Introduction à la Wertkritik dans le blog suivant : http://palim-psao.over-blog.fr/categorie-11025961.html
Très kunique, non?
Qu'est-ce que la wertkritik ?
Avec d'une part le travail magistral de Moishe Postone, et d'autre part les groupes allemands et autrichiens
comme Krisis, Exit, Streifzüge ou le groupe 180 ° avec des théoriciens comme Roswitha Scholz, Norbert Trenkle, Robert Kurz, Anselm
Jappe, Gérard Briche,
Ernst Lohoff, et plusieurs autres auteurs, « une réinterprétation de la
théorie critique de Marx » comme l'a appelée Postone,
est apparue durant les deux dernières décennies. A la différence des lectures traditionnelles de Marx avec lesquelles elle rompt, cette approche parfois étiquetée comme mouvance de la « critique de valeur » (wertkritik),
a des
intérêts principaux divers : cette nouvelle critique s'est en
grande partie faite remarquée pour avoir articulé une approche théorique
qui porte une attention particulière au caractère
fétichiste de la production de marchandises, à la
dimension abstraite (travail abstrait) de tout travail, à la distinction
entre valeur et richesse matérielle et à la nature du capital
comme « sujet automate ». Ainsi, à la différence des marxismes
traditionnels les sujets principaux du capitalisme ne sont ni le
prolétariat, ni la bourgeoisie, mais plutôt le capital
lui-même (la valeur qui s'autovalorise). La valeur n'est pas limitée
à la seule " sphère économique ", mais impose sa structure à toute la
société, la valeur est une forme sociale de vie et de
socialisation, un " fait social total ".
Un
des points centraux de ce nouveau travail théorique est de développer
une critique du capitalisme qui ne s'arrête pas
au niveau des antagonismes de classes sociologiques, à la question
des rapports de distribution et de propriété privée des moyens de
production. La classe capitaliste gère un processus de
production de marchandises à son propre profit, mais n'en est pas
l'auteur ni le maître. Travailleurs et capitalistes ne sont que les
comparses d'un processus qui les dépasse, la lutte des
classes si elle existe bien, n'est en réalité qu'une lutte
d'intérêts à l'intérieur des formes de vie et de socialisation
capitalistes. Ainsi à l'inverse de l'anticapitalisme tronqué, la
critique
de la valeur ose enfin critiquer le système dans sa totalité, et
d'abord critiquer pour la première fois son principe de synthèse
sociale, le travail en tant que tel, dans ses deux
dimensions concrète et abstraite, comme activité socialement
médiatisante et historiquement spécifique au seul capitalisme, et non
comme simple activité instrumentale, naturelle et
transhistorique, comme si le travail était l'essence générique de
l'homme qui serait captée extérieurement par le capital. C'est le double
caractère de cette forme de vie sociale et sphère
séparée de la vie qu'est le travail et non le marché et la propriété
privée des moyens de production, qui constitue le noyau du capitalisme.
Dans la société capitaliste seulement, le travail
abstrait se représente dans la valeur, la valeur est l'objectivation
d'un lien social aliéné. La valeur d'échange d'une marchandise n'est
que l'expression, la forme visible, de la
valeur " invisible ".
Un mouvement d'émancipation du fétichisme de la valeur, ne peut plus critiquer ce monde à partir du point
de vue du travail. Il ne s'agit donc plus de libérer le travail du capital, mais de se libérer du
travail en tant que tel, non pas en faisant travailler les machines à
la place car le mode industriel de production est intrinsèquement
capitaliste (la technologie n'est pas neutre), mais en abolissant une
activité posée au centre de la vie comme socialement
médiatisante. Cependant la critique n'a pas à fournir en pièce
jointe, un mode d'emploi pour une organisation alternative de l’emploi
de la vie. Elle développe une explication possible du monde
présent, des souffrances réelles de nos propres vies et des
exigences sociales qui leurs sont imposées, mais ce n'est pas un mode
d'emploi expliquant comment construire correctement une " société
idéale ". Le seul critère proposé par la wertkritik c'est qu'aucun
medium fétichiste (comme aujourd'hui le travail) ne s'interpose
désormais entre les individus sociaux et entre les
individus sociaux et le monde. Et comme cela n'a jamais existé, cela
reste à inventer. Mais il n’y a pas de compromis possible avec
l’économie, c’est-à-dire avec le travail comme forme
capitaliste du métabolisme avec la nature, et comme médiation
sociale entre les humains. On ne peut privilégier à côté de
l'économique, d'autres dimensions (le don, l'entraide, le care, etc.)
qui
pourraient exister parallèlement, car la valeur est une forme
sociale totale fétichiste qui envahit tout : il faut sortir carrément de
l’économie en inventant d’autres formes de médiation sociale
entre nous, que celles du travail, de la marchandise, de l’argent,
du capital qui branche nos « capacités de travail » sur ses agencements
sociaux et ses machines. D'autres points forts de ce
nouveau travail théorique a été de fournir une structure qui
permette de comprendre le processus de crise économique qui a commencé
dans les années 1970 et dont les considérables effets actuels
sont souvent compris comme une simple « crise financière », ou
encore un autre apport a été l'élaboration d'une théorie
socio-historique de la connaissance et de la subjectivité qui rompt
avec l'épistémologisme contemporain, tout en permettant de
comprendre autrement l'antisémitisme, le racisme, la politique, l'Etat,
le droit, la domination patriarcale, etc. Pour faire plus ample
connaissance avec ce nouveau travail théorique rompant avec le
marxisme, on pourra aller voir dans la partie " présentation de la wertkritik ".