L’éducation a eu, au cours de l’histoire,
des objectifs différents. Aujourd’hui, il s’agit clairement de former des outils
humains pour la Marchandise, pour le Management dirait Pierre Legendre. Qu’est-ce
le Management selon lui ? Rien moins que le prescripteur moderne de la Vérité,
le ciment du social qui ne se donne pas comme ciment, ce qui le distingue de
tous les mortiers précédents, christianisme en tête.
Quiconque travaille aujourd’hui dans
l’éducation, travaille donc plus ou moins pour le Management, qu’il le veuille
ou non ; pour l’industrialisme et pour la Marchandise, en tant que formes
sociales générales désignant implicitement une Référence absolue autour de
laquelle s’articule tout le système de présentation et de représentation, tout
l’appareil d’identification et de gestion de la violence humaine fondamentale
(inceste et volonté de toute puissance, narcissisme pervers). Et entre le
Management et une autre forme prescriptive, point d’alliance possible.
Il est donc parfaitement
grotesque de chercher à éduquer un être humain plutôt qu’un outil, si l’on n’a
pas d’abord conscience de la hiérarchie réelle. Tout en haut, la Marchandise,
et, en bas, le reste, y compris Dieu. Car Dieu est au service de la Marchandise
tant que celle-ci n’a pas été défaite. Si bien que personne ne sert Dieu, ou la
justice, ou l’humanité, s’il reste l’esclave de la Marchandise. Le Management s’interpose
subrepticement entre Dieu et les hommes. Littéralement, il prend Sa place.
Et chacun le sait, on ne peut
servir deux maîtres à la fois, même si l’un des deux se cache en tant que maître
pour se laisser voir comme pure technique, et donc comme pur neutre.
Par conséquent, rien n’est plus risible que
les gesticulations contraintes de ces Bonaparte en chambre dont toute l’action vise
à l’objectif final de l’adaptation. Adaptation à quoi ? A cette sacro-sainte
réalité qui n’est qu’une toile peinte en trompe-l’œil pour attraper le naïf ou
le coquin. Si Dieu n’est pas mort, c’est derrière ce décor qu’il faudra le
chercher.
Un éducateur qui ne souhaite pas
renverser l’Idole marchande est avant tout le serviteur de cette idole. Qu’il
fasse chaque matin des prières à la Vierge ou à la République n’y change rien.
Adrien Royo