexion bien radicale, qui remodela de fond en combles le paysage économique national, obligeant une grande masse de salariés à chercher ailleurs leur pitance, ou à profiter d’une retraite anticipée, ne soit jugée violente et barbare. Restructuration, modernisation, adaptation, concurrence, étaient les maîtres-mots. Comme la crise actuelle, ces phénomènes « naturels » trouvaient leur source dans une météorologie supérieure. Or, la maîtrise de nos experts, par ailleurs universelle et infaillible, ne va pas jusqu’à cette météorologie-là. Ils se reconnaissent, au contraire, comme ses oracles. Il y a donc une certaine inflexion vertueuse : celle qui se plie aux exigences du capital, de la Chose, et une inflexion mauvaise qui ne dépend que d’une décision humaine collective. L’inflexion, ou la réforme, que la recherche du profit maximum alimente est bonne, quelles qu’en puissent être les conséquences désastreuses immédiates, celle qu’une volonté humaine soucieuse du long terme aurait à prescrire, est toujours, et, a priori, mauvaise. Autrement dit, le mouvement est bon s’il vient de la Machine, de la Chose, il est dangereux s’il vient de l’être humain. Nous vivons donc bien, pour le cas où certains ne l’auraient pas remarqué, à l’heure du libéralisme scientifique et collectiviste, qui n’est pas si éloigné du socialisme scientifique dans un seul pays. L’Etat, bras armé du Parti d’un côté, L’Etat, bras armé du Marché de l’autre. Deux entités jumelles pour un même monde d’objets interchangeables, où l’individu n’est réellement rien d’autre qu’un instrument du profit, ou de l’Etat, ou des deux à la fois.

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