jeudi 17 mai 2012

Au-delà du capitalisme

Introduction à la Wertkritik dans le blog suivant : http://palim-psao.over-blog.fr/categorie-11025961.html

Très kunique, non?

 

Qu'est-ce que la wertkritik ?

Avec d'une part le travail magistral de Moishe Postone, et  d'autre part les groupes allemands et autrichiens comme Krisis, Exit, Streifzüge ou le groupe 180 ° avec des théoriciens comme Roswitha Scholz, Norbert Trenkle, Robert Kurz, Anselm Jappe, Gérard Briche, Ernst Lohoff, et plusieurs autres auteurs, «  une réinterprétation de la théorie critique de Marx » comme l'a appelée Postone, est apparue durant les deux dernières décennies. A la différence des lectures traditionnelles de Marx avec lesquelles elle rompt, cette approche parfois étiquetée comme mouvance de la « critique de valeur » (wertkritik), a des intérêts principaux divers :  cette nouvelle critique s'est en grande partie faite remarquée pour avoir articulé une approche théorique qui porte une attention particulière au caractère fétichiste de la production de marchandises, à la dimension abstraite (travail abstrait) de tout travail, à la distinction entre valeur et richesse matérielle et à la nature du capital comme  « sujet automate ». Ainsi, à la différence des marxismes traditionnels les sujets principaux du capitalisme ne sont ni le prolétariat, ni la bourgeoisie, mais plutôt le capital lui-même (la valeur qui s'autovalorise). La valeur n'est pas limitée à la seule " sphère économique ", mais impose sa structure à toute la société, la valeur est une forme sociale de vie et de socialisation, un " fait social total ".
 
Un des points centraux de ce nouveau travail théorique est de développer une critique du capitalisme qui ne s'arrête pas au niveau des antagonismes de classes sociologiques, à la question des rapports de distribution et de propriété privée des moyens de production. La classe capitaliste gère un processus de production de marchandises à son propre profit, mais n'en est pas l'auteur ni le maître. Travailleurs et capitalistes ne sont que les comparses d'un processus qui les dépasse, la lutte des classes si elle existe bien, n'est en réalité qu'une lutte d'intérêts à l'intérieur des formes de vie et de socialisation capitalistes. Ainsi à l'inverse de l'anticapitalisme tronqué, la critique de la valeur ose enfin critiquer le système dans sa totalité, et d'abord critiquer pour la première fois son principe de synthèse sociale, le travail en tant que tel, dans ses deux dimensions concrète et abstraite, comme activité socialement médiatisante et historiquement spécifique au seul capitalisme, et non comme simple activité instrumentale, naturelle et transhistorique, comme si le travail était l'essence générique de l'homme qui serait captée extérieurement par le capital. C'est le double caractère de cette forme de vie sociale et sphère séparée de la vie qu'est le travail et non le marché et la propriété privée des moyens de production, qui constitue le noyau du capitalisme. Dans la société capitaliste seulement, le travail abstrait se représente dans la valeur, la valeur est l'objectivation d'un lien social aliéné. La valeur d'échange d'une marchandise n'est que l'expression, la forme visible, de la valeur " invisible ". 
 
Un mouvement d'émancipation du fétichisme de la valeur, ne peut plus critiquer ce monde à partir du point de vue du travail. Il ne s'agit donc plus de libérer le travail du capital, mais de se libérer du travail en tant que tel, non pas en faisant travailler les machines à la place car le mode industriel de production est intrinsèquement capitaliste (la technologie n'est pas neutre), mais en abolissant une activité posée au centre de la vie comme socialement médiatisante. Cependant la critique n'a pas à fournir en pièce jointe, un mode d'emploi pour une organisation alternative de l’emploi de la vie. Elle développe une explication possible du monde présent, des souffrances réelles de nos propres vies et des exigences sociales qui leurs sont imposées, mais ce n'est pas un mode d'emploi expliquant comment construire correctement une " société idéale ". Le seul critère proposé par la wertkritik c'est qu'aucun medium fétichiste (comme aujourd'hui le travail) ne s'interpose désormais entre les individus sociaux et entre les individus sociaux et le monde. Et comme cela n'a jamais existé, cela reste à inventer. Mais il n’y a pas de compromis possible avec l’économie, c’est-à-dire avec le travail comme forme capitaliste du métabolisme avec la nature, et comme médiation sociale entre les humains. On ne peut privilégier à côté de l'économique, d'autres dimensions (le don, l'entraide, le care, etc.) qui pourraient exister parallèlement, car la valeur est une forme sociale totale fétichiste qui envahit tout : il faut sortir carrément de l’économie en inventant d’autres formes de médiation sociale entre nous, que celles du travail, de la marchandise, de l’argent, du capital qui branche nos « capacités de travail » sur ses agencements sociaux et ses machines. D'autres points forts de ce nouveau travail théorique a été de fournir une structure qui permette de comprendre le processus de crise économique qui a commencé dans les années 1970 et dont les considérables effets actuels sont souvent compris comme une simple «  crise financière », ou encore un autre apport a été l'élaboration d'une théorie socio-historique de la connaissance et de la subjectivité qui rompt avec l'épistémologisme contemporain, tout en permettant de comprendre autrement l'antisémitisme, le racisme, la politique, l'Etat, le droit, la domination patriarcale, etc. Pour faire plus ample connaissance avec ce nouveau travail théorique rompant avec le marxisme, on pourra aller voir dans la partie " présentation de la wertkritik ".

mercredi 2 mai 2012

A Seux qui nous nargue

Le mois de mai commence fort. Tous autour de la valeur travail, syndicats et politiques, anarchistes et sarkozystes, la gauche et la droite.

Tous célèbrent sans le savoir le travail de la valeur en eux et par eux. Le Capital, dans son mouvement d'auto-valorisation travaille tout seul en vérité à la création de la valeur et supprime à cet effet, paradoxalement, mais nécessairement et suicidairement à la fois, les travailleurs eux-mêmes, dont il a pourtant besoin, qu'il remplace par des machines. Et ce que demandent les travailleurs, c'est de se faire toujours plus machines pour sauver leur vie. La fête du travail, c'est la fête du Capital. Ni la gauche ni la droite, ne peut comprendre cela.

Quant à Dominique Seux, de France Inter et des Echos, que comprend-il ? Rien. Que le courage est l'apanage des matamors de cour de récréation, toujours prêts à s'attaquer aux plus faibles pour se faire valoir aux yeux des médiocres. C'est le courage des Versaillais pendant la Commune, le courage de Thiers massacrant la plèbe pour soutenir la Banque de France. C'est le courage des multinationales et de la BCE, celui de Goldmann Sachs ou de Tepco, le courage des puissants dans l'exercice de leur concussion, le courage des intérêts particuliers dressés contre l'intérêt général. Il n'a pas dit ce matin sur France Inter que la CMU (la couverture maladie universelle) était une mauvaise mesure votée par la gauche, non, mais il a dit que la mesure était peu courageuse puisqu'elle défendait les pauvres. Tandis que la baisse des impôts des plus riches, ça oui, c'est du courage. Est courageux pour ce monsieur, visiblement, tout ce qui va aux puissants, et un peu lâche tout ce qui va aux faibles. Curieux tout de même que la vertu politique devienne le monopole des privilégiés. Aux âmes bien nées évidemment le vrai sens des responsabilités nationales, comme toute l'histoire nous en montre des traces insignes, le vrai courage qui consiste toujours bizarrement à sacrifier les autres sur l'autel de la nécessité. N'est-ce pas merveilleux que l'intérêt général se confonde toujours si parfaitement avec les intérêts privés bien pensés ? Quels sont les intérêts privés de ce monsieur, d'ailleurs?

Ce qu'il dit sans même s'en rendre compte, c'est qu'il n'y a plus de morale ou de solidarité qui vaille sous la tempête. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Certains pourraient alors en tirer la conclusion fort fâcheuse qu'il serait temps de rétablir la guillotine pour tous les privilégiés. Au nom de quelle valeur, dans ce cas, sauverait-il sa tête? Au nom de la loi du plus fort?

Le peuple est sauvage, c'est bien connu.

Adrien Royo