samedi 14 juin 2008

Le kunisme est un contre-cynisme

Cynisme : reniement achevé de l’homme.


Le cynique observe son propre monde avec des lunettes astronomiques. Il opère toujours à cœur ouvert dans une situation qui ne l’atteint pas. Il se voit lui-même comme une chose parmi les choses, et le mépris universel qu’il conçoit n’est jamais que la conséquence du rapetissement fondamental dont l’époque a nourri sa conscience de soi. Le formidable appareillage techno-scientifique dont il s’est doté, le délivre des contraintes naturelles, et le livre pleinement en retour à la contrainte sociale naturalisée. Sa puissance est tout extérieure. En socialisant le naturel, il naturalise inévitablement le social, et au final se dé-nature. Il mute par désaffectation, désindividualisation, désappropriation. Décuplant son pouvoir sur la nature, il abdique tout pouvoir sur lui-même. Car le contrôle de la nature, y compris celle de l’intérieur, s’exerce toujours socialement au prix de son autonomie. Le pouvoir absolu en ce domaine socialise absolument. C’est pourquoi il est si comique d’observer l’agitation besogneuse des libéraux de toute obédience qui travaillent chaque jour à une collectivisation toujours plus totale au moyen des outils qu’ils croyaient avoir forgé pour libérer l’individu. Le cynique est finalement celui qui se perd sans se chercher en croyant s’être trouver. Adaptation, résignation, voilà ses maîtres-mots. Vive la liberté, s’écrie-il, en coupant joyeusement les liens symboliques, désintégrant l’individu. Mais l’atomisation n’est pas l’émancipation, et la déréliction n’est pas le but. « Aide la machine à te faire disparaître, elle t’aidera à oublier ! » : credo cynique.



Kunisme : naissance de la tragédie.


Le kunique s’observe lui-même dans son devenir. Projection d’individu, il a cette modestie de l’esquisse et la noblesse du grand dessein. Son grand dessein, c’est lui-même. Il ne pense pas être totalement né, c’est ainsi qu’il peut aller vers sa chance.

Face à l’embrigadement, à l’encasernement généralisé que les instances du biocontrôle appellent individualisme, le kunique s’avance nu, armé de sa seule et pauvre subjectivité.

Pour le kunique, cet individualisme que dénoncent les belles âmes citoyennes, sociales, charitables ou nationales, n’est que le mot-écran dont se sert la machine pour escamoter la réalité cruelle d’une dépersonnalisation programmée.

L’humanité, pour le kunique, n’est pas une essence mais une aventure et un projet. Et c’est ce projet qui est actuellement remis en cause par la procédure générale de marchandisation. On ne naît pas humain, on le devient. L’être-humain est une auto-création permanente.

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