lundi 24 novembre 2008

La crise

On nous demandera peut-être notre avis sur la crise financière actuelle. Eh bien, cette crise mondiale ne nous intéresse pas. Elle ne nous intéresse pas, d’abord parce que le système cynique marchand est nativement instable, ensuite parce que tout le monde, en dehors des experts et des économistes, la voyait venir de loin. Aucune bulle spéculative ne se formant jamais sans exploser un jour. L’efficacité matérielle du système tenant à son absence de contrôle, à son irrationalité, et à la rapidité cosmologique de ses transmissions, donc à son inhumanité, ses capacités d’auto-destruction ne peuvent qu’augmenter à mesure qu’elle croît.

La mondialisation est, dans son principe même, non pas seulement une globalisation, mais d’abord et principalement une sortie du monde, une évasion, une ascension. La bulle financière croise autour de la terre comme une seconde atmosphère englobant la première. La crise écologique n’a pas d’autre explication que cette inféodation toujours plus intense de l’écologie à l’économie. Lorsque l’économie devient seconde nature et s’affranchit des attractions spatiales, la première nature ne peut que dépérir et l’homme avec elle. Le reniement achevé de l’homme cher à Marx n’est rien d’autre que la sortie de lui-même sous forme de machine à profit. Sorte de double astral. Astralopithèque oeconomicus, pourrait-on dire. Lorsque l’économie devient quasi cosmologique, lorsqu’elle échappe à ce point aux lois de la géométrie euclidienne, quand elle forme un monde artefactuel par-dessus le monde, comment ne pas nous voir tous et chacun comme des scaphandriers lâchés dans son espace au bout d'un cordon d’oxygène. Aldrin et Armstrong n’étaient pas seulement les héros de l’Amérique spatiale, ils étaient, pendant qu’ils sautaient sur la lune, la préfiguration de notre futur à tous en tant que sous-systèmes isolés et entièrement dépendants, livrés au dehors absolu que représente la sphère économique toute puissante. Car tout tend désormais à échapper au système de régulation terrestre, jusqu’au corps social dans son ensemble qui transporte des pseudo-individus hors de la géographie. Tout est donc hors-monde, comme on dit d’une culture qu’elle est hors-sol, et personne ne doit plus s’étonner de voir tomber les évènements économiques comme des pluies acides, en une météorologie dramatique.

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